La cage d'acier de la rationalisation
Voici, par Bertrand Pauget et al., une critique de la rationalisation des activités hospitalières qui apporte un éclairage sur la perte de sens et la stupéfiante capacité du système à faire pratiquer des soins de qualité de plus en plus médiocre par de braves gens qui en souffrent. Ne pouvant donner de la voix, ils en sont réduits à une loyauté désabusée et passive ou à l'exit, parfois sous des formes dramatiques.
Cela complète parfaitement l'approche de Mintzberg par les mythes de la santé dans une vision ou il faut voir plus de continuité que de ruptures, ainsi que l'approche de la souffrance au travail de Christophe Dejours, de Vincent de Gaulejac et bien sûr de Frédéric Pierru pour ne citer qu'eux.
La loi Touraine de 2016 et la STSS "Ma santé 2022" poursuivent les mêmes logiques, notamment avec les fusions réalisées par les GHT (merger mania)et l'intégration gestionnaire des soins primaires.
Max Weber décrivait déjà le chemin qui mène vers la cage d'acier de la rationalisation des activités sociales.
Nous voyons ici à l'oeuvre un triple processus de rationalisation: rationalisation des règles de fonctionnement, rationalisation des savoirs médicaux, rationalisation des moyens (vus principalement sous l’angle financier, autrement dit celui des recettes dans un business model).
J'émets juste une réserve sur la "bureaucratie professionnelle" hospitalière qui est une organisation émergente largement construite d'en bas du fait que les opérationnels sont les experts, contrairement aux systèmes de production dits tayloriens où les experts sont dans les bureaux des méthodes (la technostructure). Cette organisation professionnelle est retrouvée dans tous les hôpitaux indépendamment du processus français (Mintzberg).
Nul ne peut s'opposer à la raison vraie, celle que recherchent selon Aristote les médecins, au delà tous les cliniciens, dans leur tekné, leurs pratiques prudentielles (Florent Champy).
Mais rester vigilants face aux mythes gestionnaires, économiques et des politiques publiques de santé qui remplacent trop souvent les sciences exactes, oui, sûrement.
Attention à ce que Alain-Charles Masquelet dénonce comme "le mauvais bout de la raison" en s'inspirant de Rouletabille.
Lectures proposées:
Eléments d’Histoire des réformes hospitalières : 1941-2009
La valeur-utilité dans le secteur de la santé : de l'acceptation à la contestation
The future of the French health care system: towards a Beveridge approach?
Bringing the Health Care State Back in
Les embarras politiques d’une intégration par fusion : le cas des Agences Régionales de Santé
Frédéric Pierru et Christine Rolland
Esculape vous tienne en joie,
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