vendredi 30 décembre 2011

Patients: n'êtes vous soignés que par des idiots rationnels?



"Avant tout affrontement, il faut s’imprégner de la  pensée adverse." (SUN TZU) 

Dans son essai Ethique et économie , devenu un classique, Amartya Sen dénonce la théorie économique néo-classique de l’agent rationnel dénué de dimensions morales, culturelles et affectives, comme théorie de « l’idiot rationnel », l’agent humain considéré du seul point de vue de ses motivations économiques.
  Un moyen infaillible d"invalider un système de croyances est de le pousser à l'absurde

Le Nouveau Management Public applique à la lettre le modèle de "l'idiot rationnel" tel que défini par Amartya Sen dans ses critiques de l'économie orthodoxe.
Ainsi s'explique dans le domaine de la santé l'incitation des acteurs par les mécanismes de pseudo-marché de la tarification à l'activité (T2A), la concurrence encadrée par indicateurs de productivité et bientôt le paiement individuel des médecins à la performance. Il faut que le métier de médecin ait été bien dévalorisé par des décennies de rhétorique managériale pour qu'on ait pu en arriver là, avec la coupable passivité voire une confiance pathologique envers les politiques publiques de la plupart des organisations médicales.

L'économomie orthodoxe trouve une des ses sources majeures dans l'oeuvre complexe d'Adam Smith. Utilisons  la méthode de démonstration par l'absurde à partir d'un texte célèbre de Smith que nous avons légèrement adapté:

"Nous n'attendons pas notre guérison de la bienveillance du médecin, de l'infirmière ou du directeur de l'hôpital, mais de ce que ceux-ci considèrent leur propre intérêt. Ce n'est pas à leur humanité que nous nous adressons, mais à leur égoïsme; nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins mais de leur avantage." Adapté d'Adam Smith.

Si vous y croyez, c'est que vous êtes devenu un bon manager public de santé et que des années de sophistique managériale ont  eu raison de votre bon sens.

Voici le texte original de Smith:

"Nous n'attendons pas notre dîner de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger, mais de ce que ceux-ci considèrent leur propre intérêt. Ce n'est pas à leur humanité que nous nous adressons, mais à leur égoïsme; nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins mais de leur avantage."  La sagesse des nations, livre Ier, chapitre II

Rappelons immédiatement que Smith est tout sauf un "ultra-libéral", puisqu'il définit ainsi les services publics:

« Le troisième et dernier devoir du souverain est d’entretenir ces ouvrages ou ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou plusieurs particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense.»

Smith, s'il souhaite limiter au mnimum l'intervention de l'Etat au nom du bien qu'il attend de la conjonction entre la liberté naturelle et les intérêts individuels,  n'ignore pas les défaillances de la division du travail et d'un système d'accumulation du profit non régulé. L'exposé de ces défaillances a été un peu effacé de son oeuvre par le fait que Marx en a fait l'usage que l'on sait.

C'est donc ici, s'agissant de la médecine, à une forme intégriste du libéralisme, à une religion économique de généralisation des mécanismes du marché appliqués à la santé et au delà à tout ce qui concerne le bien commun, qu'il faut aujourd'hui s'attaquer pour défendre notre médecine au sein d'un système de soins de santé solidaire.

Notons aussi que dans l'oeuvre de Smith se trouve aussi en germe la critique des défaillances des technocraties publiques ou privées, critique qui sera si bien développés par des économistes, des théoriciens des organisations et des sociologues comme Drucker, Galbraith, Mintzberg ou Crozier (sans parler de Max Weber!) et qui donneront finalement appui à la corporate governance, une des sources du NMP:


"Les directeurs de ces sortes de compagnie étant les régisseurs de l’argent d’autrui plutôt que de leur propre argent, on ne peut guère s’attendre qu’ils y apportent cette vigilance exacte et soucieuse que les associés d’une société apportent souvent dans le maniement de leurs fonds “

Rappelons que dans le loi HPST, si le pouvoir médical est évacué, c'est pour mieux faire du directeur devenu seul patron de l'hôpital, autrefois accusé de pactiser avec le corps médical et les élus,  le nouveau  fusible de l'agence régionale.

Après ces démonstrations par l'absurde qui je l'espère vous ont convaincu de ne pas laisser la santé aux mains des manipulateurs d'incitations,  continuons à explorer les critiques de nature économiques de l'hégémonie de la théorie de l'idiot rationnel.


« Pourquoi l'économie orthodoxe a-t-elle tant recours aux mathématiques ?
Parce que son hypothèse fondatrice est que la société est une mécanique constituée d'individus qui se comportent comme des automates calculateurs rationnels et égoïstes, ou d'idiot rationnels, c'est-à-dire de gens qui passent leur vie à tout calculer en termes d'avantages monétaires, et qui n'ont ni liens sociaux, ni histoire, ni règles collectives, ni valeurs. » Guy Minguet (sociologie du travail et de l’emploi)

La théorie de l'idiot rationnel a un effet de prophétie auto-réalisatrice, elle conduit les acteurs, pour leur survie économique face aux nouvelles règles du jeu, à se conformer au modèle de motivation que celles-ci supposent. Cela conduit à transformer le champ de la santé en marché des voitures pourries d'Akerlov.


The market of lemons de George Akerlov - Diaporama  http://www.batd.eu/debodt/downloads/fl16themarketforlemons.pdf

L'article suivant fonde la concurrence encadrée dans les systèmes de paiement à l'activité (medicare)
A Theory of Yardstick Competition Andrei Shleifer The RAND Journal of Economics, Vol. 16, No. 3. (Autumn, 1985), pp. 319-327.
http://pascal.iseg.utl.pt/~carlosfr/ses/shleifer_yarstick.pdf

Yardstick competition vs. individual incentive regulation: What the theoretical literature has to say? Eshien CHONG .
http://www.grjm.net/documents/Eshien-Chong/2004_survey_eshien_chong.pdf

Au contraire Amartya Sen remet radicalement en cause cette conception ubuesque de la santé

Amartya Sen. Des idiots rationnels, critique de la conception du comportement dans la théorie économique" (pp. 88-116), in Ethique et économie, Paris, PUF, 1987. http://www.scribd.com/doc/7259984/Sen-Rational-Fools-a-Critique-of-the-Behavioral-Foundations-of-Economic-Theory


Learning from others. The Lancet, Volume 377, Issue 9761, Pages 200 - 201, 15 January 2011



Libéralisme: attention aux faux amis -  Professions libérales à l'hôpital

"Un chirurgien qui a faim est un chirurgien dangereux" Guy Vallancien. 

