Affichage des articles dont le libellé est Handicap. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Handicap. Afficher tous les articles

vendredi 8 octobre 2021

La Cour des comptes dénonce dix ans de réformes inabouties du financement des établissements et services: SSR, psychiatrie, accueil des personnes âgées et handicapées


"Les meilleurs livres sont ceux qui racontent ce que l'on sait déjà." George Orwell


Bon diagnostic, docteur, mais toujours pas de traitement efficace.


Alors que le CNOM appelle à enrayer le processus de fragmentation illisible des parcours qui est engagé en s'appuyant sur les revendications catégorielles de certains professionnels de santé, le rapport 2022 de la Cour de comptes sur la sécurité sociale dit ce que l'on sait déjà sur les SSR, la psychiatrie, l'accueil des personnes âgées et handicapées, mais assez bien pour qu'on le lise.

L'amélioration des parcours et la gradation des soins doivent se concevoir au regard des risques suivants pour lesquels nous n'avons pas de thermomètre en France (René Amalberti) bien loin des incantations officielle au virage ambulatoire et bientôt domiciliaire. Mal conçus et mal accompagnés même si c'est à partir d'idées fort bonne de soi qui correspondent aux attentes de nombreuses personnes, ils ne créent que du malheur en transférant les soins et charges vers les patients et les familles dans une perspective financière qui tend vers la dé-protection sociale.

  • Discontinuité des soins
  • Chevauchements de compétences
  • Prises en charges inadaptées 


Rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale 2021: SSR, psychiatrie, accueil des personnes âgées et handicapées
  • 10 ans de réformes inabouties face au besoin de soins gradés, plus pertinents et plus inclusifs.
  • Echecs répétés des nomenclatures GHM à visée tarifaire page 274 (les GME en SSR)
  • Incertitudes sur la dotation populationnelle page 283 (un bel encadré)
  • Garder de la cohérence nationale entre les travaux trop isolés des différentes ARS page 286
  • Errances de la concertation page 288 (un bel encadré aussi).

Le diagnostic en SSR était déjà bien posé par la Cour des comptes en 2012:


Réformer les autorisations en cohérence avec le financement?


Depuis 2012, on n'a pas amélioré grand chose de la classification à visée tarifaire censée couvrir 50% du financement SSR, mais on a inventé la dotation populationnelle qui doit couvrir 35 à 40%. Elle risque d'être très politique, aidant les gros à maigrir moins vite que les maigres, et trop à la main des ARS.


Méditons sur l'intrication étroite des trois leviers identifiée par la Cour: incitatifs financiers, autorisations et CPOM. Ne pourrait-on pas tenter de les aligner un tantinet?


D'ici à ce que la Cour demande comme la plupart des acteurs en SSR un lien cohérent entre autorisations et financements dans ce fourre-tout invraisemblable de finalités de soins auquel on veut appliquer une tarification au séjour unique avec un PMSI uniforme, ce n'est qu'une question d'éléments de langage, car elle le disait déjà en 2012 et personne ne l'a entendue.

Pour ceux que cela intéresse au sujet des réformes des SSR
A propos des risques dans les parcours de soins ou de santé

La question des ratios en SSR en situation d'absence de mesures des principaux dysfonctionnements de l'accès à la réadaptation (discontinuité des soins, chevauchements de compétences et prises en charge inadaptées) se pose donc avec d'autant plus d'acuité que les conditions de fonctionnement SSR sont et seront minimalistes dans le contexte de financements lissants qui prennent des moyennes pour des normes.

1. L’inévitable croissance des risques associés aux soins : comment s’y préparer
Pr. René Amalberti, Professeur de physiologie, Conseiller sécurité des soins: 20 minutes assez décapantes!

2. Impact des ratios sur les EIG
Sous-effectifs d’infirmiers et sécurité du patient : une petite revue de question par René Amalberti


3. Un article du Lancet de 2021 qui n'est pas en teste intégral

Effects of nurse-to-patient ratio legislation on nurse staffing and patient mortality, readmissions, and length of stay: a prospective study in a panel of hospitals

dimanche 18 avril 2021

Quand ONDAM et T2A s'emmêlent: la régulation fictive de la machine à guérir


A propos de la note de Pierre-Louis Bras intitulée
"Comment le Covid transforme le débat sur les dépenses de santé"

La fiction de l'ONDAM - Une régulation sans pilote

Figure 1: le trilemme des politiques de santé


La note de Pierre-Louis Bras pour Terra Nova est remarquable. Quelqu'un qui est considéré comme un expert du système ose poser la question de la régulation et de son incapacité actuelle à définir les besoins, la réponse adaptée et donc une ONDAM technique qui soit autre chose qu'un enfumage politique.
  • La régulation rationnelle et scientifique a tout son intérêt mais elle est aujourd'hui balbutiante: son modèle - à partir d'un modèle causal des déterminants de santé on décrit et on mesure les besoins et on planifie une offre qui va répondre à la demande qu'on définit sans les utilisateurs ni les professionnels - est aujourd'hui incapable de fonder les besoins en raison.
  • La régulation par le marché a peut-être certains intérêts mais a beaucoup trop de défaillances pour constituer le modèle fondamental de régulation.
  • La régulation professionnelle qui défend d'être la seule capable d'allier poiesis (production) et praxis (sens ou valeur de l'action qui est de répondre aux besoins... ou bien à la demande?)
  • La régulation par les partie prenantes pourrait s'approcher de la démocratie, sans y adjoindre d'adjectif polluant, qui prendrait en compte autant que de besoin le point de vue des usagers et des associations. Mais personne pour le moment ne sait comment faire pour trouver un équilibre.

