« We can't solve problems by using the same kind of thinking we used when we created them" Albert Einstein
Paradigmes: « principes "supra-logiques" d'organisation de la pensée (...),principes occultes qui gouvernent notre vision du monde et des choses sans que nous en ayons conscience. Edgar Morin
1. Extrait du rapport de l'IGF sur la tarification des soins hospitaliers et des actes médicaux (sous le lien précédent; extrait de la 2ème page de la synthèse)
Le premier volet repose uniquement sur des outils tarifaires. Ces derniers auraient pour vocation à poursuivre l'objectif d'optimisation du système de production des soins et donc de la répartition équitable des financements; les tarifs seraient conformes aux coûts efficients des établissements sans aucune correction; la CCAM cible serait actualisée pour venir s'inscrire dans une démarche plus globale de la CNAMTS.*
Le second volet repose sur des mécanismes complémentaires aux outils tarifaires orientant davantage le financement vers les besoins . Ils viseraient à financer:
- Les activités sous-efficientes et justifiées au sein de missions d'intérêt général mieux encadrées. (c'est nous qui soulignons)
- La restructuration des établissements en finançant transitoirement une sous efficience non justifiée en la mettant sous pression budgétaire
- Une politique de qualité de pertinence et de coordination des soins, notamment via un fond d'intervention régionale. »
Avant de lire le "commentaire", ami lecteur, je te conseille vivement de mesurer l'ampleur des dégâts de cette pensée mutilante et unidimensionnelle qui ne pouvait conduire qu'à des actions mutilantes:
La qualité des hôpitaux français est-elle en train de s’effondrer ? Par Nicole Delépine
Il n'y a pas que l'hôpital: voir le post de Fluorette - et la Lettre du Dr Arielle Salon à Marisol Touraine
« Plus grave encore est l’absence d’identification du dévoiement actuel de l’Assurance-Maladie. Son directoire issu des assurances privées se cache derrière le masque d’une sécurité sociale solidaire ; il cumule un management libéral contre-productif (chasse truquée aux arrêts de travail, falsification des chiffres, harcèlement des médecins généralistes), avec l’escroquerie intellectuelle généralisée et le gouffre financier que constituent ses programmes d’éducation thérapeutique aussi inutiles que mal évalués. (...) Le « payeur aveugle » des années 80-90 s’est transformé en donneur d’ordre incompétent »
2. Commentaire
Le second volet vise à répondre aux besoins? Ceci voudrait dire que le premier mécanisme ne l'est pas, lui, orienté vers les besoins? Bien curieuse vision de l'économie de la santé ou aveu involontaire de la logique de rationnement des soins que porte en elle cette pauvre conception de l'action publique?Quelles sont donc "Les activités "sous-efficientes nécessaires et justifiées"?
L'intelligence aveugle du modèle de performance publique, joint à la pensée classificatoire et disjonctive privilégie ce qui est simple, aisé à codifier et à tarifer. Elle ignore par construction même les déterminants de santé complexes, ceux qui explicitent les causes réelles de l'hospitalisation, les situations de rupture des système de soins et d'aide qui font exploser les urgences, les maladies chroniques et le processus de production du handicap. Faire fi à ce point et à contre-évidence de la transition épidémiologie, démographique et sociologique en amputant d'emblée toute possibilité de repenser les priorités de santé publique dans la perspective de la défragmentation de l'organisation et du financement de l'action publique est une erreur radicale des politiques publiques de santé françaises. Inertie politique avant tout.
La réadaptation: une catégorie perdue de l'action publique
Activités sous efficientes et justifiées? Il s'agit notamment de la réadaptation, la grande oubliée des politiques publiques depuis que les lois de 1970 et 1975 l'ont irrémédiablement dissociée en France des politiques de lutte contre le handicap.