Le terme "libéral" connaît de multiples faux amis, en économie, en politique etc.
La libéralisation, mot valise, peut comme Frédéric Pierru l'a bien montré dans "Hippocrate malade des ses réformes", enchaîner les médecins en s'attachant à libéraliser les systèmes de protection maladie (voir article d'Hassenteufel). On lira aussi avec profit  DidierTabuteau sur les métamorphoses silencieuses de l'assurance-maladie

Les médecins salariés pouvaient naguère se vanter de pouvoir être plus "déontologiques" que les médecins libéraux, au sens où ceux-ci sont payés à l'acte et peuvent être tentés d'en tirer un profit excessif. Mais depuis la multiplication des incitations gestionnaires pesant sur les salariés, par le souci obsédant de survie de leurs unités à la T2A, par le contrôle hiérarchique des médecins dans la nouvelle gouvernance et enfin par déploiement de la rémunération à performance, la réponse du berger à la bergère sera assez aisée. Qui pourra avec ce système de la carotte et du bâton, d'injonctions paradoxales, où le médecin est sommé de trahir les intérêts de son patient au profit de celui de "l'institution" publique ou des actionnaires, faire encore confiance à la médecine hospitalière française? Encore que la rémunération à la performance atteint aujourd'hui aussi les médecins de ville
Voir le blog atoute.org: Paiement à la performance des médecins : en route vers le chaos

Il me paraît intéressant de citer cette définition des "professions libérales" tirée de Wikipédia:

"La profession libérale désigne toute profession exercée sur la base de qualifications appropriées, à titre personnel, sous sa propre responsabilité et de façon professionnellement indépendante, en offrant des services intellectuels et conceptuel dans l'intérêt du client et du public.
(source, considérant no 43 de la directive à la reconnaissance des qualifications professionnelles n°2005/36/CE)
Une profession libérale réglementée est celle exercée par des personnes ayant reçu un diplôme reconnu dans leur métier, qui sont tenues par un code de déontologie, et qui sont soumis au contrôle d'instance professionnelles.
Parmi les professions libérales réglementées, on reconnaît celles :
Ces professionnels facturent leurs prestations en honoraires. Leur temps de travail est souvent libre. Elles doivent tenir une comptabilité."

Commentaires:
1 Notons que le mode de rémunération apparaît dans cette définition presque secondaire, qu'il s'agisse d'un juste salaire en contrepartie de prestations restant sous notre responsabilité et conformes à notre déontologie, ou d'honoraires définis avec tact et mesure dans un système de protection maladie cohérent, mais certainement pas une rémunération à la" performance" définie par les managers et leurs croyances sur l'incitation des médecins.

2 Notons également que ce libéralisme n'a rien à voir ni avec la liberté des projets et des inclinations d'idiots rationnels dans un marché dérégulé, pas plus qu'avec les 'indicateurs secondaires et la manipulation d'incitations censés les maîtriser. Cette maîtrise s'impose insidieusement au nom d'une fausse santé publique présentée comme le bien commun et qui n'a pour objet que de masquer un débricolage brouillon de la solidarité.

Lire "La fin de la médecine à visage humain" de Petr Skrabanek

Quand on réduit sans garde-fous les effectifs au lit des patients, parce qu'on a décidé en haut lieu qu'il ne fallait plus laisser aucune norme professionnelle contrecarrer à la puissance de restructuration de la T2A,  quand on autorise de nouvelles structures aussitôt démunies de moyens pour pouvoir rester dans des enveloppes Ondam, quand enfin personne ne croit plus que ces enveloppes aient été définies en fonction d'une mesure consistante des besoins de soins, mais qu'il est de plus en plus clair chaque jour qu'elles l'ont été par la seule ingénierie budgétaire camouflée en rhétorique de rationalisation, quel sens peuvent encore trouver des soignants qu'on empêche au quotidien de bien faire leur travail à cocher les croix dans les cases de la traçabilité dans les dossiers? Quel sens pour les directeurs à gagner quelques points de "performance" parce qu'ils auront pu créé un nouveau parapluie institutionnel imposé par l'incontinence réglementaire, peut-être contre de véritables risques, mais en captant encore et toujours les maigres ressources opérationnelles destinées aux soins des malades? Qui peut prétendre aujourd'hui évaluer les risques cliniques lés à cette incurie managériale et à la spirale de la défiance contre les professionnels?

La libéralisation des systèmes de protection-maladie européen. Patrick Hassenteufel

Faut-il remettre en cause le paiement à l'acte des médecins

Les figures de la qualité en santé. Magali Robelet

Une profession de l’État providence, les directeurs d’hôpital François-Xavier Schweyer

Soins de santé primaires -  Les pratiques professionnelles en France et à l’étranger Eléments de bibliographie. Irdes

Injonctions paradoxales - Bertrand Kiefer éditorialiste de la revue médicale suisse

L'Etat pour mieux rationner entraîne les usagers dans une spirale de la défiance envers les médecins. La démocratie est tout sauf la "démocratie sanitaire" dirigée par les agences planificatrices qu'on nous vend aujourd'hui. Ce serait une véritable intelligence territoriale, avec les partie prenantes légitimes, respectant l'expertise d'usage des patients, l'expertise et la logique des professionnels, celles des entrepreneurs marchands et la nécessaire régulation de l'Etat.

Pour des soins accessibles, gradués selon les besoins, décloisonnés entre soins et social, et restant solidaires.

jeudi 15 décembre 2011

Qui incite qui à l'hôpital? Brave new world


"La politique est l'art d'empêcher les gens de s'occuper de ce qui les regarde." Paul Valéry

Trois articles et une lettre récents, confrontés avec quelques bonnes feuilles plus anciennes. 
Tous parlent de la même chose, du Nouveau Management Public. Confrontation aporétique, mais les interprétations se complètent.
Le médecin français, au delà le "professionnel de santé",  n'est-il plus que l'idiot rationnel égoïste et calculateur de l'économie orthodoxe? 
Le directeur n'est-il plus que le fusible de l'agence? 
L'usager le bras armé du rationnement déguisé en normalisation gestionnaire par la démo-bureaucratie sanitaire?
Car voici, en toute beauté et dans la splendeur de sa jeunesse, la nouvelle Direction de la Démocratie Sanitaire
Brave new world?

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Le devin plombier  en ingénieur de filières

1. Qui commande à l'hôpital?
http://www.snphar.com/Data/upload/file/6-reflexion-phar-58.pdf
Note comme vous chercherez comme moi l'article qui se termine sur la première page de celui qui est mis en lien, c'est l'article n°3:


2. La rémunération variable rend-elle plus efficace ?
Cet article du monde n'est hélas plus accessible mais on se reportera au rapport de l'OCDE du même nom:
La rémunération à la performance est-elle efficace? Publication de l’IGPDE / Recherche - Études - Veille n° 30 - mars 2009 Cliquer ici (voir les recommandations de l'OCDE)

3. Paiement à la performance des médecins : un chaos organisé ?

4. Qui est le fusible à l'hôpital? - Lettre de la FHF à Annie Podeur sur les CPOM (source FHF)

5. Napoléon au pays du New Public Management (Frédéric Pierru)

6. Elsa Boubert. L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières


7. Kervasdoué: Etrange "loi Bachelot" qui va à rebours des objectifs affichés (Jean de Kervasdoué)

8. L’avènement de la gestion par pôle Dernier avatar de la lutte de pouvoir à l’hôpital? (Robert Holcman) - Cliquer ici

Rassurez vous, la nouvelle direction de la démocratie sanitaire veille sur notre autonomie professionnelle.
La pression de l’actionnaire et de son bras armé, le client, est bien analysée dans " la fatigue des élites" de François Dupuy. Ce livre, ainsi que son récent et indispensable "Lost in management"  permet de comprendre comment dans le nouveau management public se construit le mythe managérialiste de la "démocratie sanitaire". 

