samedi 23 août 2014

La loi HPST 2 et la nouvelle fabrique de morale - Critique du néolibéralisme jacobin


« La santé, c’est non seulement l’absence de maladie et d’infirmité, mais un complet bien-être physique, mental et social*, sensation que le commun des mortels peut connaître brièvement pendant l’orgasme ou sous l’influence de drogues». Petr Skrabanek ("La fin de la médecine à visage humain"). * selon la définition de l'OMS

« La parole dépourvue de sens annonce toujours un bouleversement prochain. Nous l'avons appris. Elle en était le miroir anticipé. » René Char

« Le pouvoir étatique n'est jamais aussi habile à resserrer son étreinte sur la société civile que lorsque qu'il feint de l'émanciper des autorités qui font de l'ombre à la sienne.» Bertand de Jouvenel - « Du pouvoir »

«...le néo-libéralisme ne saurait en aucune façon être assimilé au moins d'Etat. Il est au contraire une rationalité politique originale qui confère à l'Etat la mission de généraliser les relations concurrentielles et la forme entrepreneuriale y compris et surtout au sein de la sphère publique.» Frédéric Pierru

« Au nom de ce programme scientifique de connaissance, converti en programme politique d’action, s’accomplit un immense travail politique (dénié puisque, en apparence, purement négatif) qui vise à créer les conditions de réalisation et de fonctionnement de la « théorie » ; un programme de destruction méthodique des collectifs.» Pierre Bourdieu (L'essence du néo-libéralisme)

Quelques liens relatifs à l'avant projet de loi de santé

1. Politique de santé - L'avant-projet de loi de Santé fait un focus sur la prévention et le parcours de soins

2. Avant projet de loi relatif à la santé

3. La version intermédiaire passée au crible (QdM)

4. Quelles orientations pour la loi de santé ? Madame Marisol Touraine Ministre, 19 juin 2014

5. L’essence du néolibéralisme par Pierre Bourdieu, mars 1998

6. Rapprochement de l'analyse de Pierre Bourdieu sur la "destruction méthodique des collectifs" de la loi Le Chapelier et du rejet des corps intermédiaires

Dans l’exposé des motifs de sa célèbre loi (14-17 juin 1791), Le Chapelier, rejetant les corps intermédiaires chers à Montesquieu affirme:
« Il n’y a plus de corporations dans l’Etat; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est permis à personne d’inspirer aux citoyens un intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose publique par un esprit de corporation »

Dans son discours du 29 septembre 1791:

« Il n’y a de pouvoir que ceux constitués par la volonté du peuple exprimée par les représentants ; il n’y a d’autorités que celles déléguées par lui ; il ne peut y avoir d’action que celle de ses mandataires revêtus de fonctions publiques.

C’est pour conserver ce principe dans toute sa pureté, que, d’un bout de l’empire à l’autre, la Constitution a fait disparaître toutes les corporations, et qu’elle n’a plus reconnu que le corps social et des individus. […] »

ARTICLE PREMIER: "L'anéantissement de toutes les espèces de Corporations d'un même état et profession étant une des bases fondamentales de la Constitution Française, il est défendu de les rétablir sous quelque prétexe et quelque forme que ce soit."

ARTICLE SECOND: "Les citoyens d'un même état ou profession, les entrepreneurs, ceux qui ont boutique ouverte ne pourront, lorsqu'ils se trouveront ensemble, se nommer ni présidents, ni secrétaires, ni syndics, tenir des registres, prendre des arrêtés ou délibération, former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs."

7. The arrogance of preventive medicine. David Sackett 

Merci à "Pharmacritique", site avec lequel je ne suis pas toujours d'accord, mais qui est toujours une source de réflexions et d'articles passionnants.

Nous ne critiquerons pas ici la prévention en tant que telle, elle doit être notre souci permanent, mais les enjeux de pouvoir et l'idéologie d'une "médecine préventive" qui prétend attirer les fonds au détriment de la médecine dite prescriptive, et cela dans un contexte de rationnement global des soins de santé.
Notons que le débat entre traitement social et traitement médical occupait déjà les physiocrates comme La Rochefoucauld-Liancourt et les médecins comme Guillotin.

8. Huard P., Imbault-Huart Marie-José. Concepts et réalités de l'éducation et de la profession médico-chirurgicales pendant la Révolution. In: Journal des savants. 1973, N° pp. 126-150 .

« II vaut mieux manquer de praticiens que d'en avoir de mauvais ». Cabanis (rapport du 29 brumaire en VIII) (21 novembre 1799). Voir l'opposition entre La Rochefoucauld-Liancourt ("physiocrate méconnu") et Guillotin.

