"...le néo-libéralisme ne saurait en aucune façon être assimilé au moins d'Etat. Il est au contraire une rationalité politique originale qui confère à l'Etat la mission de généraliser les relations concurrentielles et la forme entrepreneuriale y compris et surtout au sein de la sphère publique." Frédéric Pierru.
La faute à Voltaire ou à Rousseau?
D'où vient le grand blues de l'hôpital, aujourd'hui sur le devant de la scène au risque de masquer les questions clés qui se posent à notre système de santé quel que soit le secteur et le mode d’exercice ?
Les questions fondamentales relatives à la gouvernance de l'hôpital et du système de santé n'ont pas changé, les mêmes schémas de pensée reproduiront très vire les mêmes effets si l'on y prend garde.
Faut-il se limiter à éteindre le feu dormant de la "gilet-jaunification" de l'hôpital par un énième replâtrage centré sur le capacitaire en lits aigus et la rémunération, certes indispensables ?
Faut-il centrer la réflexion sur l'hôpital aigu quand l'effondrement stupéfiant des soins ambulatoires, à domicile et dans le secteur médico-social n'est pas encore évalué dans ses impacts économiques, sanitaires et sociaux ?
Ne faudrait-il pas plus profondément chercher à lutter contre le grand désenchantement de la santé, bien au-delà de l’hôpital ?
1. Est-ce la faute à la T2A ou au paiement à l'acte ? N’est-ce pas le plus commode des boucs émissaires pour ce qui n’est qu’un mode d’allocation de ressources certes en silo, très mal ficelé et sous enveloppe fermée ?
2. Est-ce la faute au rationnement inavoué et inégalitaire par une technocratie au service de l'ajustement, qui prétend fonder en raison l'ONDAM, le mythe du trou de la sécu et justifier l'effroyable fragmentation conceptuelle, institutionnelle et financière de notre système de santé ?
3. Est-ce la faute à la gouvernance publique et la mise en oeuvre du Nouveau Management Public, qui déploie un système de performance inconsistant, depuis la LOLF, ses missions, programmes et actions jusqu’aux indicateurs myopes servant de tableau de bord aux activités cliniques ? N'induisent-ils pas désespoir et perte de sens ? Est-ce la faute aux pseudo-marchés administrés selon André Grimaldi et Frédéric Pierru ?
4. Est-ce enfin la faute de la rigidité de la bureaucratie wébérienne, au service de ses agents et paralysée par des statuts qui empêchent de gérer enfin l'hôpital comme une entreprise (Guy Vallancien, Gérard Vincent...). Bref sommes-nous allés assez loin dans le NMP ou faut-il continuer?
Du meilleur diagnostic des failles d'un système sans doute polypathologique et aux multiples défaillances fonctionnelles viendra sans doute le moins mauvais traitement, qui pour le moment n'apparaît pas encore à l'horizon.
Les quatre axes du Ségur de la santé
En appelant de ses vœux la tenue d’un « Ségur de la santé », le chef de l’Etat a détaillé les quatre « piliers » sur lesquels devra reposer le futur plan :
· Revalorisation des carrières et développements des compétences et des parcours professionnels à l’hôpital et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
· Plan d’investissement et réforme des modèles de financement ;
· Mise en place d’un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif, le sens de l’équipe et l’initiative des professionnels ;
· Mise en place d’une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social.
Comment faire pour que cela ne soit pas qu'un coup de com?
Pour refonder la santé et sortir du grand désenchantement qui nous accable; il faut d'abord remettre en cause le modèle de performance publique d'où procède le gouvernement à distance par des indicateurs dénués de sens. Il faut dans le même temps réformer les concepts fondamentaux qui définissent les finalités principales du système de santé en s'appuyant sur les avancées internationales. Il ne peut y a voir de pilotage acceptable et démocratique sans système d'information alignant les besoins de santé, les moyens mis en oeuvre et la reddition de comptes sans laquelle notre système restera médiéval, organisé et financé à l'étiquette, au pouvoir d'influence et au lobbying.
Il nous faut pour cela une réforme des nomenclatures fonctionnelles et institutionnelles sans lesquelles aucun modèle de financement cohérent ne pourra voir le jour.
On peut s'inspirer de l'OMS, organisation qu'il ne faut certes pas idolâtrer, mais dont le rejet par Donald Trump la rend soudain plus sympathique. Les stratégies ou finalités fondamentales d'un système de santé qui nécessitent chacune une budgétisation, une planification de l'offre, l'allocation des ressources et un système d'information et de reddition de comptes sont les suivantes:
- Promotion de la santé
- Prévention : indispensable, mais attention au mythe du transfert de fonds des soins vers la prévention, ou inversion du triangle d'allocation des ressources.
- Soins curatifs : diagnostiquer et traiter les maladies
- Réadaptation : optimiser activités et participation selon projet de vie des personnes
- Soins palliatifs
- Soutien social en termes d’assistance à la vie autonome et de soutien à l’inclusion sociale.