La réadaptation n'est plus une catégorie de l'action publique en France. Quelle que soit son intensité, sa complexité et les compétences requises, elle n'est plus reconnue comme priorité de santé, tant pour les soins les plus techniques, comme pour la réadaptation après attaque cérébrale, après cérébro-lésions graves, lésions de la moelle épinière, traumatismes complexes, brûlures étendues, amputations ou grands rhumatismes déformants, que pour les savoir-faire étroitement associés, développés pour la réintégration sociale et la promotion de l'autonomie fonctionnelle et sociale. N'étant plus identifiée, la réadaptation ne sera ni organisée, ni graduée en tant que telle, ni financée à hauteur des besoins de soins. L'effondrement des SSR français, l'impasse d'autorisations SSR conçues dans une perspective essentiellement financière pour segmenter les séjours aigus et l'impasse ubuesque du modèle de tarification en SSR pour une ATIH laissée sans pilote politique en sont la triste conséquence. Comment cela a-t-il été possible? Parce que dans le paradigme de "vie autonome" à la française, les abstractions "d'en haut" ont pensé qu'il fallait protéger la personne handicapée et son "projet de vie" de toute démarche intégrative issue du monde médical. Il fallait en même temps, selon le modèle managérialiste triomphant, recentrer l'hôpital et son système d'informations sur ses fonctions de "machine à guérir" pour pouvoir industrialiser les process du nouvel hôpital-entreprise. "L'usine à soins", absurdité inhumaine promue avant tout par les politiques de santé plus que par le modèle "bio-médico-technique" que les pompiers pyromanes imputent aujoud'hui aux seuls médecins, a ainsi abandonné sans filet de sécurité, et sans système d'information pour les rendre visibles, tous ceux qui n'avaient pas les habiletés fonctionnelles et sociales suffisantes pour se mouvoir seuls ou trouver les accompagnements toujours plus raréfiés et cloisonnés dans le labyrinthe créé par les nouvelles failles entre soins et social. Bien pire, cette pensée mutilante et bien de chez nous de l'énarchie de santé publique en est venu à occulter la partie sanitaire de la réadaptation, le terme persistant, dénué de tout sens opérationnel et, là encore à contre-évidence cantonné au post-aigu, dans l'expression Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).
Au contraire, la réadaptation est le plus souvent, à l'international, étroitement intriquée aux soins aigus, à l'accompagnement social de la dépendance, à l'intégration sociale et à la promotion de la vie autonome avec les parties prenantes. La réadaptation doit certes viser à s'effacer au fil du temps, activation et empowerment visant à permettre aux personnes de ne plus dépendre, ou le moins possible et en gérant leurs propres choix, des système de soins et d'aides. Ce qui serait raisonnable, ce serait de trouver un équilibre harmonieux au quotidien, dans les territoires, entre les deux approches intégrative et participative du handicap, entre "réadaptation" et "vie autonome". La technocratie française, toute de disjonctions, de réductions et d'abstractions, en est-elle capable?
La réadaptation n'est plus une catégorie de l'action publique en France. Quelle que soit son intensité, sa complexité et les compétences requises, elle n'est plus reconnue comme priorité de santé, tant pour les soins les plus techniques, comme pour la réadaptation après attaque cérébrale, après cérébro-lésions graves, lésions de la moelle épinière, traumatismes complexes, brûlures étendues, amputations ou grands rhumatismes déformants, que pour les savoir-faire étroitement associés, développés pour la réintégration sociale et la promotion de l'autonomie fonctionnelle et sociale. N'étant plus identifiée, la réadaptation ne sera ni organisée, ni graduée en tant que telle, ni financée à hauteur des besoins de soins. L'effondrement des SSR français, l'impasse d'autorisations SSR conçues dans une perspective essentiellement financière pour segmenter les séjours aigus et l'impasse ubuesque du modèle de tarification en SSR pour une ATIH laissée sans pilote politique en sont la triste conséquence. Comment cela a-t-il été possible? Parce que dans le paradigme de "vie autonome" à la française, les abstractions "d'en haut" ont pensé qu'il fallait protéger la personne handicapée et son "projet de vie" de toute démarche intégrative issue du monde médical. Il fallait en même temps, selon le modèle managérialiste triomphant, recentrer l'hôpital et son système d'informations sur ses fonctions de "machine à guérir" pour pouvoir industrialiser les process du nouvel hôpital-entreprise. "L'usine à soins", absurdité inhumaine promue avant tout par les politiques de santé plus que par le modèle "bio-médico-technique" que les pompiers pyromanes imputent aujoud'hui aux seuls médecins, a ainsi abandonné sans filet de sécurité, et sans système d'information pour les rendre visibles, tous ceux qui n'avaient pas les habiletés fonctionnelles et sociales suffisantes pour se mouvoir seuls ou trouver les accompagnements toujours plus raréfiés et cloisonnés dans le labyrinthe créé par les nouvelles failles entre soins et social. Bien pire, cette pensée mutilante et bien de chez nous de l'énarchie de santé publique en est venu à occulter la partie sanitaire de la réadaptation, le terme persistant, dénué de tout sens opérationnel et, là encore à contre-évidence cantonné au post-aigu, dans l'expression Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).
