"L'immobilisme est en marche rien ne pourra l'arrêter." disait Edgar Faure. Paradoxalement et malgré les incantations officielles, les chances d'une réingénierie efficace du système de soins français semblent s'éloigner à chaque réforme. La chape de plomb du nouveau management public semble s'être abattu pour longtemps sur notre système de soins. Ainsi se dégradent de jour en jour, dans l'abîme croissant entre soins et social, dans le renoncement à toute tentative sérieuse de coordination et dans la production administrative de l'indifférence, les soins pour les maladies et états chroniques handicapants, quelle qu'en soit l'étiologie, quel que soit l'âge, quelles que soient les vulnérabilités associées.
Nous avons tous une certaine idée de la médecine. Sans doute, au delà de nos "rationalités limitées" et des stratégies de survie que nous imposent les réformateurs, pourrions nous retrouver les racines communes d'une profession qui est l'archétype de la profession "autonome" pour les sociologues (ceux qui ne sont pas des "semi-habiles", bien sûr). Hors de la spirale de la défiance et des gradients d'autorités top down à la française, malgré nos "logiques de l'honneur" et en dépit des cloisonnements croissants induits par la "bureaucratie libérale" engendrée par la nouvelle gestion publique (David Giauque), il nous reste à construire des partenariats renouvelés, avec l'ensemble des "professionnels de santé", des usagers et des élus, dans une vision enfin partagée par les "parties prenantes" de la gouvernance (stakeholder value vs shareholder value). Pour sortir enfin de l'abracadabrantesque dichotomie entre qualité et coûts.
Pour des raisons évidentes d'évitement du mélange des genres, j'ai autonomisé le kit d'ubulogie clinique qui vous savez me tient à coeur, des sites à spécificité plus professionnelle.
https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/
Les "addicts" et les "allergiques" pourront ainsi différencier les news, éventuellement par une réponse de désabonnement. On comprend que tout le monde n'a pas le temps et/ou l'envie de s'approprier les configurations de Mintzberg, le marché des citrons d'Akerlov, les systèmes de paiement prospectifs, ou les théories économiques de l'Etat social.
Ce kit avait un but initial et s'intègre à une stratégie plus générale: initialement orienté vers la prévention des risques de counter-evidence based rehabilitation, comprise comme branche de la counter-evidence based medecine, elle-même issue de la counter-evidence based policy (terme emprunté à Frédéric Pierru).
Quelques nouveautés: ubulogie des profondeurs (allergiques s'abstenir)
"Les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu'ils devraient être sur la banquette arrière."John Maynard Keynes
1. Aux sources du managérialisme en médecine (une application de la "bureaucratie libérale" de David Giauque, une des "routes de la servitude". Diapos 1 - Diapos 2 - Diapos 3 (David Giauque)
Des think tanks, sites et "maîtres-penseurs" à bien connaître (paradoxe: les "maîtres-penseurs", sources de l'auto-expertise arrogante des technocrates de l'ingénierie des systèmes de soins et qui consuisent selon les mécanismes si bien décrits par Christian Morel aux décisions absurdes en santé sont souvent aussi les meilleurs ubulogues! cf Kervasdoué). https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/breviaire-medico-economique-de-la-perte-de-sens
Les nouveaux habits d'Hippocrate (Claude Le Pen). "L'industrialisation de la médecine" et les nouveaux ingénieurs de soins
http://www.medcost.fr/html/economie_sante_eco/eco_151299.htm#marche
et http://www.ifdqs.org/site/tables/clepen.asp
Voir aussi Textes et interventions de Jean de Kervasdoué -
Think Tanks et blogs incontournables: IFRAP (attention redoutable!)- Institut Montaigne (managed care en vue) - Medcost - Denise Silber's blog - Carnets de santé
2. Management par objectifs, financiarisation des stratégies et perte des réalités, par Aurélien Acquier
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/12/18/management-par-objectifs-financiarisation-des-strategies-et-perte-des-realites-par-aurelien-acquier_1282553_3232.html
3. Théories économiques de l'état social
http://www.er.uqam.ca/nobel/politis/IMG/pdf/Pol-5831-30-StephanBrunel-4Partie1.pdf
4. Le bien vieillir: Lucien Sève dans le Monde diplomatique
http://www.monde-diplomatique.fr/2010/01/SEVE/18751
5. application pour les professionnels des SSR
Les "cahiers des charges" SSR franciliens ont été mis à jour en décembre 2009
Les contrats d'objectifs et (sans garantie) de moyens (CPOM) associés à la disparition voulue des mécanismes d'autorégulation professionnelle laissent aujourd'hui nos directeurs, qui ont le couteau financier sous la gorge, totalement seuls face au financement prospectif dont la puissance repose sur la possibilité de dégager des marges (principe d'incitation / contrôle des directeurs dans la relation principal-agent mis en place dans HPST).
Ces marges sont le principe même du "transfert des choix tragiques" vers les établissements et donc vers les professionnels (notion de "viol éthique" selon Grimaldi, qu'implique la notion de faire financer les "malades non rentables" par les "malades rentables" - voir principe de la matrice BCG appliqué aux établissements de santé). Au delà de l'injonction paradoxale et de la souricière cognitive majeure ainsi constituées, les logiques combinées de la NGP et du managérialisme sont la source d'une construction administrative de la perte de sens pour les professionnels. Ceux-ci ressentent de plus en plus vivement l'urgence de devenir les avocats de la santé de leur patients [1]. Ces marges interrogent directement les effets pervers potentiels du financement prospectif à l'activité en l'absence de garde-fous et d'autonomie professionnelle, de réévaluation souple des tarifs, de prise en compte des mécanismes réels de péréquation et de subsidiarité (mécanismes non marchands d'intérêt général).
La matrice IVA conduisant par construction et faute de lien coût-qualité en SSR à la fonte de effectifs et des moyens, l'assainissement recherché du "pseudo-marché" va être implacable et conduit tout droit à la counter evidence based rehabilitation, par le jeu des prophéties autoréalisatrices de la relation d'agence (voir aléa moral et sélection adverse dans l'analyse du marché des citrons d'Akerlov).
Dans le mouvement de panique qui s'installe, les directeurs et donc les fédérations sont davantage à la recherche de règles de financement stables dans le temps que de liens coûts-qualité, quelles qu'en soient hélas les conséquences pour les usagers. Dans notre système hyper fragmenté, personne n'a de vision réellement globale de la "chaîne de valeur" que constituent les parcours de soins, ni en terme de qualité, ni en terme de coûts.
Enfin pour votre prochaine réunion de pôle: la matrice BCG (Boston Consulting Group): indispensable dans le guide du bon petit contrôleur de gestion (médecin, cadre soignant ou administratif)? Cela suppose pour les médecins et cadres d'oublier très vite leur métier de base..car plus les "épisodes de soins" financés sont courts et plus les états d'âme sont contreproductifs. Analysez vos "stars" vos "vaches à lait", vos "dilemmes" et vos "poids morts".
Une antidote à la counter-evidence based medecine?
Il est urgent de réhabiliter l'autorégulation professionnelle au sein d'une vision systémique de la clinique. De nombreux modèles sont disponibles:
Canada - USA - Biblio - Belgique "itinéraires cliniques") (traduction française non actualisée des microsystèmes cliniques). En France il suffirait de se servir de la méthodologie des "chemins cliniques", mais, hélas, hélas, pas dans une optique étriquée de simple certification top down déconnectée de la dynamique des directions et du système d'information, mais dans une optique de réingénierie qui réunirait enfin les quatre mondes de l'hôpital, des systèmes de soins de Mintzberg (CA, management, cure et care..)
On peut proposer la séquence suivante:
- L'approche processus (programmes cliniques = épisodes de soins),
- L'intégration systémique des processus aux niveaux micro, méso et macro, dans les processus de management, le système d'information, et des stratégies intégrées de soins fondées sur les données probantes (exemple des AVC),
- La juste valorisation des épisodes de soins dans la chaîne de valeur (modèle coût qualité),
- La redéfinition éventuelle des tarifs,
- La péréquation si nécessaire des coûts et profits le long de la chaîne de valeur: réforme du financement,
- La prise en compte de l'ensemble des chaînes de valeur et des mécanismes non marchands d'intérêt général, dans un nouvel arrimage des soins et du social, du public et du comunautaire.
Cela suppose pour les professionnels de chercher à développer de nouvelles alliances avec citoyens et les associations, les premiers concernés par la qualité des services publics. Des partenariats urgents avec les mouvements associatifs doivent être envisagés sous l'angle de la co-construction de cadres de référence collectifs et non sous celui de l'instrumentalisation.
La T2A oblige les professionnels de santé, censés être les avocats de la santé de leurs patients, à opérer eux-mêmes les arbitrages économiques que le politique refuse de faire.
http://www.sngc.org/4DACTION/SNGC_envoidoc/478
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