9. Portrait de médecin: Joseph-Ignace GUILLOTIN - 1738-1814

"Il y a des hommes malheureux. Christophe Colomb ne peut attacher son nom à sa découverte; Guillotin ne peut détacher le sien de son invention". Victor Hugo

10. La Loi du 30 novembre 1892 par Bernard HŒRNI (suppression des officiers de santé)

11. La santé au régime néo-libéral par Frédéric Pierru.

12. Renouveau managérial dans le contexte des réformes des services de santé : mirage ou réalité ?

« Les frontières du système de soins doivent s’estomper pour se fondre dans les autres systèmes du système de santé, pour pouvoir parler véritablement de système de soins de santé. Le financement des soins est à présent soumis à des contraintes de « coût d’opportunité » Marc Bremond

Commentaire


"Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde." Albert Camus

La loi HPST II

Ce qui est stupéfiant dans cet avant projet, c'est le degré d'infantilisation managériale et de dégradation rhétorique qui transpire dans les langes de ce que je me permets de nommer la loi "HPST 2".

Nous commencions à être habitués, sans toutefois nous y résigner, à la dégradation de ton, de rigueur et de style des rapports sur la santé (rapport Devictor sur le SPTS, rapport Compagnon sur l'An II de la démocratie sanitaire...), mais tout de même! Comment peut-on en arriver à une telle vacuité conceptuelle! On était habitué à cet esperanto-volapük managérial bien manié par les fédérations, nous avions même appris à l'utiliser, mais manifestement une nouvelle espèce de semi-habiles nous parle depuis un univers où l'intelligence pratique semble avoir fait un immense bond en arrière. On ne s'y affronte même plus aux ennemis habituels de la médecine, ceux qu'on avait appris à respecter, l'économisme orthodoxe étendu à toute activité humaine comme nouvelle raison du monde d'une part et la rationalité gestionnaire calculante comme alpha et oméga de l'action publique d'autre part.

La nouvelle nouvelle raison du monde et sa fabrique de morale

HPST 1 c'était le néolibéralisme assumé, le "tout incitatif" pour homo economicus sanitatis, cet "idiot rationnel" imaginé par l'économie de la santé orthodoxe, certes avec retard. C'est que la "nouvelle raison du monde" a déjà du plomb dans l’aile. Ses dégâts, ses victimes et son peu d'efficience, au bon sens du terme, commencent à être reconnus. Mais la droite "bling-bling" voulait faire avec une génération de retard du Reagan ou du Thatcher quand plus personne ne croyait déjà plus outre atlantique à ces méthodes, hormis quelques vieux universitaires néo-cons enfermés dans leurs universités et que plus personne n'écoutait. Ceux qui ne voyait alors dans la loi HPST que le culte simpliste du marché "bling bling" avaient d'ailleurs tort, car les semi-habiles en avaient finalement fait une loi qu'il était au moins aussi légitime de considérer comme essentiellement "soviétique", à la manière de Jean de Kervasdoué (article 1 - article 2).

La technostructure était bien mise sous tutelle complète des payeurs conformément aux dogmes de la corporate governance mais en transformant les "managers de santé" en tyranneaux de l'offre de soins, déchargés pour pouvoir être "tout à leur affaire" de toute responsabilité de "santé publique" au profit des agences qu'on avait chargé de dire la vérité des besoins et d'organiser la réponse à la demande de biens et de services de santé - comprendre ici rationner au regard de la mise en place de l'Ondam dont la limitation devait s'appuyer sur une logique de dénonciation du gaspillage. Si le concept d'underuse est aussi connu que l'overuse, on parle aussi de misuse, force est de constater que seule la "surmédicalisation" - elle existe et a des causes multiples dont la mauvaise régulation des paiements et de l'industrie pharmaceutique -  semble émouvoir les chiens de garde des médias, et que la sous utilisation pourtant manifeste des services et la sous consommation des biens de santé, bref la sous-médicalisation  ne préoccupent plus guère que les cliniciens de terrain. 
Bien peu parviennent à mettre leurs constats à l'agenda politique, pas plus qu'à l'agenda des établissements (c'est à l'agence de s'en occuper) ou des agences elles-mêmes qui n'ont pas un centime sauf pour quelques fléchages politico-médiatiques créés par des lobbyings "d'en haut" et destinés à pouvoir attraper la "queue du Mickey" des missions d'intérêt général "en bas", un peu d'oxygène pour continuer à faire, le plus souvent, ce qu'on faisait avant mais en adaptant le modèle économique à la compétition pour l'acquisition des ressources.

C'était donner dès lors toute latitude aux directions pour piloter des business models absurdes, issus de manière totalement artificielle des modèles comptables qu'on leur imposait, jouant sans garde-fous aux apprentis sorciers de l'intégration industrielle, dans des modèles simplistes qui ne fonctionnent plus depuis longtemps dans l'industrie réelle. Mais il est vrai, comme on a pu le montrer de façon limpide pour la réforme des autorisations et le financement des SSR, que les fédérations pouvaient influencer les "modèles d'affaires", en pesant à la fois sur les modèles comptables, les systèmes d'informations (PMSI), les modèles d'allocation des ressources (financements à l'activité) et les modèles de segmentation d'activités (spécification des autorisations), pérennisant ainsi les vices du système tout en les validant aux yeux des décideurs publics. 