Toujours les mêmes querelles depuis la révolution française

Pourquoi ne peut-on jamais surmonter ce trilemme fondamental état, marché et professions et pourquoi rejoue-t-on sans cesse les débats aporétiques de la scène révolutionnaire?
  • Parce que pour le moment tout le monde parle de besoins de santé comme s'ils allaient de soi alors que nous ne sommes pas capables aujourd'hui d'articuler le champ de la santé publique avec celui de la médecine - ou de la clinique - pour inclure les professionnels du soin individuel - qui applique(nt) des savoirs abstraits à des cas concrets dans des pratiques prudentielles.
  • Parce qu'on continue la surenchère politico-médiatique dans le "plus global que moi tu meurs"," plus biopsychosocial que moi tu meurs", "plus défenseur que moi des malades chroniques, des vieux, des malades mentaux, des handicapés, du care, des fragiles, des vulnérables, des mourants, tu meurs...
  • Nos pauvres plans de santé publique se résument à 4 ou 5 priorités issues du lobbying, inévitable certes, mais qui ne s'appuie sur aucun jeu de données robuste.
Figure 2: à la recherche de la valeur des soins de santé


Les fonctions de l'hôpital: les composantes de la valeur des soins

Un vide abyssal saute aux yeux dès qu'on aborde la question des besoins, c'est l'absence d'un système d'information doté de catégories consistantes.

Robert Fetter, inventeur de la T2A aux USA, était un spécialiste de la production des entreprises et son approximation de la fonction de production de l'hôpital était grossière. Face à une définition purement curative de la fonction de l'hôpital, décrétant que les fonctions sociales et d'hébergement n'existaient plus, comment aurait-il pu inventer le contraire de ce qu'on lui prescrivait? Mais personne n'a fait évoluer son modèle depuis un demi-siècle. Voila bien le Bullshit management!

Cela donne le sentiment que le diviser pour régner des stratégies politiques d'ajustement est à l'ouvrage! Mais gardons nous de toute théorie du complot.

Pour sortir de ces querelles de cour de récréation, il faudrait se mettre d'accord sur la valeur du soin individuel (la clinique) et comment la concilier avec l'intérêt collectif et la soutenabilité en contexte de rationnement. Le système national de santé britannique (NHS) a tenté de définir cela en verbes d'action autrement dit par les finalités ou composantes de la valeur des soins pour les bénéficiaires:
  • Ne pas mourir prématurément
  • Bénéficier de soins au long cours pour améliorer la qualité de vie
  • Récupérer ou préserver un niveau de fonctionnement optimal
  • Avoir une expérience positive des prestations et des soignants
  • Bénéficier de traitements et de soins dans un environnement sécurisé et éviter les pertes de chances
Il est évident que les composantes n'ont de sens que reliées aux autres et pourtant on continue à nous faire croire qu'on produit des groupes homogènes de diagnostics?
Nos technocrates à courte vue ont voulu faire coller la segmentation temporelle des séjours - courts, moyens et longs - aux fonctionnalités de la valeur des soins.
  • L'hôpital aigu c'est le soin curatif: la machine à guérir (depuis 1940) , 
  • Les SSR c'est la réadaptation 
  • Les soins de ville, les soins chroniques en sanitaire ou médico-social, c'est pour l'art d'accommoder les restes, ces besoins dont on a décidé qu'ils ne faisaient pas partie du modèle de valeur de l'hôpital! Ubuesque!
Une prestation qui a du sens, doit répondre simultanément aux cinq fonctionnalités approchées par le NHS
Les professionnels au contact des patients et en tenant compte de leurs attentes organisent les soins en combinant ces fonctions, non selon des flux de travail abstraits et myopes définis par la production des résultats proposés par le contrôle de gestion.

Ne cherchez pas plus loin pourquoi nos médecins, soignants et managers lucides sont si désespérés, fuient et pourquoi l'on observe un telle baisse continue du taux de motivation, exponentielle depuis l'épidémie COVID.

Machines à guérir: de la régulation aux pseudo-marchés

En 1977 Georges Canguilhem publie dans le journal Le Monde un article intitulé "Les machines à guérir". Relions cette analyse à celle de Pierre-Louis Bras dur la régulation.

Pour renouveler le cadre conceptuel des soins de santé, il faut considérer d'un même regard la régulation macro du système de santé, sa gouvernance et le modèle de production prescrit pour les activités au niveau microéconomique. Il est indispensable d'articuler l'absence de pilotage politique du bateau ivre avec l'absurdité de la T2A à la française
Cette articulation passe par la gouvernance définie par la loi HPST, pour le moment à peine modifiée à la marge. "L'argent suit le patient" est le dogme appliqué au nouveau management public des soins de santé individuels, mais pour quel service? Personne ne le sait puisque les prestations hospitalières ne se limitent en rien à la guérison d'une maladie aigue ou aux soins d'une maladie chronique malgré le credo de la "machine à soigner", introduit dès 1940. Quel est donc le produit que l'argent doit suivre? Quelles données a-t-on pour le savoir? Pour l'anticiper?