Au contraire, la réadaptation est le plus souvent, à l'international, étroitement intriquée aux soins aigus, à l'accompagnement social de la dépendance, à l'intégration sociale et à la promotion de la vie autonome avec les parties prenantes. La réadaptation doit certes viser à s'effacer au fil du temps, activation et empowerment visant à permettre aux personnes de ne plus dépendre, ou le moins possible et en gérant leurs propres choix, des système de soins et d'aides. Ce qui serait raisonnable, ce serait de trouver un équilibre harmonieux au quotidien, dans les territoires, entre les deux approches intégrative et participative du handicap, entre "réadaptation" et "vie autonome". La technocratie française, toute de disjonctions, de réductions et d'abstractions, en est-elle capable?
C'est la grande fragmentation socio-sanitaire qui a créé les "Français du département" et les "Français de l'Etat" et qui a en même temps conçu l'hôpital comme simple "machine à guérir". Elle est devenue fragmentation culturelle, institutionnelle et financière (expression du rapport Larcher, qui avait des constats justes mais de bien mauvaises solutions... mises en oeuvre dans la loi HPST)
Cet effondrement tranquille de la politique de réadaptation française impacte aujourd'hui toutes les maladies et états chroniques handicapants quelle qu'en soit l'étiologie et à n'importe que âge.
L'Organisation des Nations Unies, l'OMS et le conseil de L'Europe (voir 3.10. Ligne d’action n° 10 : Réadaptation) incitent pourtant à ne pas dissocier politiques de réadaptation et de participation des personnes handicapées . Exception ou mal français?
Et par qui seraient-elles encadrées?
Par une assurance maladie obligatoire exsangue et par des assurances complémentaires qui n'ont qu'une idée commune, c'est de les "dé-justifier" en en masquant la nécessité, progressivement, et depuis au moins quatre décennies? Nul doute que partout, la réadaptation, dans tous ses aspects coûteux (ou "sous efficients" car non captés par le modèle), tend à être exclue du panier de soins. Elle dépendra comme aux USA, pour ce "reste à charge" là, d’éventuelles complémentaires inaccessibles à la majorité des patients.Lire "ces américains soigné par tirage au sort": est-ce cela que nous voulons? Non!
Quel sens donner sinon à l'effroyable fragmentation des enveloppes socio-sanitaires qu'on masque par les incitations gestionnaires et gesticulantes à la coordination de gaps dont on accuse les acteurs? Les agences régionales viendraient, nous dit-on, les résoudre par leurs incitations gestionnaires, leurs "coordinateurs de filières", à moins que ce ne soient des envoyés de la "sécu" chargés d'orienter à la place des inefficients hospitaliers les patients à la sortie de l'hôpital. Comment accepter ce discours alors qu'on a privé nos équipes, par l'effet des variables d'ajustement sous asphyxie financière, de presque tous les moyens médicaux, paramédicaux et sociaux de prévention du handicap évitable et d'intégration des soins pour les maladies chroniques (exemple du PRADO)?
Balivernes! Plus c'est gros plus ça passe?
Vous avez dit coordination?
La coordination, mot problème plus que mot solution, doit émerger du terrain, des acteurs qui connaissent le territoire, ses malades et ses ressources, qui savent y assembler les compétences et en connecter les multiples réseaux. Méfions nous surtout des réseaux à pilotage trop centralisé et descendants et de la course aux enveloppes fléchées, qui ne suscitent que la défiance et la division pour la survie.« Est-ce que j'ai une gueule d'activité sous-efficiente nécessaire et justifiée?» aurait dit Arletty dans "Hotel du Nord"
Que faire?
Une atmosphère bien délétère assurément. Peut-on améliorer la situation?Oui, en améliorant l'intelligence collective de la situation, aux différents niveaux de gouvernance. A condition:
Que les usagers, leurs associations, les professionnels et les élus cessent de se laisser abuser par les faux résultats produits pour masquer la réalité de la destruction des soins de santé.
Qu'ils se posent avant d'aller se faire soigner dans une structure libérale ou hospitalière quelques questions simples:
« Y trouverai-je les compétences (en qualité et quantité), les installations et les équipements dont j'ai besoin au regard des meilleures pratiques? Serai-je informé et associé au programme de soins? »
Ils ne trouveront les réponses ni dans les palmarès du Point, ni dans les indicateurs de la Haute Autorité de Santé, ni sur les sites de la fausse qualité et des indicateurs myopes dont parle Nicole Delépine (exemple site PLATINES).
« Insanity: doing the same thing over and over again and expecting different results. » Albert Einstein
Note JPD: dans la même logique va se déployer l'ubuesque et si chronophage CSARR, Catalogue Spécifiques des Actes de Rééducation et Réadaptation en SSR; "inoptimisable" pour le public qui n'est pas organisé pour bien coder cette usine à gaz plutôt promue par les gros centres privés non lucratifs, ni pour les petites structures privées
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