Que ce soit par le poids (plume, selon les nouveaux décrets ci dessous) des CME, celui des organisations professionnelles, ou de futurs états généraux de la santé, il faudra savoir s'unir pour faire face au redoutable mécanisme volontairement asphyxiant d'un pseudo-marché fondé sur des impératifs gestionnaires qui trouve aujourd'hui son accomplissement dans la plus terrible des "concurrences encadrées" (voir pour la généalogie du modèle HPST les textes de F. Pierru).
Le modèle veut que le nouveau directeur soit laissé seul décideur et soumis au poids de la pression des restrictions budgétaires, dans un scénario tout droit issu de la nouvelle gestion publique et de l'imitation du "cancre américain", véritable "bâton à phynances" du Père Ubu et machine infernale à transferer les choix tragiques sur les établissements et les professionnels(voir le principe économique de puissance du système de financement prospectif)[1]
Le trio infernal [EPRD - T2A - enveloppes fermées] soumet le directeur au "tout incitatif" de l'agence [2] mais il faut absolument pour que la machine à perdre fonctionne à plein, qu'il ait les mains libres, d'où les nouveaux décrets. S'il n'y a pas le garde-fou de recommandations professionnelles pour les activités "médicalement justifiées" qu'on veut conserver dans un hôpital: personnel (compétences et effectifs) , locaux et équipements, alors tout est permis. Cela a commencé depuis longtemps avec les suppressions de postes de soignants au fil de l'eau.
Certes les ouvriers de la médecine, ou plutôt, dans ce modèle d'ingénierie industrielle combiné à la concurrence encadrée (ou bureaucratie libérale), les nouveaux tâcherons de la médecine n'y sont encore guère formés mais une leçon simple de Donabedian [3] s'agissant de qualité des soins est qu'il faut combiner des indicateurs de "structure", de "processus" et de "résultats"Sans indicateur de structure, c'est à dire de mise à disposition des moyens pour réaliser une activité médicale / de soins, tout le reste n'est que balivernes d'ingénieurs qualité, et contrôle externe bureaucratique destiné à déployer des indicateurs à courte vue.
Mais dans le modèle des "habits neufs d'Hippocrate" (Claude Le Pen) les nouveaux tacherons de la médecine seront guidés par les producteurs de l'EBM, concept ici instrumentalisé comme source de la nouvelle légitimité gestionnaire, la médecine étant bien entendu depuis le corpus hippocratique à la recherche de données probantes. Les "procédures" qui en sont issues descendront depuis les bureaux des méthodes et les plus hautes cimes managériales. Le but étant bien entendu de masquer le rationnement des dépenses et la résignation générale à ne pas rechercher le juste soin au juste coût, faute de cadre de référence pour les politiques publiques. Dans ce modèle néo-taylorien, conception, exécution et engagement des dépenses sont disjoints de telle sorte que la réingénierie industrielle des soins provenant de la "technostructure" est censée se déployer à partir des "projets de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques élaboré par le coordonnateur général des soins". Cloisonnement aggravé, perte de sens et d'efficacité, désarroi des professionnels, éclatement des collectifs cliniques et de leurs "coeurs de compétences" assurés et déjà constatés au quotidien.
Il est essentiel de faire ce travail de recommandations professionnelles et d'appropriation des questions de gestion, en particulier par la lutte pour l'accès, le droit de requête et d'interprétation à "Big data [4]", ces grands entrepôts de données interconnectées et censées être interopérationnelles et qui justifie la maîtrise d'une nouvelle caste de semi-habiles prompts à enfumer les décideurs , les usagers, les élus, et souvent les cliniciens trop crédules.
Ce sont eux qui poussent les décideurs à déplacer massivement l'argent du "curatif" et d'une médecine hypertechnique, voire hyperdisciplinaire jugés inefficaces et assimilés à l'hôpital vers une certaine idée de la prévention et de la santé publique [5]. Même s'il faut d'urgence promouvoir, dans un modèle enfin décloisonné, la prévention, la réadaptation et l'accompagnement social de façon tuilée et étroitement intriquée au curatif, comment oublier que l'hôpital, premier secours et dernier recours, n'est plus depuis longtemps uniquement la "machine à guérir" l'aigu et la maladie brève comme "on se la raconte" dans les lois successives et toujours plus myopes, et qu'il est bien devenu le généraliste de toutes les vulnérabilités quand se poursuivent d'interminables débats d'auto-experts quant aux distinctions des déterminants biologiques et psychosociaux de la santé. Tout cela dans l'abracadabrantesque fragmentation guerroyante des financements entre soins et social que la fameuse "fongibilité asymétrique" laissée aux ARS n'a guère de chance de réguler par ces méthodes.- Masquer le texte des messages précédents -Les comportements coopératifs ne se prescrivent pas comme ils ne se décrètent pas. Tout cela, personne ne le fera à notre place.