La réponse n’est pas de nature logique, elle est politique.

Les apories de la régulation marchande valent aussi bien pour les apories de la régulation démocratique ce que confirme bien l'approche néolibérale aux sens de la concurrence régulée par l'état. L'asymétrie d'information se conjugue au risque avéré de faire monter l'usager dans le système comme bras armé du régulateur comme le client est le bras armé de l'actionnaire (François Dupuy: la faillite de la pensée managériale). Comment éviter une transparence illusoire quand c'est une opacité croissante que nous constatons à notre niveau de petits techniciens de santé ? Qui gardera les gardiens des données?

Un système, en utilisant une métaphore organique, a des boucles d'autorégulation inconscientes que la régulation consciente ne peut jamais compenser si elles sont détruites, comme dans la maladie de Parkinson où la pyramide de commandement du mouvement volontaire s'épuise à ramer contre un système nerveux où toute fluidité du mouvement a disparu.

La régulation professionnelle a certes au niveau macro ses limites corporatistes au sens négatif du terme, celui de la défense excessive des intérêts catégoriels.
Mais ce que détruit surtout le pilotage par les coûts au niveau macro, et les pseudo-marchés au niveau micro, c'est la régulation professionnelle au niveau des coopérations micro-systémiques: au contact du patient que servent nos équipes et au niveau de l'organisation des soins (cure et care) puisque les logiques professionnelles conditionnent l'organisation des soins de façon radicalement différente de la logique managériale portée par le triple dispositif ONDAM-LFSS / gouvernance post-loi HPST / T2A. Cette trilogie ne peut que conduite à exclure la logique professionnelle des trois niveaux macro, méso et micro-systémiques.

Tout ça apparaît très simplement en mettant bout à bout organisation professionnelle de Mintzberg, le second Eliott Freidson, celui du professionnalisme que Frédéric Pierru et Florent Champy nous ont fait découvrir, les pratiques prudentielles fondées sur la sagesse pratique, les compétences clés de l'économie de la connaissance quand une régulation d'apprentis sorciers ne la détruit pas.

Le mythe de la compétition efficiente a la vie dure

Le mythe du pseudo marché qui tend miraculeusement vers la firme parfaite est une religion dont les croyants sont légions et qui permet de gober la fiction de l'ONDAM. L'effondrement de l'hôpital, des soins en ville et dans le secteur médico-social, accentué par l'épidémie, a-t-il fait litière de la yardstick competition que Michaël Porter tente de ressusciter sous forme de value based competition. Le mythe de la compétition efficiente en santé a la vie dure.

Mais si on n'y croit plus, alors on commence à se poser des questions, comme Pierre-Louis Bras, sur la définition des besoins, sur les effectifs nécessaires, sur le niveau de rémunération nécessaire, sur la qualité de vie au travail, sur les investissements. Peut-être (accès d'optimisme) que le moment COVID nous amène au bord d'un changement?

Comment a émergé la machine à soigner à l'opposé des besoins des malades et de la transition sanitaire?

S'agissant de "machine à soigner" il faut essayer de comprendre comment et pourquoi la fonction sociale et d'hébergement de l'hôpital s'est trouvée niée dans les objectifs prescrits, alors qu'elle reste bien réelle dans les objectifs opérationnels cure et care des soignants. Attention ici aux idéologies professionnelles amplifiées par certains politiques: on trouve autant de médecins care que d'infirmières purement cure ou d'assistantes sociales croyantes dans la fonction de production purement curative de l'hôpital. Cela dépend non seulement des disciplines médicales et des professions mais peut-être surtout des conditions et modes d'exercice.

Résumer la fonction de l'hôpital à guérir et soigner est une absurdité

Les auteurs sérieux, même Jean de Kervasdoué, l'introducteur célèbre du PMSI de la T2A en France, savent que résumer la fonction de l'hôpital à guérir et soigner est une absurdité et qu'il faut valoriser les autres fonctions qui sans cela sont des" OVNI": des objets de valorisation non identifiés. Cela permet d'aborder notamment les différences de fonction entre public et privé.
Une fois définies les fonctions: pourquoi pas celles du NHS et de l'OCDE (nomenclature fonctionnelle de l'ICHA, le système international des comptes de la santé) jusqu'à ce qu'on trouve mieux dans la littérature, n'importe quel MBA, même tombé du nid, sait qu'il faut les valoriser pour bien rendre le service.

La France ne considère pas, faute de système d'information, la fonction de réduction des incapacités: cela concerne pas seulement ma discipline mais bien entendu la gériatrie, la psychiatrie, au delà, toutes les disciplines et professions qui s'occupent de maladies chroniques susceptibles d'entrainer des limitations fonctionnelles à risque de handicap. Difficile de comprendre pourquoi. Essayons.

Entre 1940 et 1970 s'est élaborée la prescription de l'hôpital "machine à soigner". La loi Boulin de 1970 et lois de 1975 sur le handicap et le médico-social qui la suivent constituent une clé pour la séparation des soins et du social. L'Etat régulateur surfait-t-il alors sur l'anti-médecine d'Ilitch et la fin du grand enfermement de Foucault qui aboutira au "nouveau moyen âge psychiatrique"?