  « Personne ne commande mais tout le monde obéit. » Michel Crozier

dimanche 11 décembre 2011

Brave new world medicine - L'hôpital sous pression

Le désenchantement hospitalier à travers les lunettes d’un sociologue
« Je ne crois qu’aux statistiques que j’ai falsifiées moi-même. » Winston Churchill


Je recommande à tous la lecture du livre de Nicolas Belorgey: "L'hôpital sous pression, enquête sur le Nouveau Management Public" Editions La Découverte, Paris 2010.
L'auteur a changé le nom des hôpitaux où il a enquêté, ainsi que celui des différents acteurs impliqués dans les réorganisations des urgences, thème central du livre. Ainsi les réorganisations  décrites à Larrey, Maubourg etc. sont des situations prototypiques que nous visons au quotidien dans nos hôpitaux. 
L'AAES, cette agence qui "gouverne sans en avoir l'air" à coup d’audits au nom des principes du Nouveau Management Public (NMP), c’est bien sûr la MEAH (devenue aujourd'hui ANAP).
Le Nouveau Management Public constitue un système de croyances et d’outils mis en œuvre par les politiques publiques depuis les années 80 aux USA et au Royaume Uni. Face à la crise des dépenses publiques il est conçu comme une machine de guerre contre les dysfonctionnements réels ou supposés de la bureaucratie wébérienne. Il s’intéresse initialement au contrôle des agents producteurs, cherchant à accroître leur productivité. Sorte de néo-taylorisme dans son noyau dur d’origine, il a connu des formes diverses et plus ou moins adoucies. « A son prisme, les problèmes sont reformulés en questions purement techniques, les aspects politiques étant réputés traités dans des instances extérieures comme le Parlement ». Se présentant comme simple recherche d’efficacité il est transposable dans n’importe quel contexte. Puisqu’il n’y a pas de différence entre public et privé on gagnera a importer dans le secteur public, réputé si improductif, les outils qui ont fait la fortune du privé

Ces outils sont aujourd’hui bien connus dans le domaine de la santé où les pouvoirs publics tentent de les déployer au risque du « désenchantement » et d’un sentiment de perte de sens croissant pour les professionnels. L’auteur les énumère: « indicateurs de performance, benchmarking …, « responsabilisation » des professionnels, incitations financières au rendement, recours à des consultants privés et des agences spécialisées présentées comme purement techniques, mise en cause des statuts de la fonction publique , bref dédifférenciation globale entre les secteurs publics et privés. »
Les postulats et les effets de cette rationalité managériale "de marché", comme la décrit André Grimaldi, sont analysés en finesse à travers la diversité des résistances ou des bonnes volontés face aux injonctions des "réformateurs". Le NMP déploie de fait une logique de concurrence par comparaison de résultats financiers dans un "pseudo-marché" artificiellement créé pour rationner les soins en les restructurant. Ces croyances et ces effets enferment bien la médecine dans la "cage d'acier" de l'ethos du profit de Max Weber, dans une rationalité formelle qui en fait le seul indicateur universel. Voici quelques clés résumant l’effet désastreux de ces nouvelles techniques à l’hôpital "Larrey" :
· Le contexte d'un hôpital historiquement sous doté, laissé à l'abandon par ses tutelles dans une banlieue déshéritée, suspecté même d'être un lieu de sanction pour les managers quand ils voient l'un des leurs venir y travailler, tutelles contre lesquelles l'hôpital a le fort sentiment partagé en son sein d'être contraint de lutter en permanence pour survivre.
· Son caractère hospitalo-universitaire en "milieu hostile" qui l'incite, en forteresse assiégée, à ignorer la pression de sa proximité, dans la contradiction exacerbée par l'asphyxie financière entre logique de parcours de soins de plus en plus chaotiques et impératifs du maintien de l'expertise au coeur des missions d'un CHU. Mais ce CHU est inséré dans un territoire où l'offre de soins et de services sociaux se situe très au dessous de la moyenne nationale pour des patients dont le plus lourd impact des déterminants de santé est connu mais par construction ignoré dans l'analyse des "performances" d’un hôpital français à vocation « curative ».
· Le contexte syndical et politique y est finement analysé sans en faire un déterminant clé de la résistance aux "changements" pilotés par la MEAH
· La distinction entre established et outsiders qui seraient plus favorables aux réformes managériales en ce qu'elles peuvent inverser certains gradients d'autorité traditionnels pour des outsiders médecins ou non, qui s'estiment tort ou à raison "dominés" est convoquée. Elle n'est pas toujours en cause à l'échelon individuel des personnalités dont les parcours complexes peuvent déterminer l'attitude lors des "audits" et face à la rhétorique des « réformes ».
· Belorgey analyse avec précision les mécanismes du « désenchantement » soignant. Sans ignorer "la logique de l'honneur" à la française et la "hiérarchie" des métiers, il englobe sous ce vocable les soignants médecins et non médecins, qu'il oppose aux "intermédiaires", les managers soumis aux injonctions descendantes mais qui ne sont pas au contact du public.

Ces mécanismes sont issus du système de croyance du Nouveau Management Public :
1. Pour réduire les dépenses, il faut augmenter la productivité des agents. La concurrence par comparaison doit pouvoir s’appuyer sur un système d’indicateurs permettant de définir la performance en la rendant indépendante de la vision de la qualité par les professionnels. Cette déconnection entre performance et niveau de ressources est assurée par le modèle de la fonction de production de Fetter qui assigne à l’hôpital le rôle de produire des « GHM », ces groupes de malades réputés homogènes tant dans la logique médicale de prise en charge que de la consommation de ressources. Une fois les résultats standardisés, l’allocation de ressources passe en principe sous la responsabilité de centres de coûts, les pôles, devenus le plus bas niveau de gouvernance managériale et qui sera « imputable » de ces nouveaux résultats. Il convient dans le modèle que le moteur, ou système de paiement prospectif ait une forte « puissance » de restructuration. C’est le cas de la T2A, pseudo-marché qui prend certes dans sa construction dans l’échelle nationale des coûts une moyenne pour une norme (Kervasdoué), mais s’empresse vite de l’oublier. De nature inflationniste il faut en effet contenir la dépense par un système d’enveloppes fermées, c’est le rôle de l’Ondam.

2. Au niveau stratégique, intervient la dissociation décisions stratégiques / opérationnelles, clé du NMP et de l’exclusion des « partie prenantes » au profit des « ayants droit », logique avant tout réactive. Elle vise la « faisabilité politique de l’ajustement ». Au lieu de déployer une politique publique de santé qui tente de concilier efficacité économique, égalité et justice sociale, elle se réduit dans la planification sanitaire et sociale à répondre aux lobbyings qui ont assez d’habiletés pour construire la réalité sanitaire et attirer les fonds, ou tout au moins s’en voir moins retirer que d’autres activités moins bien fléchées sur le plan politico-médiatique.

Dans la construction de cette réalité numérique, il convient de mettre une chape de plomb bureaucratique sur l’évaluation des besoins de soins et de services sociaux dans les territoires. Cette chape est confiée à une nouvelle cléricature médico-technocratique, les nouveaux « commissaires de la santé et du bien être » selon l’expression canadienne, qui sont chargés de masquer la baisse de l’accès aux soins, de la qualité de ceux-ci et les pertes de chance qui en découlent derrière un système d’incantations et un voile pseudo-scientifique permis par les NTIC et les data interconnectées. Ils ont pour fonction de persuader usagers et élus que le système est en perpétuelle amélioration et qu’en quelque sorte, comme dans l’enseignement, « le niveau monte ».

