1. Démédicalisation de l'organisation des soins et "boucs émissaires"
« Ce que les Français détestent, ce ne sont pas les inégalités, ce sont les inégalités autres que celles qui sont octroyées par l'Etat. » Jean-François Revel
Illustrations: Nouveau Management Public, perte de sens, transfert des choix tragiques, double relation d'agence, boucs émissaires...
Illustrations: Nouveau Management Public, perte de sens, transfert des choix tragiques, double relation d'agence, boucs émissaires...
En quête des origines de l'antimédecine
Je suis toujours en quête d'un modèle explicatif des progrès stupéfiants de l'antimédecine, d'une grille d'interprétation de l'ahurissante démédicalisation des modèles de gestion de la "santé", de ses effets ubuesques sur la dégradation des soins délivrés à nos malades, sur nos équipes de soins, si désemparées d'être obligées de mal faire ce qu'elles savaient bien faire. Nos hôpitaux, nos soins de ville, nos institutions d’hébergement, nos agences et nos ministères ont décroché de la réalité. Comment cela a-t-il été possible?
L'antimédecine est à la mode, elle se vend bien. On peut certes évoquer une lecture trop superficielle d'Illitch et de Foucault, ou la confusion qu'a fait hélas Foucault, malgré sa finesse, entre médecine sociale et biopolitique. Les méfaits de cette confusion sur la grande fragmentation des lois de 1970 et 1975, qui ont voulu expulser la "part du social" de l'hôpital autant que démédicaliser le handicap alors devenu un concept socio-environnemental voire purement politique, n'ont pas fini de se faire sentir. Mais ce serait omettre les dynamiques propres aux réformes de la santé qui ont contribué selon l'expression de Castiel, à la "déconstruction de la solidarité", ce serait négliger les croyances inhérentes à la construction jacobine, que les experts "d'en haut" pouvaient concevoir un modèle de la "machine à guérir" hospitalière. Ces origines sont davantage guidées par l'ingénierie financière que par les considérations idéologiques qui ont présidé à la fin de la "défectologie".
On ne peut comprendre, sans cette path dependancy du mal français, pourquoi le modèle industriel de Fetter à l'origine de la tarification à l'activité a produit en France des résultats si catastrophiques et si peu régulés. Pour Fetter et son équipe, l'hôpital produit des "groupes homogènes de malades" analysés sous le seul aspect de la maladie. Ce modèle a été importé en France par Jean de Kervasdoué aujourd'hui très critique sur les aspects "soviétiques" de la loi HPST allant "à rebours des objectifs affichés" et sur le mode d'application actuel de la T2A. Car aujourd'hui aucune régulation professionnelle ne peut plus stopper les mécanismes infernaux de suppression d'effectifs soignants liés à la machine dévastatrice qu'on a lancé. Effectifs suffisants = vies sauvées osent dire les infirmières canadiennes. "On a tellement réduit les effectifs qu'on est sur le fil" ose dire prudemment dans Télérama un professeur de l'AP-HP. Mais la situation est critique. Toutes les digues du bon sens ont cédé. La limite des risques de pertes de chances inacceptables est franchie depuis bien longtemps. Aucune parole professionnelle n'est plus audible, la force de la "mise en gestion" est de transformer tout problème de moyens en problème d'organisation et de masquer habilement la pénurie en la mutualisant, au sein des pôles, des groupes hospitaliers, en "machin" de coopération sanitaire, au mépris de la sécurité et de la stabilité des équipes soignantes (Nicolas Belorgey: l'hôpital sous pression).
Pour décrire l'anatomie du meurtre d'un "hôpital Titanic" qu'on rend obèse pour le rendre ingérable, et plus largement du système de soins de santé français, un auteur aussi hétérodoxe que René Girard, connu pour ses ouvrages aux titres prometteurs: "la violence et le sacré", "le bouc émissaire" peut-il nous aider? Nous permet-il de mieux comprendre les mécanismes de la dissolution de la médecine dans la sophistique managériale de la "démocratie sanitaire". Ne faut-il pas proposer que l'on cesse de salir le mot de démocratie avec des adjectifs louches qui fleurent tant le triomphe d'une bureaucratie à la fois knockienne et biopolitique?