Le handicap considéré comme problème social et politique (état plus que processus) s'est transporté dans le champ médico-social, bientôt décentralisé, celui des "français du département" avec les lois de décentralisation. Notons que l'approche gérontologique a gardé une vision plus médicalisée (paternaliste pour certains) mais relativement intégrée du handicap de la personne âgée alors que pour les moins de 60 ans la vision démédicalisée a été prédominante, dans le but de laisser les orientations sous contrôle des associations et des familles et non à une vision médicale sous contrainte gestionnaire.
De ce fait les dysfonctionnements des parcours issus du dispositif législatif et réglementaire sont très différents selon l'âge; mais au fait, quand est-ce qu'on est vieux? A 60 ans?
Son coté sanitaire, la "perte d'autonomie" temporaire ou définitive s'est trouvée rayée des radars, du PMSI et des systèmes d'information du monde prescrit, alors que les épidémiologiste tentent d'analyser les incapacités dans la population (limitations fonctionnelles et restrictions d'activité), mais sans aucune connexion avec la trilogie rationaliser, planifier, contrôler qui guide notre NMP en santé et légitime l'ONDAM.

Filières inversées: le cercle vicieux

En revanche dans le monde réel il fallait bien organiser des "filières" pour mettre la poussière médico-économique sous le tapis, pour réduire les lits aigus et répondre fit à un T2A curative.

Tout était en place pour forcer le système à construire des "filières inversées", guidées par les contraintes de production de l'amont et non par les besoins personnalisés du patient, exactement comme Galbraith père le décrivait dans "le nouvel état industriel".

Comme le problème social et d'hébergement restait bien réel il a été externalisé sur les SSR, peut-être sur la psychiatrie qui gère à la fois son aspect aigu et post-aigu, non sans conflits.

Ceci empêche en permanence la détermination et la valorisation des fonctions des SSR, entre intégration verticale par l'aigu en flux poussés et différenciation des activités spécialisées qui seraient adaptées aux "besoins" à supposer qu'on sache les déterminer de façon un peu plus objective.

Imaginez un ingénieur à la fois suffisant et insuffisant qui concevrait d'en haut le système de santé: il aboutirait peut-être à la confusion de la segmentation temporelle des parcours et celle de fonctions de l'hôpital
- L'hôpital aigu s'occupe de traiter la maladie et de soigner au minimum pour produire des GHM; ce minimum vu de gestionnaire ne plait guère aux soignants, qui fuient.
- Les SSR, secteur aussi confus qu'exubérant est de plus en chargé de "dégager" les questions sociales et d'hébergement et ce quelle que soit la discipline d'autorisation
- La "ville" et le secteur médico-social sont censés accommoder les restes, les fonctions de la santé auxquelles on a de moins en moins répondu en amont du fait même de cette modélisation ubuesque. La ville est censée et un secteur social et médico-social bunkérisés sont censés mettre en place un système de soins et d'aide pérenne, étroitement intriqué aux politique d'accompagnement du handicap, bref tout ce dont on a prescrit à l'hôpital de ne pas s'occuper. CQFD. Cercle vicieux autobloquant.

La machine à soigner: une fiction dangereuse

La machine à soigner est avant tout un fantasme d'ingénieur Shadock au service d'un système politique qui cultive l'art d'ignorer les malheureux, les vieux et les handicapés.
Près de 50 ans après Fetter on n'a quasiment rien trouvé depuis pour améliorer son modèle centré sur le diagnostic? Paresse intellectuelle? Immobilisme français?
Serait-ce excessif de parler d'un nouveau moyen-âge sanitaire à force d'ignorer résolument et contre l'évidence les questions sociales?

Voilà pourquoi quand j'entends des perdreaux de l'année de la performance et autres "coordinateurs de parcours" et grand prêtres des dispositifs d'appui à la coordination nous donner des leçons sur le care, la responsabilité collective, la qualité déconnectée de tout moyen et la bientraitance, la moutarde me monte au nez.

Les composante de la valeur des soins sont inséparables de celles de l'accompagnement social

Tous les pays ont des problèmes de frontière quand il s'agit de tracer les nuances subtiles qui séparent malades et malheureux. Il suffit de lire les analyses sur les définitions et la comparabilité qui accompagnent les statistiques de l'OCDE.
Néanmoins, pour reconstruire l'hôpital, il faut simultanément reconstruire les soins de ville mais aussi l'action sanitaire et sociale.

Soigner les gens pour les laisser sans soins ni accompagnement après, mais aussi avant dans un cycle de maladies et conditions chroniques, ne peut conduire qu'à des résultats médiocres et désespérants pour les soignants comme pour les travailleurs sociaux.