Il était plus qu'urgent de revenir sur ces modèles de gouvernance publique de la santé. Leurs vices constituent pour les médecins, les soignants, les malades et finalement une très grande partie des managers eux-mêmes un véritable cauchemar technocratique où tout est contrôlé mais où rien n'est plus vraiment piloté. Il fallait remettre en question les balivernes qui les supportaient d'autant que l'evidence based policy internationale ne va guère dans le sens de réels bénéfices, ni pour ce qui a trait à la compétition régulée entre assurances privées, ni s'agissant du "P4P" le paiement à la performance fondé sur des motivations extrinsèques, ni ces usines à gaz de reporting et de contrôle comptables inutilement coûteux qu'ont permis la révolution numérique.


HPST 2, la future loi de santé, c'est le néolibéralisme honteux, celui qui "culpabilise" et se dissimule, celui qui croit encore à la concurrence efficiente quand, selon Galbraith Jr. et Stiglitz, même la droite y a renoncé ("L'Etat prédateur"). C'est un néolibéralisme pour politiques aux abois, dépourvus de vision au delà de leurs pauvres indicateurs myopes et court-termistes, un néolibéralisme dont il faut encore plus enfouir la nature profonde dès lors qu'il vient coloniser notre vieux modèle social-catholique latin, même laïcisé (vision que représente une organisation comme l'ALASS face à la vision anglo-saxonne des systèmes de soins).

La novlangue s'y fait alors encore plus obscure, ne se hasardant plus à la moindre définition, contrairement à la bureaucratie sanitaire canadienne, notamment québécoise, qu'on copie beaucoup mais qui défend au moins une cohérence intellectuelle à laquelle la France a renoncé depuis longtemps. Le prêchi-prêcha déclamé lors des grand-messes Powerpoint en devient encore plus filandreux, jusqu'à la nausée. Les fumigènes de la version 2 d'HPST, la version Touraine, sont en gros les mêmes que dans la version Bachelot. Notons d'emblée que ces buzwords n'ont pas de "contraire" ou "d'opposés dialogiques". Novlangue et "mots terroristes" oblige.Du point de vue du bon management - nous supposons donc qu'il en existe un bon, mais dans une forêt de paradoxes, pas dans celle enchantée des bisounours - selon François Dupuy ("la fatigue des élites" et "Lost in management"), cette approche quasi religieuse demandée aux acteurs ne peut conduire qu'au cynisme et au désarroi.

Qu'entend-on par "mots-valises"? Il s'agit de concepts souvent importés depuis des sciences où ils ont un sens précis (exemple: filières, réseaux) mais redéfinis par un mur de mots qu'on élevé autour d'un terrain vague d'idées, et auquel personne ne peut s'opposer. Ce sont ces boîtes à double fond des débats démocratiques décrites par Tocqueville dans lequelles on met et d'où l'on retire ce qu'on veut.

"stratégie partagée", est un mot-valise où il faut voir comment la tyrannie du "projet" transforme les acteurs en producteurs qui ont un destin. Derrière Stratégie nationale de santé il faut lire "programme d'ajustement", ou Stratégie Nationale de Strangulation et de rationnement.
"intégration des soins", ou médecine intégrée doit se lire comme "managed care" ou compétition régulée, ou encore comme privatisation de la "sécu" en faveur des assurances privées, mais elle doit se lire aussi comme  intégration industrielle verticalepromotion de la santé pour nouvelle entreprise de morale et définition des nouveaux "déviants". Les sociétés démocratiques segmentent en catégories ceux qui sont atteints "d'infortune que le vice a produit", ici par leur incapacité à se faire entrepreneur d'eux-mêmes et des autres.,
Ce buzzword mobilise avec la rationalité managériale toute l'holistique "new age" du "grand tout" bio-psychosocial. C'est un modèle séduisant auquel tout le monde adhère mais qui n'en est pas un (un modèle au sens scientifique). Pourtant, tout le monde se résigne à voir ce beau parcours holistique coordonné par les savants-philosophes et autres commissaires éthiques brandissant les définitions de l'OMS appuyées par le consensus de Washington: FMI, Banque Mondiale et OCDE. 
"parcours" voilà le nouveau mot-valise qui succède à filière et réseaux, trop "usés". Il sous-tend l'intégration par la normalisation comptable des tous les calculs égoïstes des acteurs, les seuls dont serait capable le petit peuple soignant modélisé "d'en haut". Le parcours est l'autre nom du couple infernal intégration / processus (François Dupuy) maintenant étendu hors les murs de l'hôpital et au delà de ses "chemins cliniques". Le modèle implicite est le suivant. Les nouveaux techniciens de santé, guidés par des contremaîtres, appliquent et contrôlent les standards conçus par les ingénieurs des bureaux des méthodes en fonction des fonds octroyés par les payeurs, des enveloppes fixées par les experts et de leurs clés de répartition débattues dans l'arène politique.
"prévention", nous y reviendront quant à l'arrogance de la médecine préventive qui a bien compris quel soutien elle pouvait apporter au rationnement des soins, tout en dénonçant l'arrogance de la médecine moderne, symbolisée par le bon Dr House. C'est vrai qu'il y du House en nous comme le relève si finement Bertrand Kiefer 
"démocratie sanitaire", nous savons comment l'empowerment du client dans "l'Etat social actif " peut être séduisant notamment par l'importation du "self" anglo-saxon (Alain Ehrenberg: "la société du malaise"). Transformant l'usager en bras armé du nouveau management public tout comme la corporate governance fait du client le bras armé de l'actionnaire, ce concept est d'autant plus alléchant pour le public qu'on aura franchi les différentes boucles de la spirale de la défiance. Et voici que contre le ghost management et le "microcosme des marionnettes de l'industrie" les pompiers pyromanes, plutôt qu'une régulation efficace, ne proposent comme solution, parmi un ensemble de "machins" démagogiques plaqués sur un système qu'on a renoncé à changer que "L’expertise citoyenne sur les médicaments" (pharmacritique). L'expertise d'usage est bien une réalité, mais en se limitant à de tels remèdes, les rentes informationnelles de plus en plus opaques ont de beaux jours devant elles.