3. En troisième lieu, il faut assurer le contrôle de l’asymétrie d’information dans un système qu’on a rendu plus concurrentiel et par hypothèse fondé sur des contrats incomplets (théorie de l’agence et des coûts de transaction). Il faut donc mettre en place un mécanisme de « certification » censé éviter les phénomènes indésirables de « marché des casseroles » (« market of lemons » d’Akerlov). Il permet également face à tous ceux qui ont beau jeu de rappeler que la tarification ne dit rien de la qualité des soins, de disqualifier radicalement par le biais des agences expertes la vision de la qualité et du travail bien fait au sens des professionnels. Cette dissociation performance / qualité, c’est la fonction de la « démarche qualité » issue des agences et par essence « top down » avec la modélisation d’indicateurs comme le temps d’attente aux urgences qui apparaissent aux yeux des soignants beaucoup trop « périphériques » s’ils sont isolés des enjeux réels pour les malades et du contexte organisationnel. Lors des audits et dans les différentes versions de la certification, ils sont alors perçus comme outils développés au détriment des coeurs de métier. Voilà le noyau de la machine de guerre contre la" bureaucratie professionnelle", voilà aussi son échec attendu.

4. La gouvernance sépare d’une part l’imputation de la performance (concurrence par comparaison des résultats qui vise d’abord les managers) et d’autre part les responsables opérationnels de l’organisation des soins proprement dite. Ce sont pourtant les activités opérationnelles, quels que soient les besoins territoriaux, qui seront les victimes expiatoires des choix d’allocation des ressources effectués au niveau des centres de coûts (pôles). "L'imputabilité" échoit finalement à l’opérationnel, l'unité clinique, pourtant privée par la gouvernance même des moyens d'organisation qui dépendent de "centres de coûts" à des niveaux de responsabilité "supérieurs" de la pyramide managériale.
Cette déconnection au niveau des équipes cliniques ou niveau "micro" entre production et conception du travail ou sens de l'action, ne peut se concevoir sans lien étroit avec la gestion des ressources humaines et des compétences en d’autres termes une nouvelle « division du travail ». Nous devenons tous des producteurs pour les indicateurs de "résultats" de process !
Un moment fondateur du non sens de ce système est d’imputer in fine aux responsables d’activités médicales des « résultats » qui ont peu de sens pour eux quand ils n’ont plus de surcroît l’autonomie requise pour organiser leur travail. Pour que le « modèle » soit efficace il est censé bannir toute norme en personnel et moyens ou cahier des charges en terme de conditions techniques de fonctionnement qui en affaiblirait la « puissance ». Il s’agit d’ignorer par construction toute plus-value en terme de qualité des soins issue de la stabilité et de l’adaptabilité des procédés de travail existants, de la formation en situation d’apprentissage en équipe et de la motivation des unités cliniques ou médico-techniques. Tout problème de moyen est alors transformé en problème d’organisation, l’organisation scientifique des process s’impose comme parole mythique interdisant de restreindre l’organisation au périmètre de l’unité de soins, du service, voire du pôle. Toute plainte relative aux moyens est instantanément et quel que soit le niveau de gouvernance renvoyée aux plaignants en terme d’organisation insuffisante, de besoin de mutualisation, de flexibilité et de fongibilité.
Notons que se joue ici l’hétérogénéité des situations face au fonctionnement en pôles d’activités entre les hôpitaux les moins attractifs et les « hôpitaux magnétiques » qui peuvent parvenir à limiter les effets délétères de cette dissociation :

1. en donnant un contour médicalement cohérent et fonctionnel à leurs pôles,

2. en bénéficiant de réelles délégations de gestion, même si la réduction permanente des enveloppes, parfois aggravée comme à l'AP-HP par un contrôle direct sur les tableaux des emplois par les DRH en fait un miroir aux alouettes,


3. en ayant latitude d’organiser les soins et activités médico-techniques en décloisonnant les lignes médicales et paramédicales.


Belorgey remarque avec acuité que cette division verticale du travail varie selon les établissements, et que la configuration en « boite à œufs » professionnelle, en lignes verticales qui ne doivent pas se toucher, semble plus spécifique de AP-HP, tout comme l’on peut observer que les effets de bureaucratie professionnelle sont exacerbés avec les collégiales centralisées, tout comme les effets de bureaucratie wébérienne le sont par le millefeuille des 7 niveaux d’organisation de l’AP-HP. Cette division en boite à oeufs, avec une hiérarchie médicale indépendante de la hiérarchie paramédicale directement placée sous la ligne hiérarchique de la direction des soins, donc de la direction à "Larrey", s’oppose à la coordination réelle par le chef de service ici également chef de pôle et plus intégrateur à "Maubourg".


Le NMP est avant tout une machine à réduire les dépenses face à la crise de la "dette publique", par transfert des "choix tragiques" dont la vente par appartements de la protection sociale. Même si Machiavel n'y croit pas, car il est intelligent, s’il sait que ce système de croyances n'a pas fait ses preuves, c'est une machine de guerre avant tout déployée par les politiques publiques contre le modèle de la bureaucratie légale rationnelle ou wébérienne, jugée improductive. En France, les statuts de la fonction publique sont bien entendu une cible privilégiée. L'improductivité proclamée des soignants des hôpitaux, si "mal organisés", faute d’organisation scientifique des process par les nouveaux ingénieurs des soins, est jetée en pâture à l'opinion et aux élus qui doivent se doter d’outils d’autodéfense défense intellectuelle contre les mythes de la sophistique managériale.


La première cible selon le modèle du NMP, c'est bien le directeur d'hôpital, le premier "imputable" (accountability). La guerre contre la "bureaucratie professionnelle" est seconde, un projet latéral du NMP appliqué à la santé en quelque sorte, qui a abouti à la demande de certaines organisations de managers hospitaliers au volet gouvernance de la loi HPST (un seul patron à l'hôpital). Elle est bien vulgarisée et préconisée par le rapport Minc qui appelle à casser la régulation mandarinale contre-productive par la mise en place de "solides chaînes de commandement", ou par les zélateurs du modèle industriel comme Claude Le Pen avec ses "Habits neufs d'Hippocrate".

D'Iribarne et Mintzberg permettent de comprendre pourquoi la "logique du contrat" inhérente au NMP, s’avère incompatible avec le fonctionnement harmonieux de systèmes professionnels ou les opérationnels sont les experts des procédés de travail. D'Iribarne attribue l’inadaptabilité de la logique de contrat à la culture des entreprises françaises, mais cette rationalité réputée française et peu adaptable au "contrat" est-elle si différente de ce que Mintzberg décrit sur le plan international dans ses configurations "professionnelles". Cette logique économique des contrats y conduit à l'inefficacité, à la perte de sens pour les équipes de soins, à une baisse désastreuse mais masquée de l'accessibilité, de la qualité des soins et des résultats cliniques pour les patients.
Pour Mintzberg, on ne peut pas gérer "contre" les professionnels, même en inventant de faux « résultats », cette production de "groupes homogènes de malades" pour singer les modèles industriels et des indicateurs myopes (Giauque) en croyant réduire l’asymétrie d’information. Cela ne laisse au management intermédiaire que la possibilité de fermer aveuglément les robinets financiers sans compréhension de ce qui se passe. Il faut amener les professionnels à prendre en charge le problème bien réel du juste "soin au juste coût". Cure et care doivent associer de façon étroitement intriquée différenciation par les technologies et les procédés de travail et intégration des soins. Cela ne peut venir d'un simple projet "macro" ou d'une technocratie "méso", cela se joue au niveau clinique.