Pour revenir sur la grande fragmentation française, citons Pierre Gauthier:

« L’action sanitaire et sociale, une transmission en danger », Empan, 2015/4 (n° 100), p. 15-23. Url : https://www.cairn.info/revue-empan-2015-4-page-15.htm

"le paysage sanitaire et médicosocial a été empoisonné pendant au moins vingt ans par le jeu combiné des lois Boulin du 31 décembre 1970 et « sociale » du 30 juin 1975, coupant le champ des politiques hospitalières du champ médicosocial. Cette dichotomie était directement inspirée par le souvenir honteux laissé par la prise en charge des personnes handicapées dans les hospices et les hôpitaux psychiatriques. Mais à la longue elle a conduit à des conflits négatifs de compétence dont furent victimes des catégories entières de malades qui relevaient à la fois de soins et d’un accompagnement social : malades mentaux stabilisés, personnes victimes de traumatismes crâniens, autistes. Je n’hésite pas à dire que les retards pris dans notre pays dans ce dernier domaine lui sont directement imputables (au-delà de la prévalence excessive d’une approche doctrinale). Cette coupure, peut être inévitable au début mais devenue perverse et gravement nuisible, a été abrogée progressivement dans les textes à partir du milieu des années 1990, puis dans une des ordonnances Juppé. On peut craindre que cette coupure, abrogée dans les textes, subsiste dans les têtes malgré l’affirmation très forte du principe de la fongibilité asymétrique qui ne peut que « doper » le secteur médicosocial (...)"

20 ans seulement? Gauthier semble ici très optimiste. Ni la loi HPST ni la "déconcentralisation", comme la nomme si bien Frédéric Pierru, n'ont rien changé à la fragmentation institutionnelle, financière et culturelle dénoncée par les rapports (dont le rapport Larcher) qui ont conduit à la création des ARS.

Nous ne pouvons que partager ce constat de Gauthier, y compris la prévalence excessive de l'approche doctrinale!

samedi 30 mai 2020

Ségur de la santé : en finir avec le grand désenchantement des professionnels de santé?


"...le néo-libéralisme ne saurait en aucune façon être assimilé au moins d'Etat. Il est au contraire une rationalité politique originale qui confère à l'Etat la mission de généraliser les relations concurrentielles et la forme entrepreneuriale y compris et surtout au sein de la sphère publique." Frédéric Pierru.





La faute à Voltaire ou à Rousseau?


D'où vient le grand blues de l'hôpital, aujourd'hui sur le devant de la scène au risque de masquer les questions clés qui se posent à notre système de santé quel que soit le secteur et le mode d’exercice ? 

Les questions fondamentales relatives à la gouvernance de l'hôpital et du système de santé n'ont pas changé, les mêmes schémas de pensée reproduiront très vire les mêmes effets si l'on y prend garde.

Faut-il se limiter à éteindre le feu dormant de la "gilet-jaunification" de l'hôpital par un énième replâtrage centré sur le capacitaire en lits aigus et la rémunération, certes indispensables ? 

Faut-il centrer la réflexion sur l'hôpital aigu quand l'effondrement stupéfiant des soins ambulatoires, à domicile et dans le secteur médico-social n'est pas encore évalué dans ses impacts économiques, sanitaires et sociaux ? 

Ne faudrait-il pas plus profondément chercher à lutter contre le grand désenchantement de la santé, bien au-delà de l’hôpital ? 

1. Est-ce la faute à la T2A ou au paiement à l'acte ? N’est-ce pas le plus commode des boucs émissaires pour ce qui n’est qu’un mode d’allocation de ressources certes en silo, très mal ficelé et sous enveloppe fermée ? 

2. Est-ce la faute au rationnement inavoué et inégalitaire par une technocratie au service de l'ajustement, qui prétend fonder en raison l'ONDAM, le mythe du trou de la sécu et justifier l'effroyable fragmentation conceptuelle, institutionnelle et financière de notre système de santé ? 

3. Est-ce la faute à la gouvernance publique et la mise en oeuvre du Nouveau Management Public, qui déploie un système de performance inconsistant, depuis la LOLF, ses missions, programmes et actions jusqu’aux indicateurs myopes servant de tableau de bord aux activités cliniques ? N'induisent-ils pas désespoir et perte de sens ? Est-ce la faute aux pseudo-marchés administrés selon André Grimaldi et Frédéric Pierru ? 

4. Est-ce enfin la faute de la rigidité de la bureaucratie wébérienne, au service de ses agents et paralysée par des statuts qui empêchent de gérer enfin l'hôpital comme une entreprise (Guy Vallancien, Gérard Vincent...). Bref sommes-nous allés assez loin dans le NMP ou faut-il continuer? 

Du meilleur diagnostic des failles d'un système sans doute polypathologique et aux multiples défaillances fonctionnelles viendra sans doute le moins mauvais traitement, qui pour le moment n'apparaît pas encore à l'horizon. 

Les quatre axes du Ségur de la santé 


En appelant de ses vœux la tenue d’un « Ségur de la santé », le chef de l’Etat a détaillé les quatre « piliers » sur lesquels devra reposer le futur plan : 

· Revalorisation des carrières et développements des compétences et des parcours professionnels à l’hôpital et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ; 

· Plan d’investissement et réforme des modèles de financement ; 

· Mise en place d’un système plus souple, plus simple, plus en proximité, en revalorisant le collectif, le sens de l’équipe et l’initiative des professionnels ; 

· Mise en place d’une organisation du système de santé fondée sur le territoire et intégrant hôpital, médecine de ville et médico-social. 

Comment faire pour que cela ne soit pas qu'un coup de com?