Entendons nous bien, il ne s'agit pas de défendre ici une médecine "paternaliste" fondée sur l'idéologie de la bienfaisance, ni d'ignorer les défaillances du marché, en particulier de l'industrie pharmaceutique, mais à condition de ne pas tomber dans l'indignation sélective, une des armes les plus redoutables de la propagande de l'ajustement, de ne pas fermer les yeux sur les nouveaux aspects qui ont trait notamment aux activités de "conseil", au "trafic de données" et les nouveaux "modèles d'affaires" nés de la révolution digitale (souvent nommés, d'une façon bien angélique, "réseaux facilitateurs" sanctifiés au nom de l'innovation disruptive). Je renvoie au livre de Gérard Reach, "L'inertie clinique: une critique de la raison médicale" pour comprendre ce que peut être une relation participative entre médecins, disons plus largement cliniciens, et usagers, fondée sur l'expérience les preuves et l'alliance thérapeutique, sans pour autant faire des usagers-clients des agents de la "police sanitaire" au service de l'Etat social actif, le workfare state, et de ses nouvelles options managériales.

Mais qui voit encore le moindre "libéralisme" dans ce modèle économique où les mêmes, les assureurs , seront à la fois acheteurs et payeurs voire producteurs des soins dans la rhétorique des "parcours", couvrant des risques qu'ils s'efforcent de connaître à l'avance, avant même la signature des contrats d'assurances? Ces parcours "intégrés", comme on l'a bien observé aux USA avec les HMO et le cafouillage récent de la mise de place de l'Obamacare, seraient nous disent les politiques, mieux gérés par les assureurs privés promus en intégrateurs de parcours, au nom, bien sûr, puisqu'on vous le dit, mon brave, des maladies chroniques, de la défragmentation bureaucratique débureaucratisée par les néo-bureaucrates (qui se sont achetés une conduite pour faire oublier leur responsabilité?), de la prise en charge qui pourra être enfin holistique et bio-psychosociale.

Les mécanismes de ce qui est bien une "démédicalisation" sont déployés dans un contexte de rationnement général des biens et services de soins, d'éducation et des services sociaux, d'arbitrages de coûts d'opportunité au détriment des soins de santé et de transfert du curatif vers le préventif largement confié à un secteur assistantiel territorialisé et low cost. Ils ne trompent personne dès que l'on observe les modèles comptables, ce qu'ils prennent en compte, ce qu'ils ignorent et ce qu'ils rémunèrent. Mais il faut faire ce travail intellectuel et d'observation, hélas peu prisé des chercheurs, pour résister à ce bla-bla nauséabond, ce ramassis de "foutaises managériales" fondé sur le culte du grand tout globalisé et indifférencié. Il fleure si bon la mystique systémique quand sa fonction est surtout d'être un réducteur de coûts induits par les blouses blanches, qu'il se vend bien chez le gogo bien portant en mal d'orientalisme. Tout comme il se vend bien chez l'outsider de santé, le professionnel qui se sent à tort ou raison "dominé" et qui se verrait bien en "intégrateur" à la vision globale, pourfendant l'excessive différenciation des spécialistes, ces trop "différentiés", ces trop "fragmentés" à la vue si étroite qu'elle ne peut que mériter d'être balayée par la révolution managériale, l'incarnation de la raison innovante. Vieille tension managériale entre différenciation et intégration qui est toujours instrumentalisée par les uns ou les autres.
Il se vend bien avant tout chez les élus qui veulent être réélus.
Machiavel sait mieux que tout autre diviser pour régner et ainsi va la santé, tout droit vers les soins low cost, résultat inévitable d'un modèle de performance publique fondé sur la défiance.