Hélas le terme ultime du projet managérial porté par les politiques publiques du NMP, c’est de faire accepter cette vision de la médecine mécanisée selon les modèles industriels, celle d’une organisation-machine de la santé, à laquelle personne ne connaissant le sujet ne croit vraiment. Mais ce n’est pas la médecine qui est en jeu. La médecine comme « métier » s’en sortira toujours parce qu’il y a une demande. C’est la construction « intentionnelle » de la demande par des politiques publiques qui est en question, celle des représentations des priorités de santé et des « populations vulnérables », qui vise avant tout à réduire cette partie de la médecine prise en charge par l’Etat providence, cette portion réduite qui restera financée par l’Assurance Maladie Obligatoire. Ce qui est insupportable, dans un hôpital comme « Larrey » est de constater la mise en place désastreuse, descendante et « caporalisée » d’une « médecine low cost » démunie de toute définition démocratique de ce que doivent être les futurs contours de la solidarité. Ce qui domine le champ des discours officiels, dans une inversion dramatique des fins et des moyens, c’est aujourd’hui ce que Belorgey nomme les « méthodes de persuasion des intermédiaires ». Ce sont aussi celles qui visent à y faire adhérer non seulement les élus, les managers, les usagers et leurs associations, mais surtout les professionnels eux-mêmes sans lesquels la rhétorique réformatrice resterait sans effets. Tous doivent être entraînés dans la souricière cognitive de cette déconstruction non négociée de la protection sociale. La dynamique complexe de répartition entre convertis, résistants et faux croyants ne s’explique pas par les simples clivages générationnels, syndicaux, politiques, hiérarchiques ou professionnels.

L’approche par l’attitude des established et outsiders est féconde. Les logiques professionnelles des established, défendant leur vision de ce qu’est la qualité des soins, sont alors assimilés par le managérialisme aux représentations caricaturales de la bureaucratie wébérienne et ces professionnels désenchantés de ne pouvoir bien faire ce qu'il savent faire, sont identifiés comme des obstacles à l’innovation, corporatistes, paresseux et / ou "irrationnels" quand bien même ils sont respectés et reconnus par leurs pairs.
Un meilleur contrôle des attitudes des established, indispensable au modèle comme il l’a été auparavant dans l’entreprise privée, ne serait-il pas le produit recherché de la réingénierie des métiers de santé ? La "compétence" sera avant tout conçue dans une perspective de standardisation des "attitudes et des comportements" qu'il s'agisse des usagers-clients incités à "s'auto-activer" sous le regard des nouveaux commissaires à la promotion de la santé et du bien-être, des professionnels et des nouveaux managers. Il faut avant tout vaincre les "résistances au changement". Le mot d’ordre pour l'ère du vide: devenons entrepreneurs - ou coach - des autres et de nous-mêmes !
AAES agence d'audit des établissements de santé, en fait la MEAH: Mission nationale d'Expertise et d'Audit Hospitaliers devenue ANAP, Agence Nationale d'Appui à la Performance
GHM: Groupe Homogène de Malade
ONDAM: Objectifs Nationaux de Dépenses d'Assurance-Maladie
T2A: Tarification à l'Activité


Webographie

Réingénierie de la santé et dynamique des organisations


3. Through Mintzberg’s glasses: a fresh look at the organization of ministries of health Jean-Pierre Unger, Jean Macq, François Bredo & Marleen Boelaert: http://www.who.int/bulletin/archives/78(8)1005.pdf


4. L'hôpital et le contrat. Benoît Nautréhttp://www.ceras-projet.org/index.php?id=3139


5. Napoléon au pays du New Public Management - Frédéric PierruCliquer ici


6. Le Nouveau Management Public et la bureaucratie professionnelle
http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/46/06/38/PDF/p177.pdf


7. Une critique des modes managérialistes dans la gestion des organisations de services humains complexes de santé et de services sociaux Alain Dupuis, Téluq UQAM et Cergo Luc Farinas, Cergo 2009 Énap et Téluq
http://www.cergo.enap.ca/CERGO/docs/Cahiers_de_recherche/2009/Cahier_du_Cergo_2009-02.pdf
Sur la construction des priorités de santé

8 A social explanation for the raise and fall of global health issues. Jeremy Shiffman
Résumé en français de l'article: Cliquer ici

Une explication du paradigme constructiviste en santé publique, d'après l'article de Jeremy Shiffman


Plus généralement


10. Les paradoxes de la gestion publique (Giauque - La bureaucratie libérale)
http://lipsor.cnam.fr/servlet/com.univ.utils.LectureFichierJoint?CODE=1263310427797&LANGUE=0


11. D’un principe de justice à un standard d’efficacité : la rationalité régalienne à l’épreuve de la logique gestionnaire. Thibault Le Texier:
http://popups.ulg.ac.be/dissensus/document.php?id=735&format=print#tocto1


10. Lolf et changement de paradigme Claude Rochet:
http://claude.rochet.pagesperso-orange.fr/pdf/LOLFetchangement.pdf

vendredi 25 novembre 2011

Antimédecine, victimes et "boucs émissaires"


1. Démédicalisation de l'organisation des soins et "boucs émissaires"

« Ce que les Français détestent, ce ne sont pas les inégalités, ce sont les inégalités autres que celles qui sont octroyées par l'Etat. » Jean-François Revel


Illustrations: Nouveau Management Public, perte de sens, transfert des choix tragiques, double relation d'agence, boucs émissaires...



En quête des origines de l'antimédecine

Je suis toujours en quête d'un modèle explicatif des progrès stupéfiants de l'antimédecine,  d'une grille d'interprétation de l'ahurissante démédicalisation des modèles de gestion de la "santé", de ses effets ubuesques sur la dégradation des soins délivrés à nos malades, sur nos équipes de soins, si désemparées d'être obligées de mal faire ce qu'elles savaient bien faire. Nos hôpitaux, nos soins de ville, nos institutions d’hébergement, nos agences et nos ministères ont décroché de la réalité. Comment cela a-t-il été possible? 

L'antimédecine est à la mode, elle se vend bien. On peut certes évoquer une lecture trop superficielle d'Illitch et de Foucault, ou la confusion qu'a fait hélas Foucault, malgré sa finesse, entre médecine sociale et biopolitique. Les méfaits de cette confusion sur la grande fragmentation des lois de 1970 et 1975, qui ont voulu expulser la "part du social" de l'hôpital autant que démédicaliser le handicap alors devenu un concept socio-environnemental voire purement politique, n'ont pas fini de se faire sentir. Mais ce serait omettre les dynamiques propres aux réformes de la santé qui ont contribué selon l'expression de Castiel, à la "déconstruction de la solidarité", ce serait négliger les croyances inhérentes à la construction jacobine, que les experts "d'en haut" pouvaient concevoir un modèle de la "machine à guérir" hospitalière. Ces origines sont davantage guidées par l'ingénierie financière que par les considérations idéologiques qui ont présidé à la fin de la "défectologie". 