Pour refonder la santé et sortir du grand désenchantement qui nous accable; il faut d'abord remettre en cause le modèle  de performance publique d'où procède le gouvernement à distance par des indicateurs dénués de sens. Il faut dans le même temps réformer les concepts fondamentaux qui définissent les finalités principales du système de santé en s'appuyant sur les avancées internationales. Il ne peut y a voir de pilotage acceptable et démocratique sans système d'information alignant les besoins de santé, les moyens mis en oeuvre et la reddition de comptes sans laquelle notre système restera médiéval, organisé et financé à l'étiquette, au pouvoir d'influence et au lobbying.

Il nous faut pour cela une réforme des nomenclatures fonctionnelles et institutionnelles sans lesquelles aucun modèle de financement cohérent ne pourra voir le jour.

On peut s'inspirer de l'OMS, organisation qu'il ne faut certes pas idolâtrer, mais dont le rejet par Donald Trump la rend soudain plus sympathique. Les stratégies ou finalités fondamentales d'un système de santé qui nécessitent chacune une budgétisation, une planification de l'offre, l'allocation des ressources et un système d'information et de reddition de comptes sont les suivantes:
  1.          Promotion de la santé
  2.           Prévention : indispensable, mais attention au mythe du transfert de fonds des soins vers la prévention, ou inversion du triangle d'allocation des ressources.
  3.           Soins curatifs : diagnostiquer et traiter les maladies 
  4.           Réadaptation : optimiser activités et participation selon projet de vie des personnes
  5.           Soins palliatifs
  6.           Soutien social en termes d’assistance à la vie autonome et de soutien à l’inclusion sociale.

Webographie sur le Ségur de la Santé : 















lundi 13 avril 2020

Fragmentation socio-sanitaire: une catastrophe dans la catastrophe sanitaire


La pandémie COVID 19 porte-t-elle une dynamique de changement dans l'action publique?




Comment expliquer à l'aune des comparaisons internationales l'absence de politique de réadaptation en France? Cette politique reste largement un OVNI ou objet de valorisation non identifié.

La pandémie COVID 19 porte une dynamique de changement social. La défragmentation de notre système socio-sanitaire semblait impossible, mais le cloisonnement idéologique, institutionnel et financier multiplie les pertes de chances pour les personnes âgées et/ou handicapées.

Ce constat impose d‘interroger le chemin de dépendance historique qui nous a conduit à cette catastrophe dans la catastrophe sanitaire. Trois articles peuvent conduire à un diagnostic partagé pour construire enfin une politique du handicap reconnectée aux politiques de santé.

1 La dépendance ou la consécration française d'une approche ségrégative du handicap Thomas Frinault


2 Les conceptions du handicap : du modèle médical au modèle social et réciproquement… Jean-Pierre Marissal


3 Modèles individuel, social et systémique du handicap Patrick Fougeyrollas





samedi 15 juin 2019

La crise des urgences, symptôme de l'immobilisme des politiques de santé



« L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter. » Edgar Faure




Un système à bout de souffle


La crise sans précédent des urgences est le symptôme d’un système à bout de souffle et la partie émergée de la souffrance des professionnels de santé de tous les secteurs. Il est frappant d’entendre les mêmes incantations médico-gestionnaires, redondantes, itératives et monotones, prôner des remèdes qui ont échoué depuis des décennies. La France, dans son superbe isolement, persiste à ignorer les cadres conceptuels internationaux de santé publique. En période d’ajustement et de rationnement des soins il est pourtant essentiel de les appliquer aux pays à haut revenus.

Ces erreurs de gestion ne sont pas nouvelles. Galbraith dans "le nouvel état industriel" dénonçait les méfaits des technostructures et des filières inversées qui asservissent dans une chaîne de production les opérateurs d'aval à la fonction de production de l'amont au détriment des besoins des bénéficiaires. Pas de bonne standardisation sans personnalisation, encore faut-il se demander quels sont les nouveaux déterminants des soins urgents ou non et de l'hébergement hospitalier, voire de nos missions d'assistance publique.

Evolution de la demande et des besoins: fonctions et stratégies de santé


Le vieillissement de la population, les maladies chroniques, les polypathologies et les limitations multifonctionnelles à risque de handicap qui les accompagnent ont conduit l’organisation mondiale de la santé (OMS) à promouvoir cinq stratégies fondamentales de santé : la promotion de la santé, la prévention, le traitement des maladies, la réadaptation et les soins palliatifs. L’OMS définit en particulier la réadaptation dans le rapport mondial sur le handicap de 2011[1] comme « un ensemble de mesures qui aident des personnes présentant ou susceptibles de présenter un handicap à atteindre et maintenir un fonctionnement optimal en interaction avec leur environnement ».

En lien avec ces stratégies le système international des comptes de la santé (ICHA)[2] comporte une classification des prestataires (ICHA-HP), une classification des fonctions (ICHA-HC) et une classification des modèles de financement (ICHA-HF). 