Comment expliquer la bienveillance des médecins, des malades, des élus, des directeurs face à une rhétorique de rationalisation gestionnaire et démédicalisée qui fait d'eux les « boucs émissaires » d’une « crise » politiquement construite, celle du "trou de la sécu"? N'est-ce pas l'instrumentalisation par le prince de Machiavel, toujours en quête de la dissimulation de ses choix tragiques pour mieux durer, pour être réélu, d'une forme particulière de "crise mimétique", qui frappe, bien au delà de la médecine, de nombreuses professions au service du public dont les activités sont désormais vouées au rationnement, déguisé en rationalisation?
Je pense bien sûr à la récurrence des accès d'anti-médecine de notre société, tel celui qui a accompagné la Révolution Française lorsque la convention ferma les facultés de médecine, avec les traces terribles qu'elle laisse encore dès qu'on aborde la création de professions intermédiaires pensée par L'Etat jacobin. La crainte du retour de M. Bovary, "officier de santé".
Peut-on proposer une lecture girardienne de la crise actuelle de la médecine ?
Dans le triangle mimétique de Girard, il y a un sujet désirant, un objet du désir et un modèle à imiter, appelé médiateur, censé posséder ou désirer lui même l'objet convoité. La compétition pour l’objet, réel ou construit, conduira à l’indifférenciation du désirant et du médiateur qui précède la crise mimétique et se résout en violence. La guerre de tous contre tous peut être évitée par le « tous contre un » et la désignation d’un bouc émissaire, celui qui passe au mauvais endroit au mauvais moment.
Le "bien" désiré dans le triangle mimétique ne serait pas la santé mais la connaissance implicite ou explicite de sa maîtrise, ou encore la « promotion » de la "santé" dans la définition qu'en propose l'OMS. La connaissance explicite peut ainsi, selon le modèle officiel du Nouveau Management Public en santé, être maîtrisée par une Evidence Based Médecine dévoyée. Celle-ci doit permettre l'incarnation de la raison à la fois jacobine et entrepreneuriale Fetter, avec l'existence de "groupes homogènes de malades" qui deviennent autant l'objet de description de process industriels que des groupe homogènes de risques pour les financeurs et les assurances.
Le sujet qui désire la maîtrise est avant tout le shareholder, autrement dit l'ayant droit de la nouvelle gouvernance (corporate governance). C'est l'actionnaire qui risque son argent et par analogie l'Etat qui risque des fonds publics. La crise mimétique est ici provoquée par "l'ajustement des dépenses", mais elle nécessite pour cela de s'appuyer sur une spirale de la défiance dont on ne mesure pas encore les effets ni sur la perte de sens pour les soignants ni sur la dégradation déjà bien visible de la qualité des soins. Elle nécessite pour fonctionner de provoquer, selon le vocabulaire girardien, « l'indifférenciation », ici celle des stakeholders, les parties prenantes. Ceux-ci pour le déclenchement de la crise mimétique qui permet la faisabilité politique de l'ajustement de notre système de santé, ont été habilement amenés par la propagande à soutenir les projets des shareholders. On pensera ici à tous les médecins, cadres et directeurs qui se sont vus en nouveaux capitaine d’industrie à la tête de leurs « portefeuilles d’activités » payés en monnaie de singe. Qui peut encore croire au modèle et aux vertus du fonctionnement actuel quand les tarifs de la T2A, contraints par les enveloppes globales Ondam constamment réduites et déconnectés de toute qualité des soins, ne peut même plus être considéré sous l’aspect de ces moyennes discutables "qu’on prend pour des normes" (Kervasdoué). Il fallait aussi, impératif du modèle girardien, internaliser le médiateur médecin en le rendant accessible au désir d'indifférenciation alors qu'il était autrefois objet externe, objet du désir mimétique mais inaccessible. La novlangue gestionnaire en fit alors un "professionnel de santé" un stakeholder parmi d'autres, qui devient un prestataire technique pour les process de ingénieurs. L’exécution pouvait enfin être dissociée de la conception. Consumérisme, judiciarisation et principe de précaution accélèrent alors l’incontinence réglementaire et favorisent hélas la « médecine défensive » plus coûteuse et moins efficace.