L'immense entreprise de morale socio-sanitaire qui vise à imposer la concurrence comme forme de toute activité humaine y reste bien présente en toile de fond,
  • ce premier mythe la concurrence efficiente est constitutif de la doxa managériale de santé avec les deux autres qui sont: 
  • le mythe du "passager clandestin", ce déviant, ce mal radical, construit par toute entreprise de morale, avec la dénonciation des boucs émissaires que sont le malade irresponsable et le bureaucrate wéberien qu'il soit manager de santé, médecin ou soignant, 
  • le troisième étant le mythe du "projet" et de la rationalisation managériale, allant même jusqu'à prétendre à la capacité de prédire le visage de la "destruction créatrice", suprême volonté de puissance de la République de Platon au risque du "bougisme" et de "l'innovation destructrice".

Les trois piliers de la médecine dévoyée


La "démédicalisation" est une "révolution", en quelque sorte, en ce sens qu'elle reproduit après un cycle les modes de pensée de l'époque de la Convention et la haine destructrice des collectifs. Bourdieu fait à juste titre de la destruction méthodique des collectifs le cœur du néolibéralisme jacobin de marché. La démédicalisation qu'on a appelé à tort médicalisation de la société, à la suite de lectures superficielles de Foucault et Illitch, se décline selon les trois piliers de la médecine dévoyée où les mots créent les choses:

Médecine préventive: "mieux vaut prévenir que guérir", personne ne peut mettre cela en doute. Mais sur quelles preuves doit s'appuyer une médecine de moins en moins fondée sur les pratiques cliniques, qui prétend capter les ressources de plus en plus rares de la médecine dite "prescriptive", quand l'ensemble des dépenses de santé est soumis à un réexamen général en termes de "coûts d'opportunité"? Le tout préventif se joint au tout incitatif pour composer une nouvelle version de la "police sanitaire", l'avenir de la police médicale de Foucault, qui veille avec ses gardiens à la ré-ingénierie des comportements selon les normes de l'économisme orthodoxe, au constructivisme socio-sanitaire, mais aussi à la négation systématique des déterminants sociaux dans les modèles de production de la santé publique, qui cultive l'art d'ignorer les différences d'habiletés sociales que l'on n'a de cesse de naturaliser (ou capabilités d'Amartya Sen)

Médecine prédictive: traduire ici par logique de risques financiers, calculabilité actuarielle, reddition de comptes calquée sur la normalisation comptable, exclusion calculée et rationalisée de ceux qui n'auront pas la "grâce" génétique, comportementale et /ou sociale d'être un faible inducteur de coûts. La médecine prédictive multiplie les marqueurs permettant dépister des maladies de plus en plus tôt, même et surtout s’il n’y a pas de thérapeutique, à partir de la génétique, des comportements à risque ou d'un environnement social dont il faudra attribuer la faute à "l'assuré" pour pouvoir déconstruire la solidarité et légitimer du point de vue de l'assureur l'aléa moral (je sélectionne les risques faibles et je fais payer à prix d'or les gros risques que je connais grâce aux informations que je détiens, notamment par le réseau interconnecté des Big Data que je fais tout pour maîtriser) et de la sélection adverse (je refuse de signer certains contrats trop risqués). Avec Akerlov ("the market of lemons"), il faut raisonner comme pour un marché de voiture d'occasions pour comprendre les limites de la théorie de l'agence appliquée à la santé.

Médecine prescriptive: on aurait pu dire "curative", celle qui diagnostique, traite (cure) et même soigne les maladies (care) quand on ne la pervertit par de modèles comptables absurdes, mais cette dénomination n'était pas assez péjorative, pas assez dévalorisante. Cette médecine est disqualifiée par la logique d'ajustement, trop coûteuse, trop axée sur l'autorité et la bienfaisance médicalisée, paternaliste, ce qui est vrai mais ne doit pas faire jeter le bébé avec l'eau du bain. 
Enjeu permanent pour les assureurs, l'industrie pharmaceutique (qui investit aujourd'hui très vite le domaine du préventif) et les Big Data, elle est présentée comme cette médecine qui "normalise les être humains, uniformise et standardise, extirpe la différence dans les comportements (la psychodiversité…), devient un moyen de contrôle social et un gardien de l’ordre" (Phamacritique). Elle est, vice suprême, insuffisamment participative quand il faut "empouvoirer" le client et en faire un consommateur responsable de ses choix, même les pires. Elle est aussi insuffisamment scientifique au sens de l'EBM dévoyée et industrialisée par les nouveaux ingénieurs sociaux, pas assez intégrée car trop spécialisée, hospitalo-centriste, mandarinal-patrimonial-notarial-boutiquier, j'en passe et des meilleures etc. etc.