La nomenclature fonctionnelle du système international des comptes de la santé (ICHA.HC) définit les grands objectifs ou fonctions de production transversales aux secteurs institutionnels qui structurent les systèmes de comptabilité nationaux. Ces fonctions sont reliées aux stratégies de l’OMS dans le tableau ci-dessous

Nomenclature fonctionnelle de l’ICHA-HC (OCDE)
Stratégies de santé (OMS)
HC.1 : Services de soins curatifs
Augmentation des maladies chroniques, des patients polypathologiques et des maladies non transmissibles
Soins curatifs
Stratégie curative
HC.2 : Services de soins de réadaptation
Augmentation des limitations fonctionnelles et restrictions d’activités. Intention principale : optimiser les fonctions organiques et les activités
Soins de réadaptation
Stratégie de réadaptation
HC.3 :  Services de soins de longue durée
Augmentation des besoins d’assistance dans les activités de vie quotidienne, élémentaires et instrumentales (ADL et IADL)
Fragilisation des réseaux familiaux et sociaux de soutien
Frontières complexes avec l’action médico-sociale et sociale
Soins d’assistance à la vie quotidienne
Stratégie de soutien
HC.4 : Services de support aux soins de santé
HC.5 : Biens médicaux délivrés à des patients ambulatoires
HC.6 : Services de prévention et de santé publique
Modification des comportements et des facteurs de risques
Prévention
Stratégie préventive
HC.7 : Administration de la santé et assurances santé
Fonction de production composite
Soins palliatifs
Stratégie palliative

Service est entendu au sens économique de production de biens et de services, non au sens institutionnel.

Vers des prestations mieux intégrées


Les malades viennent aux urgences, comme vers les autres prestataires, avec des besoins intriqués au regard de ces finalités fondamentales, mais le modèle de production imposé aux hôpitaux fait d’une finalité curative principale la finalité unique de l’hôpital, incitant à externaliser les autres réponses. Il est source de perte de sens.

1. Les besoins et la demande des patients ont changé de même que les capacités de réponse d’un système de santé sous tension en période d’ajustement budgétaire
  • Les situations aiguës aboutissant à des guérisons sans séquelles après un traitement court sont plus rares (pneumopathie, appendicite, fracture simple...)
  • Les événements aigus inaugurant des conditions chroniques handicapants sont plus fréquents, allongeant la durée des épisodes de soins (AVC, lésions médullaire, infarctus du myocarde, amputation, polytraumatismes …).
  • Les événements aigus compliquant des états chroniques et /ou polypathologiques rendent inopérante une vision en filière hospitalo-centrée des parcours (conditions évolutives ou stabilisées liées à des affections du système nerveux, appareil locomoteur, cardiaques, respiratoires, en santé mentale etc.).
2. Les finalités de soins sont multiples. Les réponses aux besoins doivent être coordonnées et continues, ni cloisonnées en silos institutionnels, ni juxtaposées dans le temps : prévention, soins curatifs, réadaptation, assistance aux AVQ en lien avec le soutien social. Il faut mieux intégrer les dimensions synchroniques et diachroniques.

3. La rareté des ressources et les innovations technologiques imposent un système accessible et gradé. Les patients doivent avoir un accès égal aux soins dans tous les territoires et simultanément doivent pouvoir, dans une logique de pertinence, avoir accès au bon niveau de soins en temps opportun dans tous les secteurs : proximité, recours et référence. Il convient de sortir d’un modèle compassionnel d’accès à tous pour tous, incapable de répondre aux besoins. D'un autre coté il s’agit de s’affranchir d’un modèle de production exclusivement étio-pathogénique et curatif, laissant à la charge de l’aval les autres fonctions de production. La pertinence des prestations devra s’appuyer sur un système d’information identifiant les finalités fondamentales.

Finalité
Système d’information

Fragmentation entre secteur sanitaire et action sociale
Prévention
Facteurs et comportements à risques
Facteurs socio-environnementaux

Besoins de soutien social, d’accompagnement et de compensation du handicap
Soins curatifs (HC.1)
Diagnostics et sévérité, actes et procédures marqueurs
Réadaptation (HC.2)
Statut fonctionnel : capacités selon la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF), échelles de complexité des besoins ; actes et programmes de soins marqueurs
Assistance AVQ (HC.3)
Statut fonctionnel : capacités selon la CIF

Les finalités de soins aux patients se composent différemment selon les secteurs du système de santé. La planification et la gradation des soins n’épousent pas la même logique de spécialisation des fonctions de production en aigu, en SSR et dans les autres secteurs. En France, le secteur des soins aigus est assimilé à la fonction de production des soins curatifs, tandis que le champ institutionnel post aigu / subaigu des soins de suite de réadaptation (SSR) est confondu avec la fonction de réadaptation. L’intégration de l’aval par l’amont épouse le modèle industriel d’une chaîne de valeur linéaire et trop purement curative des parcours hospitaliers et ambulatoires. Elle conduit à la réduction de la qualité des soins pour les patients et à la destruction des compétences relatives aux autres finalités fondamentales.

Perspectives


Le cercle vicieux de nos politiques de santé peut être représenté par la figure présentée au début de cet article[3]. Le rationnement des soins, le modèle de l’usine à soins curatifs, le dogme de la réduction des lits, les difficultés d’adaptation de la médecine ambulatoire et l’abîme entre secteurs sanitaire et secteur de l’action sociale s’y conjuguent dans une synergie négative dont les mythes doivent être questionnés.