Un des objectifs essentiels du Nouveau Management Public dans sa déclinaison française de la loi HPST était, selon les conseils du rapport Minc, appuyé par son compère le discret Raymond Soubie, de casser les services pour les remplacer par de solides chaines de commandement industriel. Il fallait donc que les "métiers", les disciplines médicales, et leurs procédés de travail au sens de Mintzberg, ne soient plus structurants de l'organisation des soins. Au lieu de chercher l’intégration que nécessite une différenciation croissante des « silos » (Lawrence et Lorsch), il fallait qu’ils laissent la place à « l'indifférenciation » des structures anciennes, ces fameux silos disciplinaires d’où venait tout le mal, au profit de la création d'unités coordonnées non selon les compétences mais selon les résultats attendus (les pôles, plus petit niveau de la gouvernance, "centre de coûts" répondant à la définition de la structure divisionnelle de Mintzberg.
C'était provoquer, à rebours des valeurs du soins, l'acceptation par tous les professionnels, les usagers, les managers, les élus bref l’ensemble des partie prenantes ou stakeholders, d'un état de "guerre de tous contre tous". Cet état est bien reflété par la concurrence encadrée par les indicateurs myopes du Nouveau Management Public dans laquelle il est bien incapable de mettre en place les garde-fous indispensables à ce qu'une tarification à l'activité (ou à la ressource) ne brise pas immédiatement toute intégration des parcours de soins. L'ingénierie financière résultant de l'exclusion de la vision du résultat selon les cliniciens met en concurrence toutes les étapes de la chaîne de soins et enferme les patient dans des filières verticales asservies aux contraintes économiques de l’amont, elles-même en concurrence entre elles. Comble de l’absurde, ces "filières" à courte vue se heurtent pour les malades complexes au mur de plus en plus infranchissable qu'on a construit en France entre secteur sanitaire et secteur de l'action social et médico-sociale. Pouvait-on concevoir un système plus opposé à ce que devrait être une filière intégrée de soins ?
On en vient alors à l’injonction paradoxale qui fait des médecins et au delà, de tous les soignants des « agents doubles », "agent" de deux "principaux", le directeur et le malade qui leur fait confiance: « soyez rentables pour la survie de votre structure et coopérez pour le bien de patients ». Nul système de tarification ne peut être plus délétère et créateur de trous structuraux dans les prises en charge.
La mobilisation du désir mimétique des outsiders contre les established est alors un élément central du dispositif pour masquer aux intervenants l’absence insupportable de coopération. Diviser pour régner se traduit pour les disciplines médicales comme pour les différentes professions soignantes par "diviser pour conquérir". Ce sera bien sûr un miroir aux alouettes comme en témoigne la dramatique crise de l'encadrement. La culpabilisation des boucs émissaires est aussi essentielle. Pour que le triangle fonctionne et donne l'impression de l'innocence et du désir émancipateur des "réformateurs", il faut que la victime soit elle-même persuadée de sa culpabilité. C'est là l'explication de la passivité des médecins, qui trouvent entre leurs statuts, leurs modes d'exercice et leurs disciplines assez d'objets de désir mimétique pour se désigner entre eux comme boucs émissaires. Voilà réunies, en toute splendeur, les origines de la capitulation actuelle de la médecine face à la "mise en gestion", la prise de contrôle de la clinique par cette partie de la santé publique numérique qui s'est mise au service du managérialisme. Plus précisément il s’agit ici de l'alliance entre le marché et l'Etat contre les professionnels (Frédéric Pierru, Isabelle Berrebi-Hoffmann, Eliott Freidson).
Le médiateur est le médecin, mais l’analogie est aisée dans d'autres domaines, avec les professionnels porteurs des savoirs des corps intermédiaires tant honnis par Rousseau et que la déesse raison permettra de « réguler » : l'enseignant, le juge, le notaire, bref tous les professionnels, les hommes de métier, qui disposent d'une asymétrie d'information inhérente à leurs savoirs, habituellement jetés en pâture à l'opinion quand ils sont les victimes médiatisées et consentantes des Dechavanne et autres Fogiel.
Les boucs émissaires sont les directeurs censés être de mauvais gestionnaires, les médecins qu'on décrit comme assoiffés d'actes inutiles ou, s’il sont salariés, de mauvaise gestion mandarinale (et « notatariale » comme cela a été dit), les élus jugés ignares face aux techniciens et avides d'hôpitaux dispendieux pour leurs villes, les malades, enfin, par nature enclins à l'oversuse, la surconsommation, et à la fraude mais jamais, curieusement, à mal se soigner ou à renoncer au soins du fait du recul constant de l’assurance maladie et des restes à charge. Un constat pourtant quotidien pour nous autres médecins au contact du public.
L'indifférenciation, résultat du triangle mimétique, A ne désire pas un objet B pour ses propriétés particulières mais parce que C, le médiateur ou le modèle désire ou possède déjà l'objet B. Cela se traduit par la technocratisation démédicalisée de la promotion de la santé et de l'éducation thérapeutique qu'on tente de déconnecter de la clinique. Elle est facilitée par divers mécanismes convergents : en premier lieu par le désir (pervers ?) illusoire de suppression de l'asymétrie d'information, voulu par les associations anti-médicales qui ont soutenu la loi HPST et qui pensent pouvoir tout connaître de la médecine par les palmarès et les NTIC. En second lieu, elle est promue par les nouvelles agences et leurs mécanismes de contrôle et d’incitations qui transforment le agents, dans une épouvantable prophétie auto-réalisatrice, en idiots rationnels d'Amartya Sen. Nous voici acculés dans les hôpitaux à produire des actes ou des séjours tarifés alors même que les incendiaires qui crient au feu reprochent au paiement à l'acte de ne pas garantir la pertinence des actes des médecins libéraux? Mais de qui se moque-t-on, irait-on jusqu'à prendre les "idiots rationnels" de l'économie classique pour des imbéciles?
Enfin l’édifice de l’antimédecine est complété par la théorie de « l'activation ». Le danger de l'activation, de la séduisante pro-activité est limpide, car derrière l'empowerment, le souci légitime de fournir aux personnes vulnérables les moyens de leur autonomie, se cache trop souvent l'injonction à devenir l'entrepreneur de soi-même, à rentabiliser son propre capital santé, mais en étant redevable de celui-ci à la collectivité. Cette version de l'activation dissimule l'absence de mesures concrètes derrière la fumée de la lutte contre la discrimination et de l'accès à des droits qui ne seront hélas que formels. Derrière cet angélisme exterminateur c'est l'espoir d'une prise en charge intégrée des personnes handicapées physique ou psychiques qui samenuise, depuis que le handicap est devenu un phénomène purement social en attente des bienfaits du nouvel observatoire de l'accessibilité universelle. On a laissé croire à quelques "bobos" parisiens que les courants constructivistes des sciences de l'éducation, ceux-là même qui ont déjà fait tant de mal dans l'Education Nationale, allaient enfin remplacer les médecins et les paramédicaux.
Que ceux qui avec le président du CISS on soutenu la loi HPST, ceux qui ont rêvé d'un hôpital dirigé par "un seul patron" mettant les médecins enfin "au pas" ne s'y trompent plus. Si l'hôpital est bien caporalisé, le directeur est un fusible, le chef véritable, c'est plus que jamais l'Etat et la myopie gestionnaire de la "déconcentralisation" vue d'en haut. Le directeur pouvait autrefois s'entendre avec les rationalités certes limitées mais plurielles et proches du territoire des élus locaux, les médecins, des cadres, des syndicats dans un logique partagée du service public aux patients, mais cette heureuse époque est révolue. Les réseaux de confiance ont fait place au tout incitatif. Pour justifier le sacrifice programmé de l'hôpital public, il fallait bien que la propagande des pompiers pyromanes, ceux dont c'était le devoir de le protéger et qui désorganisent les hôpitaux par des réformes trop rapprochées pour être jamais évaluées, désignent les boucs émissaires qui leur éviteraient de rendre des comptes aux populations privées de soins.
Les médecins n'ont plus de légitimité à juger de la santé de leur patient dès lors que celle-ci n'est plus l'absence de maladie, ni le "silence des organes" de Leriche. Cet objectif simple qu'ils peuvent partager avec leur patient, voici que la coalition qui supporte la démédicalisation des soins tente le faire passer du coté du politique en changeant la représentation de l'objet du désir. «La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.» (source OMS)
Quel meilleur moyen que l’activation pour exclure un peu plus du nouveau workfare (par opposition au wellfare state) ceux qui n'ont pas les "capabilités" au sens d'Amartya Sen, ceux qui ont besoin d'accompagnement et d’aides à la négociation dans la jungle socio-sanitaire même si la finalité commune des soins doit être de favoriser l'acquisition de l’autonomie, ceux que l’on pourra dérembourser comme « mauvais pauvres », ceux dont le vice a produit l'infortune, s'ils n’ont pas écouté les injonctions de l’éducation thérapeutique et qui n’ont que ce qu’ils méritent? Il leur restera la « patamédecine », moins chère pour la collectivité mais à leurs frais bien entendu. N’y habitue-t-on pas déjà la population en la répandant dans nos hôpitaux sous formes d’équipes parfois pléthoriques et à grand renfort de propagande médiatique, alors que dans les services de soins n’y a plus guère d’aides soignants ni d’infirmières ? Il faudrait que Robert Debré, père des ordonnances de 1958 se réveille. Les actuels gestionnaires de l’hôpital français qu'il a conçu et qui a contribué à un des meilleurs systèmes de soins du monde, semblent devenus fous, au sens où "le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison".
La division médicale est liée à l'anthropologie de la profession. Sa version française est une variante d'un mythe social qui selon l'expression de Lévi-Strauss clôt nos "enceintes mentales "; ici celui du clerc, du chevalier et du paysan ("La logique de l'honneur", de d'Iribarne)
Girard est plus optimiste que Lévi-Strauss: sa nouvelle est que la victime est d'autant plus innocente que tout le monde se lie pour la désigner comme coupable! De la brebis galeuse qu’il faut empêcher de nuire au bouc émissaire il y a un pas que Girard peut nous aider à ne pas franchir.
Libérons Hippocrate, car il est innocent!
« Tout est contrôlé mais rien n’est sous contrôle ». François Dupuy (Lost in management)
René Girard - Le bouc émissaire
Hommage à René Girard http://biblio.domuni.eu/articlesreligions/renegirard/
Philo-mag
http://www.philomag.com/article,entretien,rene-girard-l-accroissement-de-la-puissance-de-l-homme-sur-le-reel-m-effraie,740.php
Alain-Charles Masquelet: l"hôpital public victime d ses injonctions poradoxales - sur le site du MDHP
http://www.mdhp.fr/?p=371
et son nouveau livre: "penser la relation de soin"
Arrêté du 14 novembre 2011 portant nomination à l’observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle NOR : DEVK1130412A
Alain-Charles Masquelet: l"hôpital public victime d ses injonctions poradoxales - sur le site du MDHP
http://www.mdhp.fr/?p=371
et son nouveau livre: "penser la relation de soin"
2. Le handicap victime de la victimisation?
Handicap et accessibilité aux soins de réadaptation: avant tout faire l'inventaire des "enceintes mentales"
"Il s'agit toujours de dresser un inventaire des enceintes mentales, de réduire des données apparemment arbitraires à un ordre, de rejoindre un niveau où les nécessités se révèlent" Claude Lévi-Strauss"
L'état de santé de la population en France - Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique - Drees, rapport 2011, 340 pageshttp://www.sante.gouv.fr/IMG/ pdf/Etat_sante-population_ 2011-3.pdf
Nous ne pourrions manquer nous étonner si nous ne pratiquions régulièrement cet exercice dans les textes et rapports français, de ne compter l'occurrence du terme "réadaptation"que 6 fois dans l'expression "SSR", au sein du chapitre sur les évènements iatrogènes.
Exister en santé publique c'est être perçu. Ce qui ne l'est pas ne sera plus ni organisé, ni financé, tout au moins sous l'aspect de soins accessibles et solidaires, c'est à dire hors dépendance des futures assurances complémentaires santé. Celles-ci, n'en doutons pas, répondrons à la demande de soins mais au plus grand mépris de la justice sociale. L'effondrement constaté des dispositifs de réadaptation dans nos hôpitaux, en aigu comme en SSR, sépare les compétences de réadaptation de ce qu'elles savent faire. La fuite de médecins et soignants qui en résulte vers le privé est le symptôme annonciateur de ces lendemains à l'américaine.