Les risques du workfare et de l'évaporation holistique de la médecine 


La médecine prescriptive est accusée de tous les maux, dont la "surmédicalisation" et la médicalisation de la société, un fantasme surtout cher au bien-portants quand il ignore aussi superbement une sous-fourniture de soins tout aussi préoccupante, sans parler des mésusages largement liées à la iatrogénie managériale. Le traitement social, la suppression qu'il permet d'une partie des déterminants des maladies, c'est bien, c'est indispensable. Mais prenons garde, face à ceux qui sautent comme des cabris en criant à l'hyper-médicalisation après Foucault et Illitch à ce que "l'art d'ignorer les pauvres" si bien décrit par Galbraith ne se dissimule pas aujourd'hui derrière une anti-médecine aux arrière pensées économiques de l'évaporation "holistique" de la médecine dans le social.
Surtout, la médecine prescriptive, celle qui traite et soigne les "maladies" des "malades" (cure et care), ce concept considéré suranné et obscurantiste, que tous les professionnels de santé doivent oublier au nom de la nouvelle santé Bien-être définie par l'OMS en 1946 et raillée par Skrabanek, c'est bien ce dont il faudra parvenir à priver progressivement les citoyens, dans l'ordre décroissant défini implicitement par les politiques d'ajustement:
  • 1. Les ré-employables qui pourront rentrer "dans le jeu", mais qui verront inévitablement augmenter leur "reste à charge", à géométrie variable selon les assurances, ce d'autant plus qu'ils deviendront vieux et improductifs. Ils auront recours nous disent les réformateurs cyniques, avec tous les prétendus faux malades à la 'pataclinique des fausses médecines alternatives.
    Nous assistons hélas à la Transformation de "l'universel" de la protection sociale solidaire en "assurantiel" à géométrie variable. Loin d'être une concession française de De Gaulle aux communistes comme le dit Kessler quand il caricature la "sécu", cette protection universelle est un pilier de ce que voulait promouvoir le conservateur Beveridge et qui a été rendu un temps possible par le "pacte keneysien", au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
  • 2. Les malheurs immérités: risque vieillesse et risque dépendance/handicap. Extension de l'assistantiel (non "universel" mais dépendant des revenus, solidarité pour les pauvres devenant donc pauvre solidarité) pour les français du département ou des futurs avatars territoriaux de santé. Ceux là sont dores et déjà de plus en plus "démédicalisés" quand certaines associations crient encore à la limitation du "pouvoir médical" ou d'une réadaptation qui n'existe déjà plus tant elle a vite été remplacée par l'activation low cost  et les "filets de sécurité" du workfare.
  • 3. Les infortunes que le vice a produit (difficiles à distinguer selon la formule de Tocqueville), les déviants selon la nouvelle entreprise de morale sanitaire, les mauvais pauvres, les diabétiques mangeurs de gâteaux sous insuline, les mal observants, des traitements comme des injonctions de "l'éducation thérapeutique", les classes dangereuses, les futurs déremboursés... C'est là le futur reste à charge de la bonne vieille charité qui a quand même du bon quand tout le reste fout le camp et dont l'hôpital devrait enfin cesser de se foutre. Il devrait commencer avant tout par revoir d'urgence son modèle de normalisation comptable, ce veau d'or qui lui a fait depuis trop longtemps abandonner ses missions "d'assistance publique".

Une médecine intégrée, mais par qui? Attention aux faux amis!

Répétons le, nul d'entre nous, à moins d'être misanthrope ou aveugle au problèmes du vieillissement et des maladies chroniques, ne peut être contre une « médecine intégrée », qui prévient, qui guérit et qui soigne, et qui serait, selon André Grimaldi "à la fois biomédicale, pédagogique, psychologique et sociale, où l’éducation thérapeutique du patient, et si nécessaire de son entourage, est essentielle. Médecine intégrée, mais aussi coordonnée entre les professionnels et entre la ville et l’hôpital." 
Cure et care voilà la grande affaire, mais de quoi s'agit-il concrètement? Dans deux remarquables articles publiés en 2001 dans Health Care Management review, Henry Mintzberg explorait la difficile articulation du cure et du care dans les système de santé:
Managing the care of health and the cure of disease--Part I: Differentiation
Health Care Manage Rev. 2001 Winter;26(1):56-69; discussion 87-9.
Managing the care of health and the cure of disease--Part II: Integration
Health Care Manage Rev. 2001 Winter;26(1):70-84; discussion 87-9.

Mais voilà, la "médecine intégrée" elle même a plusieurs facettes selon le modèle d'articulation entre opérateurs organisateurs et financeurs (voir Figure 1). C'est aussi ce dont les "réseaux intégrés de soins" se font le chantre avec le managed care, le tout intégratif par les payeurs, unique ou mis en concurrence. Elle signifie aussi l'association de la médecine dite conventionnelle aux médecines alternatives non conventionnelles. On retrouve ici la tentation "holistique". Cette acception ne me semble pas être "partie intégrante" du modèle de Grimaldi. Nous avons assez par ailleurs alerté le lecteur sur l'éternel combat entre médecins et charlatans, quand les nouveaux sophistes de santé, par leur rhétorique irresponsable, font la promotion de la 'patamédecine dans laquelle ils entrevoient des soins low cost, sans doute pour malades imaginaires. Rien n'empêche toutefois que certaines de ces médecins acquièrent le statut de médecine factuelle, c'est parfois le cas (hypnose).