Le plan "ma santé 2022" et la loi de santé ont pris la mesure de la fragmentation des parcours et des méfaits d'une organisation en silos dont le financement redouble les incitations à la non coopération. Pour aboutir à une cohérence entre planification, budgétisation, allocation des ressources et contrôle de gestion, elle devra se résoudre à bien identifier les dimensions institutionnelles, fonctionnelles et financières d’un système qu’elle souhaite accessible, solidaire, soutenable, pertinent et adapté aux nouveaux besoins. Il lui faudra relier les finalités fondamentales des soins de santé à l'allocation des ressources tout en favorisant la continuité pour chacune d'entre elles.

S’il vous plait, encore un effort Madame la Ministre!

[1] Rapport mondial sur le Handicap.
URL : https://www.who.int/disabilities/world_report/2011/fr/ Site consulté le 9 mai 2019

[2] OECD, Eurostat, WHO. A System of Health Accounts, OECD Publishing. 2011.
URL: http://www.who.int/health-accounts/documentation/sha2011.pdf?ua=1

[3] Traduit et adapté de : The Coming of Age: Improving Care Services for Older People (National report) – 22 Oct 1997

dimanche 27 janvier 2019

Stop au gâchis humain ! Refusons la normalisation technico-financière de nos métiers


Ubulogie clinique: appel à l'action


Vous trouverez dans le lien ci-dessous une pétition lancée hier par l’Appel des appels.
Si vous décidez de la signer, merci de faire circuler de plus largement possible.


La curatelle ou normalisation technico-financière, formule bien trouvée, est un moyen au service de l'ajustement et de la destruction de la solidarité avec pour objectif la promotion d'une protection sociale à trois niveaux selon le bureau international du travail 
1/ non contributif et low cost, un filet de sécurité universel mais très réduit en terme de panier de soins pour les pauvres, les sans emploi, les personnes âgées et handicapées.
2/ contributif et lié au travail et enfin 
3/ facultatif, assurant un niveau de protection maximale pour les plus fortunés). 

La planification, la formation des professionnels, l'organisation et le financement des soins subiront ou subissent déjà une réingénierie adaptée à ce brave new world. Le reste à charge explosera pour ceux qui tentent d'accéder à des soins de qualité, même fondamentaux, comme le traitement des maladies graves ou la réadaptation. Cette stratégie de santé internationale résolument ignorée en France et destinée à prévenir ou réduire les incapacités, est en voie d'effondrement en établissements de soins, en ville et sen secteur médico-social.

Un des dangers est de développer une stratégie en pied de flute de Champagne, la protection low cost des plus pauvres ou "précaires" cache l'effondrement des prestations aux catégories juste au dessus de ces seuils cache-misère, notamment pour les catégories improductives citées plus haut, les plus menacées en période de crise des dépenses de protection sociale.

Comme pour les stratégies de transformation du système de santé, avec l'importation du mythe des "soins primaires" combiné à celui du contrôle de gestion normalisé sous-jacent aux modèles d'organisation de la santé publique d'Alma-Ata et Ottawa, la stratégie d'ajustement conduit à proposer aux pays à fort revenu les modèles appliqués aux pays à faible revenu. 





Le managérialisme le plus primairement néo-taylorien, l'économie néolibérale la plus dogmatique, qui érigent en mythe l'efficience de la compétition régulée sur des agents modélisés en idiots rationnels (Amartya Sen), ont trouvé la complicité soumise d'un appareil idéologique de santé publique prêt à tous les compromis pour accroître sans fin pour son pouvoir d'expertise. C'est le moment de lire le dernier Mintzberg sur les mythes du management de la santé.

Il n'y a sans doute pas de complot, seulement la bêtise et les affinités électives de systèmes de pouvoirs et de coalitions d'intérêt  à courte vue, qui produisent dans un contexte de globalisation,  d'innovations en TIC et de gouvernement à distance par indicateus ce qu'André Grimaldi nomme "pensée managériale de marché", d'autres managérialisme ou "bureaucratie libérale".

Ce qui est certain, c'est que les mauvaises sciences de gestions, la mauvaise économie de la santé et la mauvaise santé publique produisent des modèles de processus, des indicateurs de résultats, des catégories comptables qui n'ont aucun sens pour les acteurs, de plus en plus déconnectés de l'outcome, ce qui compte vraiment, et qui les font souffrir comme jamais, dans un déni de liberté, de fraternité et d'égalité à la fois.
Car les acteurs, usagers, soignants et managers de santé, se rendent de plus en plus compte que ce bullshit management appliqué aux politique publiques est destiné à détruire leur organisation, la protection sociale et le service du public.

Ce sont des méthodes d'anorexie organisationnelle qui ont pour objectif la construction d'un nouveau système de protection sociale; inégalitaire et inhumain, que nous devons sans cesse débusquer et combattre.

C'est bien écrit, juste, et à diffuser, pour une régulation plus humaine et plus démocratique des dépenses, pour une bonne organisation et une bonne comptabilité (il en faut quand même) qui peuvent aussi être source de richesse!

Mintzberg Managing the Myths of Health Care Le livre


Managing the myths of health Care  l'article


Mintzberg dans le florilège des ubulogues


François Dupuy et la faillite de la pensée managériale


Esculape vous tienne en joie