On ne peut comprendre, sans cette path dependancy du mal français, pourquoi le modèle industriel de Fetter à l'origine de la tarification à l'activité a produit en France des résultats si catastrophiques et si peu régulés. Pour Fetter et son équipe, l'hôpital produit des "groupes homogènes de malades" analysés sous le seul aspect de la maladie. Ce modèle a été importé en France par Jean de Kervasdoué aujourd'hui très critique sur les aspects "soviétiques" de la loi HPST allant "à rebours des objectifs affichés" et sur le mode d'application actuel de la T2A. Car aujourd'hui aucune régulation professionnelle ne peut plus stopper les mécanismes infernaux de suppression d'effectifs soignants liés à la machine dévastatrice qu'on a lancé. Effectifs suffisants = vies sauvées osent dire les infirmières canadiennes. "On a tellement réduit les effectifs qu'on est sur le fil" ose dire prudemment dans Télérama un professeur de l'AP-HP. Mais la situation est critique. Toutes les digues du bon sens ont cédé. La limite des risques de pertes de chances inacceptables est franchie depuis bien longtemps. Aucune parole professionnelle n'est plus audible, la force de la "mise en gestion" est de transformer tout problème de moyens en problème d'organisation et de masquer habilement la pénurie en la mutualisant, au sein des pôles, des groupes hospitaliers, en "machin" de coopération sanitaire, au mépris de la sécurité et de la stabilité des équipes soignantes (Nicolas Belorgey: l'hôpital sous pression).


Pour décrire l'anatomie du meurtre d'un "hôpital Titanic" qu'on rend obèse pour le rendre ingérable, et plus largement du système de soins de santé français, un auteur aussi hétérodoxe que René Girard, connu pour ses ouvrages aux titres prometteurs: "la violence et le sacré", "le bouc émissaire" peut-il nous aider? Nous permet-il de mieux comprendre les mécanismes de la dissolution de la médecine dans la sophistique managériale de la "démocratie sanitaire". Ne faut-il pas proposer que l'on cesse de salir le mot de démocratie avec des adjectifs louches qui fleurent tant le triomphe d'une bureaucratie à la fois knockienne et biopolitique?

Comment expliquer la bienveillance des médecins, des malades, des élus, des directeurs face à une rhétorique de rationalisation gestionnaire et démédicalisée qui fait d'eux les « boucs émissaires » d’une « crise » politiquement construite, celle du "trou de la sécu"? N'est-ce pas l'instrumentalisation par le prince de Machiavel, toujours en quête de la dissimulation de ses choix tragiques pour mieux durer, pour être réélu, d'une forme particulière de "crise mimétique", qui frappe, bien au delà de la médecine, de nombreuses professions au service du public dont les activités sont désormais vouées au rationnement, déguisé en rationalisation?
Je pense bien sûr à la récurrence des accès d'anti-médecine de notre société, tel celui qui a accompagné la Révolution Française lorsque la convention ferma les facultés de médecine, avec les traces terribles qu'elle laisse encore dès qu'on aborde la création de professions intermédiaires pensée par L'Etat jacobin. La crainte du retour de M. Bovary, "officier de santé". 

Peut-on proposer une lecture girardienne de la crise actuelle de la médecine ?
Dans le triangle mimétique de Girard, il y a un sujet désirant, un objet du désir et un modèle à imiter, appelé médiateur, censé posséder ou désirer lui même l'objet convoité. La compétition pour l’objet, réel ou construit, conduira à l’indifférenciation du désirant et du médiateur qui précède la crise mimétique et se résout en violence. La guerre de tous contre tous peut être évitée par le « tous contre un » et la désignation d’un bouc émissaire, celui qui passe au mauvais endroit au mauvais moment.


Le "bien" désiré dans le triangle mimétique ne serait pas la santé mais la connaissance implicite ou explicite de sa maîtrise, ou encore la « promotion » de la "santé" dans la définition qu'en propose l'OMS. La connaissance explicite peut ainsi, selon le modèle officiel du Nouveau Management Public en santé, être maîtrisée par une Evidence Based Médecine dévoyée. Celle-ci doit permettre l'incarnation de la raison à la fois jacobine et entrepreneuriale Fetter, avec l'existence de "groupes homogènes de malades" qui deviennent autant l'objet de description de process industriels que des groupe homogènes de risques pour les financeurs et les assurances.

Le sujet qui désire la maîtrise est avant tout le shareholder, autrement dit l'ayant droit de la nouvelle gouvernance (corporate governance). C'est l'actionnaire qui risque son argent et par analogie l'Etat qui risque des fonds publics. La crise mimétique est ici provoquée par "l'ajustement des dépenses", mais elle nécessite pour cela de s'appuyer sur une spirale de la défiance dont on ne mesure pas encore les effets ni sur la perte de sens pour les soignants ni sur la dégradation déjà bien visible de la qualité des soins. Elle nécessite pour fonctionner de provoquer, selon le vocabulaire girardien, « l'indifférenciation », ici celle des stakeholders, les parties prenantes. Ceux-ci pour le déclenchement de la crise mimétique qui permet la faisabilité politique de l'ajustement de notre système de santé, ont été habilement amenés par la propagande à soutenir les projets des shareholders. On pensera ici à tous les médecins, cadres et directeurs qui se sont vus en nouveaux capitaine d’industrie à la tête de leurs « portefeuilles d’activités » payés en monnaie de singe. Qui peut encore croire au modèle et aux vertus du fonctionnement actuel quand les tarifs de la T2A, contraints par les enveloppes globales Ondam constamment réduites et déconnectés de toute qualité des soins, ne peut même plus être considéré sous l’aspect de ces moyennes discutables "qu’on prend pour des normes" (Kervasdoué). Il fallait aussi, impératif du modèle girardien, internaliser le médiateur médecin en le rendant accessible au désir d'indifférenciation alors qu'il était autrefois objet externe, objet du désir mimétique mais inaccessible. La novlangue gestionnaire en fit alors un "professionnel de santé" un stakeholder parmi d'autres, qui devient un prestataire technique pour les process de ingénieurs. L’exécution pouvait enfin être dissociée de la conception. Consumérisme, judiciarisation et principe de précaution accélèrent alors l’incontinence réglementaire et favorisent hélas la « médecine défensive » plus coûteuse et moins efficace.

Un des objectifs essentiels du Nouveau Management Public dans sa déclinaison française de la loi HPST était, selon les conseils du rapport Minc, appuyé par son compère le discret Raymond Soubie, de casser les services pour les remplacer par de solides chaines de commandement industriel. Il fallait donc que les "métiers", les disciplines médicales, et leurs procédés de travail au sens de Mintzberg, ne soient plus structurants de l'organisation des soins. Au lieu de chercher l’intégration que nécessite une différenciation croissante des « silos » (Lawrence et Lorsch), il fallait qu’ils laissent la place à « l'indifférenciation » des structures anciennes, ces fameux silos disciplinaires d’où venait tout le mal, au profit de la création d'unités coordonnées non selon les compétences mais selon les résultats attendus (les pôles, plus petit niveau de la gouvernance, "centre de coûts" répondant à la définition de la structure divisionnelle de Mintzberg.

C'était provoquer, à rebours des valeurs du soins, l'acceptation par tous les professionnels, les usagers, les managers, les élus bref l’ensemble des partie prenantes ou stakeholders, d'un état de "guerre de tous contre tous". Cet état est bien reflété par la concurrence encadrée par les indicateurs myopes du Nouveau Management Public dans laquelle il est bien incapable de mettre en place les garde-fous indispensables à ce qu'une tarification à l'activité (ou à la ressource) ne brise pas immédiatement toute intégration des parcours de soins. L'ingénierie financière résultant de l'exclusion de la vision du résultat selon les cliniciens met en concurrence toutes les étapes de la chaîne de soins et enferme les patient dans des filières verticales asservies aux contraintes économiques de l’amont, elles-même en concurrence entre elles. Comble de l’absurde, ces "filières" à courte vue se heurtent pour les malades complexes au mur de plus en plus infranchissable qu'on a construit en France entre secteur sanitaire et secteur de l'action social et médico-sociale. Pouvait-on concevoir un système plus opposé à ce que devrait être une filière intégrée de soins ?
On en vient alors à l’injonction paradoxale qui fait des médecins et au delà, de tous les soignants des « agents doubles », "agent" de deux "principaux", le directeur et le malade qui leur fait confiance: « soyez rentables pour la survie de votre structure et coopérez pour le bien de patients ». Nul système de tarification ne peut être plus délétère et créateur de trous structuraux dans les prises en charge. 

La mobilisation du désir mimétique des outsiders contre les established est alors un élément central du dispositif pour masquer aux intervenants l’absence insupportable de coopération. Diviser pour régner se traduit pour les disciplines médicales comme pour les différentes professions soignantes par "diviser pour conquérir". Ce sera bien sûr un miroir aux alouettes comme en témoigne la dramatique crise de l'encadrement. La culpabilisation des boucs émissaires est aussi essentielle. Pour que le triangle fonctionne et donne l'impression de l'innocence et du désir émancipateur des "réformateurs", il faut que la victime soit elle-même persuadée de sa culpabilité. C'est là l'explication de la passivité des médecins, qui trouvent  entre leurs statuts, leurs modes d'exercice et leurs disciplines assez d'objets de désir mimétique pour se désigner entre eux comme boucs émissaires. Voilà réunies, en toute splendeur, les origines de la capitulation actuelle de la médecine face à la "mise en gestion", la prise de contrôle de la clinique par cette partie de la santé publique numérique qui s'est mise au service du managérialisme. Plus précisément il s’agit ici de l'alliance entre le marché et l'Etat contre les professionnels (Frédéric Pierru, Isabelle Berrebi-Hoffmann, Eliott Freidson).

Le médiateur est le médecin, mais l’analogie est aisée dans d'autres domaines, avec les professionnels porteurs des savoirs des corps intermédiaires tant honnis par Rousseau et que la déesse raison permettra de « réguler » : l'enseignant, le juge, le notaire, bref tous les professionnels, les hommes de métier, qui disposent d'une asymétrie d'information inhérente à leurs savoirs, habituellement jetés en pâture à l'opinion quand ils sont les victimes médiatisées et consentantes des Dechavanne et autres Fogiel.

Les boucs émissaires sont les directeurs censés être de mauvais gestionnaires, les médecins qu'on décrit comme assoiffés d'actes inutiles ou, s’il sont salariés, de mauvaise gestion mandarinale (et « notatariale » comme cela a été dit), les élus jugés ignares face aux techniciens et avides d'hôpitaux dispendieux pour leurs villes, les malades, enfin, par nature enclins à l'oversuse, la surconsommation, et à la fraude mais jamais, curieusement, à mal se soigner ou à renoncer au soins du fait du recul constant de l’assurance maladie et des restes à charge. Un constat pourtant quotidien pour nous autres médecins au contact du public.
L'indifférenciation, résultat du triangle mimétique, A ne désire pas un objet B pour ses propriétés particulières mais parce que C, le médiateur ou le modèle désire ou possède déjà l'objet B. Cela se traduit par la technocratisation démédicalisée de la promotion de la santé et de l'éducation thérapeutique qu'on tente de déconnecter de la clinique. Elle est facilitée par divers mécanismes convergents : en premier lieu par le désir (pervers ?) illusoire de suppression de l'asymétrie d'information, voulu par les associations anti-médicales qui ont soutenu la loi HPST et qui pensent pouvoir tout connaître de la médecine par les palmarès et les NTIC. En second lieu, elle est promue par les nouvelles agences et leurs mécanismes de contrôle et d’incitations qui transforment le agents, dans une épouvantable prophétie auto-réalisatrice, en idiots rationnels d'Amartya Sen. Nous voici acculés dans les hôpitaux à produire des actes ou des séjours tarifés alors même que les incendiaires qui crient au feu reprochent au paiement à l'acte de ne pas garantir la pertinence des actes des médecins libéraux? Mais de qui se moque-t-on, irait-on jusqu'à prendre les "idiots rationnels" de l'économie classique pour des imbéciles? 
Enfin l’édifice de l’antimédecine est complété par la théorie de « l'activation ». Le danger de l'activation, de la séduisante pro-activité est limpide, car derrière l'empowerment, le souci légitime de fournir aux personnes vulnérables les moyens de leur autonomie, se cache trop souvent l'injonction à devenir l'entrepreneur de soi-même, à rentabiliser son propre capital santé, mais en étant redevable de celui-ci à la collectivité. Cette version de l'activation dissimule l'absence de mesures concrètes derrière la fumée de la lutte contre la discrimination et de l'accès à des droits qui ne seront hélas que formels. Derrière cet angélisme exterminateur c'est l'espoir d'une prise en charge intégrée des personnes handicapées physique ou psychiques qui samenuise, depuis que le handicap est devenu un phénomène purement social en attente des bienfaits du nouvel observatoire de l'accessibilité universelle. On a laissé croire à quelques "bobos" parisiens que les courants constructivistes des sciences de l'éducation, ceux-là même  qui ont déjà fait tant de mal dans l'Education Nationale, allaient enfin remplacer les médecins et les paramédicaux.


Que ceux qui avec le président du CISS on soutenu la loi HPST, ceux qui ont rêvé d'un hôpital dirigé par "un seul patron" mettant les médecins enfin "au pas" ne s'y trompent plus. Si l'hôpital est bien caporalisé, le directeur est un fusible, le chef véritable, c'est plus que jamais l'Etat et la myopie gestionnaire de la "déconcentralisation" vue d'en haut. Le directeur pouvait autrefois s'entendre avec les rationalités certes limitées mais plurielles et proches du territoire des élus locaux, les médecins, des cadres, des syndicats dans un logique partagée du service public aux patients, mais cette heureuse époque est révolue. Les réseaux de confiance ont fait place au tout incitatif. Pour justifier le sacrifice programmé de l'hôpital public, il fallait bien que la propagande des pompiers pyromanes, ceux dont c'était le devoir de le protéger et qui désorganisent les hôpitaux par des réformes trop rapprochées pour être jamais évaluées, désignent les boucs émissaires qui leur éviteraient de rendre des comptes aux populations privées de soins.
Les médecins n'ont plus de légitimité à juger de la santé de leur patient dès lors que celle-ci n'est plus l'absence de maladie, ni le "silence des organes" de Leriche. Cet objectif simple qu'ils peuvent partager avec leur patient, voici que la coalition qui supporte la démédicalisation des soins tente  le faire passer du coté du politique en changeant la représentation de l'objet du désir. «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.» (source OMS)

Quel meilleur moyen que l’activation pour exclure un peu plus du nouveau workfare (par opposition au wellfare state) ceux qui n'ont pas les "capabilités" au sens d'Amartya Sen, ceux qui ont besoin d'accompagnement et d’aides à la négociation dans la jungle socio-sanitaire même si la finalité commune des soins doit être de favoriser l'acquisition de l’autonomie, ceux que l’on pourra dérembourser comme « mauvais pauvres », ceux dont le vice a produit l'infortune, s'ils n’ont pas écouté les injonctions de l’éducation thérapeutique et qui n’ont que ce qu’ils méritent? Il leur restera la « patamédecine », moins chère pour la collectivité mais à leurs frais bien entendu. N’y habitue-t-on pas déjà la population en la répandant dans nos hôpitaux sous formes d’équipes parfois pléthoriques et à grand renfort de propagande médiatique, alors que dans les services de soins n’y a plus guère d’aides soignants ni d’infirmières ? Il faudrait que Robert Debré, père des ordonnances de 1958 se réveille. Les actuels gestionnaires de l’hôpital français qu'il a conçu et qui a contribué à un des meilleurs systèmes de soins du monde,  semblent devenus fous, au sens où "le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison".