Bref, l'intégration appelle à une juste coordination, à des mécanismes de liaison entre activités de plus en plus différenciées et segmentées le long d'une chaîne logistique de plus en plus complexe où il faut en même temps standardiser (push) et personnaliser des "produits" finaux (pull) dont la définition en santé est un enjeu de pouvoir trop peu rationnel pour ne pas être avant tout une arène politique. Quelle place sera laissée aux professionnels, aux collectifs, aux microsystèmes cliniques au contact du public? L'intégration est synonyme de contrôle et les contrôles tentent d'incorporer dans l'habitus des acteurs les modèles qui les fondent. N'en doutons pas, ils pourraient être autrement qu'ils ne sont.
Je vous propose ici une traduction critique des "titres" de l'avant projet à partir du lexique fourni ci-dessus.

Qui contrôlera les contrôleurs? Qui intégrera les intégrateurs? Qui gardera les gardiens?


TITRE LIMINAIRE: RASSEMBLER LES ACTEURS DE LA SANTE AUTOUR D'UNE STRATEGIE PARTAGEE


Liminaire ou fabrique du crétin sanitaire?

C'était qu'avant, tous ces pauvres disciples d'Hippocrate, ils étaient divisés, égoïstes, uniquement mus par l'appât du gain, l'auri sacra fames, pour ce qui est des médecins libéraux, mais passagers clandestins et paresseux de la bureaucratie pour ce qui est des salariés. On les écrit comme tous enfermés dans leur logique étroite de petits boutiquiers, logique pourtant paradoxalement aggravée par la doxa néo-managériale, en pauvres enfants perdus privés du savoir des gnostiques des sciences sociales. On les caricature comme raisonnant primitivement dans une mentalité prélogique, attendant les lumières de la rationalisation néo-managériale. Enfin vint la lumière et voilà que la novlangue, ce terrible véhicule de la fabrique du crétin socio-sanitaire, put enfin éclairer les rejetons des corporations, perdus pour l'humanité depuis le désastre de la tour de Babel.

TITRE I: RENFORCER LA PREVENTION ET LA PROMOTION DE LA SANTE

Correction: entendre ici la promotion d'une certaine vision de la santé publique comme "entreprise de morale" (pour la sociologie critique, le terme est attribué à Howard Becker), une "police sanitaire" et biopolitique (Foucault), d'une société de contrôle (Deleuze, de l'activation néolibérale du "client" et du producteur (consumer empowerment du management orthodoxe). Nous l'avons déjà dit, suivant en cela bien d'autres, en assimilant avec une arrogance toute révolutionnaire la définition santé au bonheur des peuples, l'objet de la politique, l'OMS asservit la médecine à une vision utilitariste de l'action publique. Voilà en toute beauté le brave new world d'Huxley dont nul ne se demande plus "qui gardera les gardiens". C'est à se demander où est passé le libéralisme politique.


TITRE II: FACILITER AU QUOTIDIEN LES PARCOURS DE SANTE

Correction: entendre ici promotion du managed care assurantiel, selon deux tendances la vente par tranche de salami de la sécu (les payeurs multiples remplaçant le payeur unique) et la capitation (dépenses fixées par des experts et par tête de pipe). Oser parler d'intégration des "parcours" quand les mythes rationnels utilisés conduisent à construire successivement des modèles de production dénués de sens pour les acteurs, une normalisation comptable qui en est issue en vue d'une reddition de comptes sous forme d'outputs myopes, une fausse qualité alibi qui renforce les catégories précédentes et les métiers qui en sont issus en boucles auto-référentielles, des business models de simple survie ou d'expansion, fondés sur les modèles d'allocation de ressources pseudo-marchands issus de cette normalisation: c'est vraiment marcher sur la tête.

Surtout quand les pompiers pyromanes, prétendant par leur beau système aussi vérificationniste qu'infalsifiable libérer les merveilles de productivité de la "concurrence encadrée" ou "compétition régulée", parviennent à multiplier à la fois les défaillances de la main invisible du marché et de la main trop visible des managers. Comment mieux définir HPST 1 "l'arrogante" et HPST 2 la "coupable", "l'inavouée"?

Comment peut-on nous faire croire à la rationalité de réformes aussi manifestement stupides à vue d'acteurs des soins? La technocratie qui reste fondamentalement allergique à l'esprit de profit dans l'action publique et la promotion défensive des trust anti-T2A paralysent ce que le libre marché pourrait éventuellement avoir de vertueux, je dis cela pour ceux qui y croient encore en santé, mais, en même temps, la concurrence encadrée par des résultats myopes et la religion des incitatifs vise à s'incorporer de façon irréversible dans l'habitus des soignants. Cela doit se faire s'il le faut en détruisant jusqu'au "ressort des âmes", pour paraphraser Renan, en y traquant l'altruisme, le souci de l'autre, l'humanisme médical du serment d'Hippocrate, comme on veut, jusqu'à l'extermination.

Cela donne crédit à ceux qui prétendent que la faisabilité de l'ajustement autrement dit du rationnement  passe par la sidération complète des acteurs, fusse en les accablant d'indicateurs d'autant plus rémunérés qu'ils sont dénués du moindre sens. Bref plus c'est absurde et plus l'économie se fera à court terme, personne n'y verra rien et les élus seront ré-élus.

Figure 1: petit guide de déniaisement sur la rhétorique des parcours



TITRE III: INNOVER POUR GARANTIR LA PERENNITE DE NOTRE SYSTEME DE SANTE

Correction: voilà la fameuse innovation disruptive de Schumpeter, mais ici miraculeusement domestiquée par le management public! Le corporate state se met au management stratégique. Mais Héraclite la bien dit: "le changement c'est tout le temps!"

TITRE IV: RENFORCER L'EFFICACITE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LA DEMOCRATIE SANITAIRE



Vielle ficelle de la rhétorique des nouveaux groupes "d'intérêt à l'universel", et des prédateurs qui les suivent: masquer les intérêts derrière l'enchantement et la mystification de mots dévoyés par des adjectifs.

Nul ne peut douter que Georges Clemenceau, ce brillant esprit, aurait aujourd'hui dit son mot à propos de l'usage de l'adjectif "sanitaire", déjouant aussi aisément les pièges de l'infantilisation managériale qu'il avait bien vite démonté l'esprit de colonisation pédagogique, le déni de citoyenneté et la dépossession démocratique des peuplades soi-disant attardées défendus par Jules Ferry au nom d'un rationalité supérieure.
Mais attention, aujourd’hui, la légitimité n'est plus ce qu'elle était. Pour ce qui a trait à l'action publique, la "proclamation de la primauté de la force sur le droit" que dénonce Clemenceau dans les discours de Jules Ferry, doit être légitimée par la rationalité des sciences sociales (Patrick Gibert).

« la technologie de l’action publique, c’est la maîtrise des sciences sociales et non celle du droit ». Patrick Gibert

« Il suffit d’ajouter « militaire » à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique». Clemenceau

« Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes». Bossuet

FIgure 2: La roue de la perte de sens (adaptation d'un schéma de Christian Morel)


Quelques citations éclairantes pour finir

"La promotion santé est un commerce d'avenir. Parce que son objet est le bonheur de tous, elle est à l'abri des critiques. Seuls les misanthropes ou les imbéciles pourraient d'ailleurs en formuler. La théorie est élaborée dans les départements universitaires par des experts et des consultants au service du gouvernement." "La fin de la médecine à visage humain" de Petr Skrabanek - Extraits

"Les buts que se donnent les mouvements de promotion de la santé sont si vagues par exemple "l'association quelle qu'elle soit d'une politique d'éducation de la santé et d'interventions organisationnelles, politiques et économiques destinées à faciliter l'adaptation des conduites et la modification de l'environnement qui améliore la santé" que le champ est grand ouvert à la construction de vastes pyramides administratives. La santé est vendue avec les mêmes méthodes qu'une nouvelle marque de poudre à laver." Petr Skrabanek

"On fait de la santé l'équivalent scientifique du bonheur. Le bio-stylisme remplace la droiture, le respect des convenances sociales et même des bonnes manières. Ce sont l'épidémiologie et la statistique qui ont fourni le gros des experts en bio-stylisme. Pour la réalisation de leur projet, ces hommes demandent et reçoivent sans peine l'appui des organes coercitifs de l'Etat. Ils sont épaulés par une armée de bureaucrates et d'assistants, là encore volontiers fournis en échange d'une parcelle de pouvoir. Petr Skrabanek

Comme l’écrit Jouvenel: "Partout la gestion des intérêts généraux est confiée à une classe qui a un besoin physique de certitudes et adopte des vérités incertaines avec le même fanatisme qu'autrefois les hussites et les anabaptistes". Aujourd'hui, l'épidémiologie est une source inépuisable de vérités douteuses que des tours de passe-passe statistiques changent en certitude." ("Une médecine coercitive"). Petr Skrabanek

« D'une façon générale, l'évolution des réformes et de leur mode d'implantation, montre que ce qui est en cause n'est pas la disparition d'une éthique des moyens au profit d'une éthique des résultats (celle-ci est d'ailleurs déjà présente dans d'autres contextes nationaux). En matière de régulation et de rationalisation de l'activité médicale, la tension se situe entre une éthique que l'on pourrait qualifier de « proximité », car soucieuse de l'intérêt du patient visible, et une éthique de « santé publique », car prenant en compte les intérêts de la population. Dans le premier paradigme, le médecin se place en agent de son patient ; dans le deuxième il se place en agent de la société. » Philippe Mossé . La rationalisation des pratiques médicales, entre efficacité et effectivité

« Les frontières du système de soins doivent s’estomper pour se fondre dans les autres systèmes du système de santé, pour pouvoir parler véritablement de système de soins de santé. Le financement des soins est à présent soumis à des contraintes de « coût d’opportunité »» Marc Brémond



Esculape vous tienne en joie,