La disparition du concept de réadaptation en France, pourtant bien présent dans les ordonnances de 1958, partie intégrante du dispositif de lutte contre le handicap est liée aux textes législatifs et réglementaires. Ceux-ci reflètent tout en les consolidant les "enceintes mentales" au sens de Lévi-Strauss. Ils bâtissent les cloisons institutionnelles, ils creusent les abîmes culturels qui les ont produit, ils fournissent le modèle de la fragmentation des enveloppes financières et des voies du lobbying de promotion des priorités pour attirer les fonds.
Comment en sommes nous arrivés en santé publique à une telle vision si exclusivement sociale et politique du handicap, à rebours des conceptions internationales? On crée un "observatoire de l'accessibilité universelle", c'est bien, mais pourquoi oublier à ce point l'accès aux soins de réadaptation si essentiels à la part médicale de la réduction des situations de handicap? Il y a bien entendu dans ce rapport l'inévitable chapitre "cache misère" de la complexité médico-sociale réelle et qui est consacré à la "précarité". Si important que soit ce problème, là encore on a décroché de la réalité des motifs d'hospitalisation et de recours aux soins!
Les organisations de personnes handicapées ont-elles perçu la transformation de l'Etat social (wellfare) en workfare? L 'accès à des droits qui ne deviennent jamais substantiels, la lutte contre la discrimination la promotion du design universel ne doivent pas masquer le retrait de l'Etat, la baisse des prestations pour les personnes âgées et handicapées, la diminutions des rations de personnel dans les institutions, un "cinquième risque" qui sera plus maîtres-assitants qu'assuranciel, une démédicalisation qui a visé surtout l'économie de moyens depuis que la loi de 1970 a dit aux hôpitaux de ne plus s'occuper ni des "vieux", ni des "invalides" ni des enfants qu'on a nommé "polyhandicapés" (lire Guy Baillon).
Ces modèles français, occultent à l'inverse des modèles internationaux les activités de réadaptation sous l'aspect de compétences et plateaux techniques requérant une graduation des soins. Ils sont déployés dans la circulaire relative aux SROS-PRS et dans le plan stratégique francilien. L'asservissement du post-aigu aux logiques économiques de l'amont en est à l'origine de cette indifférenciation lissante de "l'aval" dans une vision de filières conçues comme assujetties au court séjour.
L'exemple le plus frappant est peut-être celui de la constitution des "filières neuro-vasculaires" en Ile-de-France.
A quelles compétences et à quels temps de réadaptation les malades ont-ils accès en réadaptation post-AVC?
Tout malade a-t-il accès en temps opportun aux prestations de réadaptation que son état requiert?
Voilà des pistes pour de bons indicateurs, si l'on voulait regarder un peu à l'étranger!
Vous trouverez sous ce lien le chapitre limitations fonctionnelles et restrictions d'activités
Vous avez dit indicateurs? De quoi? De nos modèles mentaux, de résultats comptables à courte vue, ou des résultats de santé au terme d'une filière intégrée de soins?
1. Voir sur le site de l'OMS:
L'accès aux services de réadaptation pour les 600 millions de personnes handicapées
2. MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT
Arrêté du 14 novembre 2011 portant nomination à l’observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle NOR : DEVK1130412A
http://www.legifrance.gouv.fr/ jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO= 0&dateJO=20111124&numTexte= 100&pageDebut=19772&pageFin= 19772
Par arrêté de la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement et de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale en date du 14 novembre 2011, sont nommés membres de l’observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle : M. Yvan Denion, en remplacement de Mme Caroline Bachschmidt ; M. Philippe Bas, en remplacement de Mme Sylvie Desmarescaux.
3. Accès aux soins de réadaptation et handicap - Jean-Pascal Devailly – Laurence Josse CHU Avicenne Bobigny - En pdf liens de webographie directement cliquables
https://sites.google.com/site/systemedesoinsethandicap/planifier-organiser-et-financer-la-readaptation/acces_readaptation_handicap_JPD_LJ.doc?attredirects=0&d=1
Manuscrit accepté des auteurs - Paru dans gestions hospitalières n° 492 - janvier 2010