La division médicale est liée à l'anthropologie de la profession. Sa version française est une variante d'un mythe social qui selon l'expression de Lévi-Strauss clôt nos "enceintes mentales "; ici celui du clerc, du chevalier et du paysan ("La logique de l'honneur", de d'Iribarne)

Girard est plus optimiste que Lévi-Strauss: sa nouvelle est que la victime est d'autant plus innocente que tout le monde se lie pour la désigner comme coupable! De la brebis galeuse qu’il faut empêcher de nuire au bouc émissaire il y a un pas que Girard peut nous aider à ne pas franchir.

Libérons Hippocrate, car il est innocent!

« Tout est contrôlé mais rien n’est sous contrôle ». François Dupuy (Lost in management)

René Girard - Le bouc émissaire



Philo-mag
http://www.philomag.com/article,entretien,rene-girard-l-accroissement-de-la-puissance-de-l-homme-sur-le-reel-m-effraie,740.php

Alain-Charles Masquelet: l"hôpital public victime d ses injonctions poradoxales - sur le site du MDHP
http://www.mdhp.fr/?p=371
et son nouveau livre: "penser la relation de soin"

2. Le handicap victime de la victimisation?


Handicap et accessibilité aux soins de réadaptation: avant tout faire l'inventaire des "enceintes mentales"

"Il s'agit toujours de dresser un inventaire des enceintes mentales, de réduire des données apparemment arbitraires à un ordre, de rejoindre un niveau où les nécessités se révèlent" Claude Lévi-Strauss"

L'état de santé de la population en France - Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique - Drees, rapport 2011, 340 pageshttp://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Etat_sante-population_2011-3.pdf
Nous ne pourrions manquer nous étonner si nous ne pratiquions régulièrement cet exercice dans les textes et rapports français, de ne compter l'occurrence du terme "réadaptation"que 6 fois dans l'expression "SSR", au sein du chapitre sur les évènements iatrogènes.

Exister en santé publique c'est être perçu. Ce qui ne l'est pas ne sera plus ni organisé, ni financé, tout au moins sous l'aspect de soins accessibles et solidaires, c'est à dire hors dépendance des futures assurances complémentaires santé. Celles-ci, n'en doutons pas, répondrons à la demande de soins mais au plus grand mépris de la justice sociale. L'effondrement constaté des dispositifs de réadaptation dans nos hôpitaux, en aigu comme en SSR, sépare les compétences de réadaptation de ce qu'elles savent faire. La fuite de médecins et soignants qui en résulte vers le privé est le symptôme annonciateur de ces lendemains à l'américaine.

La disparition du concept de réadaptation en France, pourtant bien présent dans les ordonnances de 1958, partie intégrante du dispositif de lutte contre le handicap est liée aux textes législatifs et réglementaires. Ceux-ci reflètent tout en les consolidant les "enceintes mentales" au sens de Lévi-Strauss. Ils bâtissent les cloisons institutionnelles, ils creusent les abîmes culturels qui les ont produit, ils fournissent le modèle de la fragmentation des enveloppes financières et des voies du lobbying de promotion des priorités pour attirer les fonds.

Comment en sommes nous arrivés en santé publique à une telle vision si exclusivement sociale et politique du handicap, à rebours des conceptions internationales? On crée un "observatoire de l'accessibilité universelle", c'est bien, mais pourquoi oublier à ce point l'accès aux soins de réadaptation si essentiels à la part médicale de la réduction des situations de handicap? Il y a bien entendu dans ce rapport l'inévitable chapitre "cache misère" de la complexité médico-sociale réelle et qui est consacré à la "précarité". Si important que soit ce problème, là encore on a décroché de la réalité des motifs d'hospitalisation et de recours aux soins!

Les organisations de personnes handicapées ont-elles perçu la transformation de l'Etat social (wellfare) en workfare? L 'accès à des droits qui ne deviennent jamais substantiels, la lutte contre la discrimination la promotion du design universel ne doivent pas masquer le retrait de l'Etat, la baisse des prestations pour les personnes âgées et handicapées, la diminutions des rations de personnel dans les institutions, un "cinquième risque" qui sera plus maîtres-assitants qu'assuranciel, une démédicalisation qui a visé surtout l'économie de moyens depuis que la loi de 1970 a dit aux hôpitaux de ne plus s'occuper ni des "vieux", ni des "invalides" ni des enfants qu'on a nommé "polyhandicapés" (lire Guy Baillon).

Ces modèles français, occultent à l'inverse des modèles internationaux les activités de réadaptation sous l'aspect de compétences et plateaux techniques requérant une graduation des soins. Ils sont déployés dans la circulaire relative aux SROS-PRS et dans le plan stratégique francilien. L'asservissement du post-aigu aux logiques économiques de l'amont en est à l'origine de cette indifférenciation lissante de "l'aval" dans une vision de filières conçues comme assujetties au court séjour. 
L'exemple le plus frappant est peut-être celui de la constitution des "filières neuro-vasculaires" en Ile-de-France. 
A quelles compétences et à quels temps de réadaptation  les malades ont-ils accès en réadaptation post-AVC? 
Tout malade a-t-il accès en temps opportun aux prestations de réadaptation que son état requiert?
Voilà des pistes pour de bons indicateurs, si l'on voulait regarder un peu à l'étranger!

Vous trouverez sous ce lien le chapitre limitations fonctionnelles et restrictions d'activités

Vous avez dit indicateurs? De quoi? De nos modèles mentaux, de résultats comptables à courte vue, ou des résultats de santé au terme d'une filière intégrée de soins?

1. Voir sur le site de l'OMS:
L'accès aux services de réadaptation pour les 600 millions de personnes handicapées


2. MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT

Arrêté du 14 novembre 2011 portant nomination à l’observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle NOR : DEVK1130412A
http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20111124&numTexte=100&pageDebut=19772&pageFin=19772

Par arrêté de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en date du 14 novembre 2011, sont nommés membres de l’observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle : M. Yvan Denion, en remplacement de Mme Caroline Bachschmidt ; M. Philippe Bas, en remplacement de Mme Sylvie Desmarescaux.

3. Accès aux soins de réadaptation et handicap - Jean-Pascal Devailly – Laurence Josse CHU Avicenne Bobigny - En pdf liens de webographie directement cliquables
Manuscrit accepté des auteurs - Paru dans gestions hospitalières  n° 492 - janvier 2010