La "plomberie shadok" c'est de vouloir forcer la "fluidité" des filières de soins pensées comme des tuyaux verticaux issus de l'aigu et uniquement de surcroît dans le secteur hospitalier, après s'être ingénié à créer des goulots d'étranglement financiers et institutionnels dans tout le système socio-sanitaire d'aval. C'est ensuite s'enfoncer dans les délices de l'infalsifiabilité et du vérificationisme de la doctrine en croyant s'en sortir par le renforcement de la pression des incitatifs gestionnaires en même temps que l'on accroît les mécanismes économiques poussant chaque étape de la chaîne de soins à lutter pour sa propre survie.
On ne joue pas la symphonie inachevée de Schubert avec l'équipe d'un quatuor à cordes de Beethoven.Et le DRH n'a pas assez de "feuille" pour juger du "résultat". (variante diapos)
Autrement dit les couleuvres, il ne faut plus se contenter de les avaler il faut apprendre à s'en nourrir.
"La théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. Ici, nous avons réuni théorie et pratique : Rien ne fonctionne... et personne ne sait pourquoi !" Albert Einstein
Webographie
1 L’expérience américaine et la réforme de la tarification hospitalière en France – commentaire de l’article de J. Newhouse - Roland Cash, Michel Grognon, Dominique Polton
Les systèmes de paiement prospectifs, leur "puissance", les effets pervers potentiels.
http://economiepublique.revues.org/docannexe265.html
2 Boubert E. Loi HPST-L’entrée dans le paradigme du tout incitatif en question. Gestions hospitalières, 2010, 493: 74-77.
3 Donabedian, A. (1996). The quality of care : How can it be assessed ? In J.A. Schmele (Ed.), Quality Management in Nursing and Health Care (pp. 52-65). New-York: Delmar Publishers. http://www.scinf.umontreal.ca/Cours/SOI6230/Documents/Donabedian%20(1996).doc
Pas de qualité sans indicateurs de structures, de processus et de résultats. Et l'output n'est pas l'outcome!!!
Fondements théoriques et conceptuels de la gestion de la qualité des soins et services de santé - Université de Montréal. http://www.scinf.umontreal.ca/Cours/SOI6230/ 4 Big data http://www.nature.com/news/specials/bigdata/index.html
4 Big Data - Community cleverness required: http://www.nature.com/nature/journal/v455/n7209/full/455001a.html
Voir le blog de Danah Boyd et le sciences computationnelles: http://www.futurelab.net/blogs/marketing-strategy-innovation/2010/04/big_data_opportunities_computa.html
5 Propositions d’orientations pour Anasys
http://www.anasys.org/article.php3?id_article=21
Kit d'ubulogie clinique: https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/florilege-des-auteurs
Nouveaux décrets
22 Décret n° 2010-449 du 30 avril 2010 relatif à la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques dans les établissements publics de santé
24 Décret n° 2010-436 du 30 avril 2010 relatif au comité technique d'établissement des établissements publics de santé
25 Décret n° 2010-437 du 30 avril 2010 relatif à la durée de validité des autorisations d'équipement sanitaire
26 Décret n° 2010-438 du 30 avril 2010 portant diverses dispositions relatives aux communautés hospitalières de territoire
27 Décret n° 2010-439 du 30 avril 2010 relatif à la commission médicale d'établissement dans les établissements publics de santé
28 Décret n° 2010-440 du 30 avril 2010 relatif à la visite de conformité prévue à l'article L. 6122-4 du code de la santé publique
29 Arrêté du 30 avril 2010 fixant le montant et les modalités de versement de l'indemnité forfaitaire de fonction au président de la commission médicale d'établissement, vice-président du directoire
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire