vendredi 6 mai 2011

Deux modèles pour l'hôpital - Expansion de la sophistique managériale - Fatigue des élites



"Plus l'individu calculateur est supposé choisir, plus il doit être surveillé et évalué pour obvier son opportunisme foncier et le forcer à conjoindre son intérêt avec celui qui l'emploie." Pierre Dardot et Christian Laval - La nouvelle raison du monde.

« Il y a autant d’autonomies que d'omelettes et de morales : omelette aux confitures, morale religieuse ; omelette aux fines herbes, morale aristocratique ; omelette au lard, morale commerciale ; omelette soufflée, morale radicale ou indépendante, etc. L'Autonomie, pas plus que la Liberté, la Justice, n'est un principe éternel, toujours identique à lui-même ; mais un phénomène historique variable suivant les milieux où il se manifeste. » Paul Lafargue

1. Radicalisation entrepreuneuriale et compétitive versus hôpital intégré aux territoires

"La parole dépourvue de sens annonce toujours un bouleversement prochain. Nous l'avons appris. Elle en était le miroir anticipé." René Char

Les prochaines élections à la commission médicale d'établissement (CME) de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) verront s'affronter deux modèles radicalement opposés pour l'hôpital public. Devenue essentiellement consultative depuis la loi HPST qui a mis en place "un seul patron à l'hôpital", le directeur, la CME reste, pour peu qu'elle favorise enfin les flux d'information appropriés et l'intelligence collective entre les différents niveaux de gouvernance, un lieu d'expression vital des discordances de plus en plus délétères pour la réponse aux besoins de soins entre le sens de l'activité médicale et les objectifs déployés par les gestionnaires. Examinons ces deux idéaux-types:

Le modèle CHU centré - radicalisé, est contraint d'accepter un "pacte faustien" négociant la légitimité scientifique contre l'abandon de ce qu'est l'activité médicale à la gouvernance entrepreneuriale. Celle-ci repose sur la diffusion du managérialisme et de la concurrence encadrée dans le secteur public, piliers de la nouvelle gestion publique déployée dans la loi HPST. La financiarisation, la T2A et le financement de la recherche poussent avec la transition technologique à cette radicalisation court termiste de l'hôpital expert, ultra-différencié en tuyaux d'orgue et en mille-feuille bureaucratique, mais sans les indispensables mécanismes intégrateurs qui doivent être proportionnels à la différenciation de toute organisation.
L'offre de soins, dominée par les logique top down de planification ne peut dès lors, hélas par construction, y être la recherche de ce qui est "médicalement justifié", qu'on aborde ce concept selon l'optique de la maladie, de la santé publique ou encore plus largement dans le cadre de la protection sociale. Dans ce modèle, l'offre ne peut être que le résultat d'une sorte de sélection naturelle et compétitive des projets dont le micro et méso management auront assuré la survie, surtout grâce à une technicité opportuniste d'acquisition des ressources. Ce n'est pas la moindre des contradictions de cette bureaucratie concurrentielle. Elle ne cesse de décliner des priorités de santé et d'organisation imposées d'en haut, dans une cécité des besoins induite par la fragmentation et génératrice d'inégalités d'accès aux soins, en particulier pour ce qui concerne les soins périodiques, continus et complexes. Elle se déploie dans la contre-productivité effarante du cadre théorique microéconomique dominant d'une motivation de acteurs qui ne sait attendre le salut que du principe universel de la concurrence. Les nouvelles normes de cet univers de compétition généralisée laissent mourir des activités de soins de proximité ou de recours qui ne seront plus assurées par personne dans de nombreux territoires, faute d'être rentables. Cela se fait à l'insu des politiques publiques, faute d'une vue d'ensemble, d'un consensus suffisant, d'un diagnostic partagé porté par une véritable intelligence territoriale sur le décalage entre ce qui est et ce qui devrait être. Fin du service public hospitalier, dilution de la notion "d'intérêt collectif" dans la vente par appartements de la protection sociale et la déconstruction de la solidarité?

L'hôpital intégré, à un réseau à pilotage décentralisé est fondé sur une vision partagée de la "chaîne de valeur" du soin, du "prendre soin" dans une acception large du terme, qui cherche à concilier modèle médical, modèle protectionnel et modèle de l'activation des plus vulnérables. Non sur cette effroyable gestion des ressources humaines dont nous avons accepté la novlangue, les dogmes et les modèles mentaux, de "l'entreprise de soi" de l'homme-soignant-professionnel de santé compétitif, enjoint à l'auto-structuration en vue d'attitudes de comportements et de compétences conformes aux attentes du management entrepreneurial et de sa nouvelle division du travail.
Ce modèle "intégré" de l'hôpital doit au contraire concilier clinique, centrée sur la relation médecin-patient dans un système clinique - soins, enseignement, recherche - où elle peut se déployer, santé publique qui ne peut reposer que sur des évaluations et des indicateurs d'actions collectives bien différents de ceux de la clinique, et économie puisqu'il faut bien admettre que les ressources sont rares et que l'optimisation n'est pas un vain mot. (Voir intégration des soins - Contandriopoulos)
Il tend à lutter contre la fragmentation institutionnelle et culturelle (rapport Larcher page 13), "entre le domaine sanitaire et le domaine social et médico-social". Le rapport se fait beaucoup plus discret sur les causes financières, dont l'aléa moral et la sélection adverse liés à la tarification à l'activité (sélection des patients, réduction des séjours, baisse de qualité des soins, transferts de soins et de charge vers d'autres secteurs, trous dans l'offre de soins) de la fragmentation et de la discontinuité de l'offre, toujours dénoncées, mais jamais réduites, alors que les plaques tectoniques de la protection sociale, l'assuranciel, l'assistanciel et le traitement social des nouvelle "vulnérabilités" ne cessent de s'écarter au détriment de l'accès aux soins.
Graduation géo-démographique des soins - proximité, recours et référence - ouverture des frontières fermées de ce qui est hospitalo-universitaire à ce qui en était exclu, principe de subsidiarité et péréquation des coûts et des profits le long de la chaîne de soins, travail en "réseau de confiance", autonomie respectant les valeurs du soin et imputabilité sur des résultats cliniques partagés entre parties prenantes légitimes des secteurs sanitaires et sociaux, limitation des gradients d'autorité inutiles et stérilisants l'action publique, doivent en être les grands axes.

"Rien d'important ne se définit par ses frontières." E Morin

Mais si "l'autonomie" n'est que le soleil trompeur du nouveau management public, elle devient manipulation et sophistique managériale. L'activité médicale poursuit des buts, adopte des règles, cherche à promouvoir des valeurs. Les buts définissent en général l'objet d'une activité. Les résultats cliniques à long terme, attendus par les médecins, les soignants en général, et qui donnent sens à leur action pour les patients angoissés qui leur font confiance, ne sont pas les objectifs attendus par le management, dictés par l'ingénierie financière conséquence de la religion du pseudo-marché institué par l'Etat. La logique gestionnaire devenue toute puissante ne laisse comme seule marge de manœuvre que les moyens pour satisfaire ses propres objectifs, et encore a-t-on de plus en plus affaire à des contrats d'objectifs sans garantie de moyens. Cette autonomie-leurre justifie que les acteurs, soignants et soignés, enjoints à s'auto-déterminer, à devenir entrepreneurs d'eux-mêmes, à se concevoir et se comporter comme "centre de profit" tout en travaillant leur "employabilité", sont conduit en réalité à intérioriser la norme managériale en s'imaginant libres. En l’absence d'atteinte des objectifs du management, ils seront jugés, dans la reddition de comptes (accountability), seuls responsables de leur échecs.

2. Sophistique managériale, manipulation et bureaucratisation des esprits - comment expliquer que les médecins se soient si aisément convertis à la novlangue du vocabulaire entrepreneurial.


Lost in management - François Dupuy (Dupuy en ligne)

http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/02/07/lost-in-management-par-francois-dupuy_1476126_3234.html

L'effarant bond en arrière du management

http://www.lesechos.fr/management/idees-neuves/0201287001249-l-effarant-bond-en-arriere-du-management.htm

Le management peut-il ré-enchanter le monde? France Culture - Du grain à moudre - Le podcast:

http://www.franceculture.com/emission-du-grain-a-moudre-le-management-peut-%E2%80%93il-reenchanter-le-monde-du-travail-2011-04-25.html


« RESEAUX AMBULATOIRE ET HOSPITALIER : ARTICULATIONS »

Un résumé qui s'applique parfaitement au système français:
1. Une offre de soins aussi « discontinue » que « saturée »
2. Un manque de lieux de vie aux exigences réduites
3. La dérive managériale de la gestion des problèmes de santé (mentale) - j'ai ajouté les parenthèses.

"la « contractualisation thérapeutique » et le renforcement des exigences subjectives qu’elle emporte, en particulier, témoigne de l’emprise croissante du discours managérial sur l’organisation des pratiques et sur les représentations des patients qui modélisent les dispositifs de soins de santé"...
"la santé physique et mentale serait désormais considérée comme un capital individuel dont la personne dépositaire doit justifier la rentabilité, ou au minimum la mise en valeur vis-à-vis de la société."


La fabrique des populations problématiques par les politiques publiques

La vulnérabilité comme catégorie de l'action publique


3. Ubulogie de l'encadrement

Je vous invite à parcourir les textes de Marie-Claire Chauvency qui explore le nouveau management hospitalier avec le regard des cadres et la lecture que permet un solide arsenal conceptuel.

Entre autres textes sur "carnets de santé":
Cadre paramédical de pôle ou le miroir aux alouettes
http://www.carnetsdesante.fr/Cadre-paramedical-de-pole-ou-le
Les réformes hospitalières et leur impact sur l'encadrement infirmier

"Je définis la cour un pays où les gens
Tristes, gais, prêts à tout, à tout indifférents,
Sont ce qu'il plaît au Prince, ou s'ils ne peuvent l'être,
Tâchent au moins de le parêtre,
Peuple caméléon, peuple singe du maître,
On dirait qu'un esprit anime mille corps ;
C'est bien là que les gens sont de simples ressorts."

Les obsèques de la lionne - La Fontaine
http://ysopet.free.fr/fables_visu.php?idxfable=0814055


vendredi 29 avril 2011

Politiques publiques de santé: lost in management

"Les chaînes de l’humanité torturée sont en papier de ministère." Kafka

Au commencement était le plan de rationnement des soins.

Il fut décidé en haut lieu qu’il fallait réduire les dépenses de santé.

Il fut fait appel aux grands corps de l’Etat et à quelques habiles ingénieurs des grandes écoles

Il fut convenu qu’on utiliserait les méthodes du nouveau management public, incitations par la carotte, le bâton et le contrôle de l’asymétrie d’information selon la « théorie de l’agence ».

Et qu’on vendrait la santé et la protection sociale par appartements.

Mais il fallait d’abord persuader les usagers du bien fondé de cette politique et éteindre toute résistance chez les professionnels par le déploiement d’une ubuesque « sophistique managériale » de calculabilité, de prévisibilité et de rationalisation entrepreneuriale.

Des méthodes de management inappropriées pour n’avoir pas fait leur preuve dans le secteur privé furent appliquées dans le secteur public par des néo-managers semi-habiles au savoir-faire limité et expéditif, formés à disqualifier d'emblée le discours des experts opérationnels, qu'il soient médecins ou non. La novlangue s'installa pour modeler les esprits: la "production des soins" remplaça l'activité porteuse de son propre sens.

La concurrence encadrée par des indicateurs myopes s’édifia sur une conception pervertie de la performance puisqu’elle n’avait plus rien à voir avec les résultats cliniques qui ont du sens pour les équipes de soins.

Pire, ce management conduisit à la désintégration du seul mode d’organisation dont l’efficacité est solidement prouvée : des équipes cliniques stables, formées et motivées, construisant au quotidien une intelligence collective orientée vers la qualité des soins, réalisés en temps opportun, au juste coût, dans un parcours cohérent pour nos patients.

Nous vous convions à un petit voyage en terre kafkaienne:

http://www.lesechos.fr/management/idees-neuves/0201287001249-l-effarant-bond-en-arriere-du-management.htm

Le management peut-il ré-enchanter le monde? France Culture - Du grain à moudre - Le podcast:

2. L'hôpital malade du nouveau management public

L'hôpital public en danger

Bobigny: radiographie d'un malaise

Un hôpital dans la tourmente - Poissy-Saint-Germain

Hôpital sud-francilien - vers la Bérézina?

L'étonnante conception de la HAS et de l'Afssaps
http://www.formindep.org/L-etonnante-conception-de-la-HAS.html

Le burn out chez les médecins

"Si les faits ne cadrent pas avec la théorie, changez les faits." Albert Einstein

vendredi 22 avril 2011

I remember Fred


Dans un terrible break où l’on attendit en vain la reprise du chorus, notre ami Fred Schneider, chirurgien urologue, pianiste, trompettiste, tromboniste, compositeur et arrangeur, leader des « Jazz Passengers Combo», nous a quittés brutalement. Le dernier concert qu’il avait préparé avec cette formation sera donné sous forme d’hommage au Petit Journal Montparnasse, le 2 mai, à l’occasion de la sortie de leur album « Passage ».

Le premier nom du groupe de jazz animé par Fred Schneider fut les « Jazz May Seniors ». Le premier concert du groupe eut lieu le 23 janvier 1993, à la Sorbonne où étudiait son fils Laurent, qui l’avait organisé avec la Compagnie du mois de Mai, d’où ce nom.

J’ai connu Frédéric dans les années quatre-vingt, lors d'un "dîner de patron" à la Salpêtrière. Nous étions alors tous déguisés en mousquetaires. Les patrons, mandarins de l'époque, déguisés en bagnards portant de lourdes chaînes, étaient promenés en charrette de condamnés autour de l'hôpital. Lors du dîner costumé, il avait joué sur scène pour le spectacle du clavecin, et moi du piano.

Nous nous sommes retrouvés bien plus tard au bar du Concorde La Fayette lors de "boeufs" mémorables autour de ce merveilleux pianiste qu'était Aaron Bridgers, qui nous transmettait la mémoire vivante d'Art Tatum, de Duke Ellington et Billy Strayhorn. On y rencontrait notamment Gérald Nassif, un des membres historiques. Frédéric nous a alors invité à des répétitions mémorables dans son appartement de la place de la Porte de Champerret, où il y avait parfois cinq ou six soufflants. Puis le groupe s'est stabilisé et les concerts ont commencé. Les amitiés se sont nouées, cimentées par l'amour de la musique, du jazz et la convivialité généreuse qu'il savait si bien déployer malgré son caractère bien trempé et peu enclin aux concessions. Fred était chirurgien urologue. Sa vision chirurgicale de l'organisation se traduisait bien dans sa manière de gérer nos séances de travail. Mais c'est aussi ce caractère entier et son infatigable dynamisme animé par le souci permanent du bon arrangement, du bon tempo, de la belle couleur sonore, qui poussait chacun de nous à la régularité du travail et des répétitions. Fred savait aussi bien soigner "l'incontinence" expressive des musiciens pisse-notes qui se laissent aller à des chorus interminables. 

A chaque répétition Fred arrivait avec une nouvelle idée en tête, chamboulant le programme du concert et c'est ainsi que nous avons travaillé un nombre incalculable de nouveaux thèmes. Finalement, quelle formidable expérience ce fut, pour nous autres de la rythmique, qui devions sans cesse nous adapter à de nouveaux styles, de nouveaux accompagnements, de nouveaux accords griffonnés à la hâte, de nouvelles sonorités, sous toutes les formes et dans tous les tons. 

Le groupe cherchait depuis longtemps un nom qui lui ressemble. Il l'avait trouvé récemment avec le le formidable "Jazz Passengers Combo" qui conservait la référence à Art Blakey et à ses messengers.

Nous ne sommes que des passagers de la vie, de la musique et du Jazz, parfois en quelque sorte des passagers clandestins, puisque pour beaucoup d'entre nous, nous ne sommes que des amateurs tentant d'être éclairés, même si selon la formule de Malraux "l'art est un anti-destin".

Le passage de Fred fut trop rapide, dans la vie, dans la musique et dans le jazz qu'il aimait tant, cette musique de la nuit, "cette nuit que nous appelâmes jour"*. Il nous manque déjà terriblement.

Jean-Pascal Devailly, son collègue et ami.

Retrouvez les amis de Fred et la musique qu'il aimait tant sur le site "Jazz et plus si affinités"

Site du Jazz Passengers Combo: http://www.myspace.com/jazzmaysenior

Concert hommage du 2 mai - Petit Journal Petit Journal Montparnasse
http://petitjournalmontparnasse.com/jazz/lesjazzpassengerscombosextet-2011_05_02.html

Fred sur le net:
Au Franc Pinot, le premier musicien à prendre un chorus de trombone est Frédéric
http://www.myspace.com/jazzmaysenior/videos/video/53599717

Au Rostand - Fête de la musique


Allusions musicales

*"The night we call it a day"


"I remember you..." http://youtu.be/eayKjJwvNPw

dimanche 10 avril 2011

Veille ubulogique - Pire que le Mediator, les dommages collatéraux du Predator

"L'expertise est un pacte tacite par lequel on s'engage à ne pas dire publiquement ce qu'on pense des règles selon lesquelles on est censé se tromper".
Adapté de Cioran

L'épidémie de Nouvelle Gestion Publique qui déferle aujourd'hui sur notre beau pays de France prend des formes bien différentes selon les climats. Si l'on peu s'étonner de l'engouement des politiques de tout bord pour une doctrine qui n'a guère fait ses preuves à l'étranger en terme d'evidence based management et en particulier dans le champ de la santé, rien n'oblige, selon cette modélisation du management public, à la privatisation, en particulier à celle de pans entiers du système de soins et de l'Assurance Maladie, bref, à l’actuelle vente de l'hôpital public et de la protection sociale par appartements.

Mais en France, ce choix ayant été fait, l'Etat est devenu «prédateur» des hôpitaux publics. Etat prédateur, cela ne signifie pas qu’il vampirise les créateurs de richesse: la formule, chez J. Galbraith, désigne une puissance publique dont les mécanismes d’intervention ont été détournés de leur mission pour servir des intérêts privés. Le cas du géant de l’énergie Enron, de même que celui du lobby des assurances privées anti-sécurité sociale, sont, selon l’auteur, des ingrédients emblématiques de cet État prédateur. Il y reconnaît l’action d’une coalition «composée d’entreprises dont les principales activités lucratives concurrencent les grands services publics de l’increvable New Deal» et «qui cherchent à prendre le contrôle de l’État, pour empêcher l’intérêt public de s’y affirmer».

S’appuyant sur ce constat, J. Galbraith plaide pour une reprise en main de l’action publique.

C'est ainsi la commission d'AMM, l’Accompagnement Managérial du Marché, après sa coupable négligence dans la triste affaire du Mediator, a mis sur le marché français le plus toxique des médicaments, le "Predator", dont les effets risquent d’être bien plus délétères par ses effets sur la mortalité et de morbidité que ceux du Mediator. Ce dernier a pourtant fait la une des médias comme dérive exemplaire d’un management absurde du système de santé. Si cette nouvelle décision ubuesque de mise sur le marché est si dangereuse c'est que le Predator potentialise le caractère pathogène du virus HPST, mutant de la variante française RGPP issue de la souche primitive NGP.

C’est le résultat des travaux d’ingénierie biopolitico-managériale sur le génome viral menés par les « éthiconomes », ces promoteurs du "grand chef-d'oeuvre industriel » conçu par une "énarchie de santé publique" si bien croquée par Bernard Debré et Philippe Even dans leur rapport. Les semi-habiles de la santé numérique ont fait croire à Machiavel que leur rationnement caporalisé devait s’imposer à la raison médicale et lui imposer ses choix tragiques, contre l’intérêt des patients.

Ethiconomie ou sophistique managériale ?

Usagers, élus, professionnels de santé, méfiez vous du Predator !

Je n'aime pas l'hôpital public quand il devient soviétique et n'est plus au service du public.

Je n'aime pas le privé non lucratif quand il n'a plus le souci de l'autre.

Je n'aime pas le privé lucratif quand il pense trop à l'argent.

Et surtout, ce que je n'aimerais pas, c'est une gestion des établissements de santé qui cumule ces trois inconvénients à la fois!

Misanthropus nosocomialis

Sources

Dico de novlangue :

  • HPST : loi hôpital, patients, santé et territoires
  • NGP nouvelle gestion publique (new public management)
  • RGPP révision générale des politiques publiques
  • AMM autorisation de mise sur le marché

Le virus HPST: une nouvelle étiologie du syndrome extrapyramidal - Requiem pour la concertation (fichier pdf avec liens cliquables)
https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/humour-1/LevirusHPST.pdf?attredirects=0

L'état prédateur James K. Galbraith, Seuil, 2009, 311 p., 23 € James K. Galbraith - Comment la droite a renoncé au marché libre et pourquoi la gauche devrait en faire autant, Paris, Seuil, coll. « Économie humaine », 2009, 311 p.

http://www.scienceshumaines.com/l-etat-predateur-xavier-de-la-vega_fr_24288.html

« Galbraith montre comment briser l’emprise magique des conservateurs sur les esprits de gauche. » Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie.

Analyses

Sur Mediapart

http://www.mediapart.fr/club/blog/fabien-escalona/070910/contre-letat-predateur

La vie des idées - Etat de l'après-crise

http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20100210_galbraith.pdf

La notion d'Etat prédateur

http://www.eauli.net/decouvrir/mots/etat.htm

A ne pas manquer - Naissance de la biopolitique - Cours de Michel Foucault en documents audio téléchargeables en mp3

http://www.lib.berkeley.edu/MRC/foucault/nb.html

Rapport de la mission sur la refonte du système français de contrôle de l'efficacité et de la sécurité des médicaments

http://www.scribd.com/doc/50801924/Rapport-Mediator

Si ce "chef d’œuvre industriel" a échoué c'est parce qu'il a été conçu et dessiné par "l'énarchie de santé publique, marquée du juridisme des grands corps et très loin de réalités du terrain, les malades et des réalités scientifiques les médicament et produits de santé".

Borgstein, dans le Lancet, émet d'autres hypothèses percutantes sur la pathogénie en cause
Les envahisseurs -
Borgstein J. Invasion of the managers. LANCET 2003; 362:256 traduction de J Watine

vendredi 18 mars 2011

Le nouvel esprit d'assistance publique: quand César et Mammon sont dans un bateau

Mammon ou l'Ethos du profit

" Je n'aime pas les communistes, parce qu'ils sont communistes ; je n'aime pas les socialistes, parce qu'ils ne sont pas socialistes ; et je n'aime pas les miens, parce qu'ils aiment trop l'argent ." De Gaulle


Machiavel ne croit jamais à aucun veau d'or. C'est là sa force, il ne connaît que la raison politique. En revanche il sait fort bien utiliser les fausse idoles pour mieux asphyxier ce qu'il a décidé de sacrifier à l'ajustement des dépenses, en l'occurrence, l'hôpital public. Le culte obligé de la main invisible du marché, la voie de Mammon n'a d'égal que celui de la main trop visible du nouveau management public, la voie autoritaire de César, qui ne sait que cultiver la spirale de la défiance des usagers contre Hippocrate pour mieux l'asservir, afin de réduire définitivement toute velléité des médecins, et plus largement de l'ensemble du corps soignant, d'être les avocats de leurs patients.

César et Mammon ont ceci de commun qu'ils veulent transformer les acteurs du soin en exécutants de leur chef d'oeuvre industriel, celui que Bernard Debré et Philippe Even attribuent à "l'énarchie de santé publique" dans un rapport sur l'AFSSAPS qui tombe à pic et dont les conclusions peuvent largement interroger l'ensemble des politiques publiques de santé.

Précisons que les cornes ci-dessus n'impliquent aucune connotation de nature religieuse, ce sont tout au plus celles des cocus de "l'éthiconomie", que l'allusion au veau d'or n'est qu'une métaphore, et que dans son souci de rappeler avec force que Mammon ne peut se substituer à Esculape, votre serviteur n'est véritablement marxiste que dans la tendance Groucho.

Ne négligeons pas cependant l'apport de la théologie politique. La question de savoir si l'enfer est endothermique ou exothermique se pose avec acuité face aux effets des actuelles gesticulations médiatiques des pompiers pyromanes. Je rappelle qu'elle a été brillamment traitée sur le net même si l'université d'origine est controversée. (-:

Mais revenons à nos moutons de Panurge, aux mutins et aux "matons de Panurge" qui trahissent la médecine en la réduisant à la triste industrialisation de "processus", ce buzzword terroriste, ce tueur de la clinique, qui permet de nier les véritables "procédés de travail" des équipes soignantes en reconstruisant la division du travail sur la modélisation de résultats à court terme qui n'ont plus rien à voir avec les résultats clinique que recherchent le soin. Les résultats du petit process boutiquier et comptable de la nouvelle gestion publique et de sa concurrence encadrée des résultats (output du processus en novlangue) n'ont rien à voir avec le résultat clinique de santé à long terme, l'outcome celui que recherchent d'un commun accord le clinicien qui n'omet pas le care à coté du cure et le malade qui lui a fait confiance.

C'est que l'akrasie, la faiblesse extrême de la volonté médicale jointe à l'incontinence réglementaire conduit inévitablement à l'incurie organisationnelle à la paralysie de la décision et du pilotage , bien loin de la dysorganisation décrite par l'idéologie managériale comme une simple réaction corporatiste mandarinale et soignante ou encore sociologique de "l'ordre soignant" face à la rationalité formelle parfaite, toute de prévisibilité et de calculabilité sans faille du nouvel "ordre managérial".

Nous proposons la lecture de ce texte:

Réguler les dépenses de santé : entre César et Mammon
http://www.rees-france.com/IMG/pdf/ART-865_Reguler_les_depenses_de_sante.pdf
Ce texte de 1986 témoigne du dilemme de "l'énarchie de santé publique": à coté de la logique de César et de celle de Mammon, la troisième logique de Freidson, la logique d'Hippocrate, en est l'impensé.

En France, le cadre normatif tissé par les grands corps se confond avec le cadre conceptuel, la carte avec le territoire.

En voici un illustration parfaite dans le rapport Even - Debré sur l'AFSSAPS
Si ce "chef d'oeuvre industriel" a échoué c'est parce qu'il a été conçu et dessiné par "l'énarchie de santé publique, marquée du juridisme des grands corps et très loin de réalités du terrain, les malades et des réalités scientifiques les médicament et produits de santé".
http://www.acteurspublics.com/article/16-03-11/l-afssaps-clouee-au-pilori


L’intégralité du rapporthttp://www.scribd.com/doc/50801924/Rapport-Mediator


Principe de séduction du veau d'or éthiconomique
La transformation idéologique des soignants en simples calculateurs économiques dépourvus de tout souci de l'autre précède nécessairement le culte de la main invisible du pseudo-marché qui permet la justification de la gestion par la concurrence encadrée des "résultats" en médecine.

Ainsi de déploie au risque de tuer la clinique, l'extension généralisée du domaine de la manipulation, l'Ethos de la recherche systématique et rationnelle du profit qui fait du cycle argent - production des soins - argent, l'alpha et l'oméga de l'architecture du nouveau système de santé.

"Je suis une partie de cette force qui veut toujours le mal et produit pourtant le bien." Goethe - Faust
Comment comprendre autrement l'imposition de cette idéologie absurde que le calcul égoïste et rationnel en santé produira spontanément par on ne sait quel deus ex machina la bonne organisation, surtout pour ce qui n'est pas rentable, ces malades chroniques dépendants dont nous voyons au quotidien s'effondrer la prise ne charge tandis que nos nouveaux contremaîtres, ceux que César contraint à nous considérer, nous autres soignants, médecins, paramédicaux, mais aussi dans une acception plus large du soin les psychologues, les assistantes sociales, en simple exécutants de process qui nous dépassent, les directeurs, se battent eux-mêmes avec un système de règle du jeu ubuesque dont ils découvrent bien vite qu'il n'est qu'une machine à perdre.

Voilà comment surviennent l'ajustement des dépenses et la fin de la solidarité.

Quand César et Mammon s'emmêlent

Kervasdoué: Etrange "loi Bachelot" qui va à rebours des objectifs affichés
http://www.smpf.info/telecharge/upload/LeMonde130509.pdf

Hospital Inc. Le secteur hospitalier à l’épreuve de la gouvernance d’entreprise. Frédéric Pierru
http://www.inrp.fr/manifestations/2009-2010/education-sante
(source: http://www.inrp.fr/manifestations/formation/territoires-reseaux-et-solidarites )

Elsa Boubert. L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières


Sur la valeur partagée:
« What Is Value in Health Care? » de Michael Porter - New Engl. J. Med. 2010. 363: 26; 2477-2481
Article cité dans l'épilogue du livre de Laurent Degos: santé pour sortir des crises?
http://healthpolicyandreform.nejm.org/?p=13328
http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMp1011024?ssource=hcrc

L'éthiconomie au service de Mammon

The Worship of Mammon 1909 by Evelyn de Morgan.


Hélas, son adoration étant instrumentalisée par Machiavel, "Le veau d'or est toujours debout" et il commence à faire froid dans le pseudo-marché de santé francilien http://open-shoreditch.blogspot.com/2009/02/mammon-from-superhero-to-sub-zero.html-


Qui ne voit que tout cela ne favorise ni la santé publique, la vraie, celle qui se préoccupe de la réalité des besoins de soins du territoire, ni la bonne gestion du risque économique.

Petit kit de survie en milieu semi-habile

Autonomie et responsabilité professionnelle préservée = vies sauvées

Il y a des évènements indésirables graves dans tous les hôpitaux, dont 85 % ont une origine systémique liée à l'organisation des soins. La France commence à analyser ce type d'indicateurs. Il ne fait aucun doute que le management chaotique de l'actuelle gouvernance, la nouvelle division verticale et horizontale du travail de l'hôpital entreprise, associés aux réductions d'effectifs et de moyens imposées "au doigt mouillé" par les tableaux des emplois rémunérés (TPER), creusant des inégalités de dotations historiques dans l'ignorance volontaire des ratios de personnels qui freineraient les restructurations à la hache, ne peuvent qu'aggraver ces risques.

Chacun peut se taire et attendre que la bombe tombe sur le voisin, en manœuvrant pour privilégier la survie de son activité. Chacun peut aussi juger inacceptable que ce qu'il savait faire, avec son métier, avec le savoir-faire de son équipe de soin, ne soit plus assuré pour la population locale. Il n'y a pas de risque zéro!

Notion de iatrogénie systémique (de la iatrogénie organisationnelle)
http://ecoetsante2010.free.fr/article.php3?id_article=375

Les EIG dans les établissements de santé
http://www.sante.gouv.fr/les-evenements-indesirables-graves-lies-aux-soins-observes-dans-les-etablissements-de-sante-premiers-resultats-d-une-etude-nationale.html

Mutations du travail: la situation des établissements de santé Pierre Lombrail

Qualité de vie au travail et qualité des soins dans les établissements de santé. Séminaire HAS du 21 octobre 2010 Pierre Lombrail, CHU de Nantes
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-11/20101021_diaporama_lombrail.pdf

L’organisation du travail et la santé des hospitaliers : risque ou prévention ? Pierre Lombrail
https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=explorer&chrome=true&srcid=0B5W9SA51Fx-sOWE0N2JiY2EtY2QxYi00NmIxLTg1NDctZWQ3NDhkMDNkODNm&hl=en&authkey=CMuo-5QM

Les hôpitaux magnétiques
http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Les_hopitaux_magnetiques.pdf

Effectifs suffisants = vies sauvées
http://www.anfiide.com/Documents/documents-utiles/kit-JII-2006f.pdf

Sécurité des patients - Association des infirmières et infirmiers du Canada
http://www.cna-nurses.ca/cna/documents/pdf/publications/PS102_Patient_Safety_f.pdf

Qualité au travail = soins de qualité
http://www.sideralsante.fr/repository/pdfs/427_environnements_favorables_a_la_p.pdf


vendredi 11 mars 2011

Brave new world - L'extension du domaine de la manipulation par les textes - la knockisation de la société.

"Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore." Knock - Jules Romain. Vidéo 1 - Vidéo 2

1. Incitations comportementales et environnement - centre d'analyse stratégique

2. Connaissances et compétences - Education le chantier en ruine

3. Promotion de la santé - charte d'Ottawa
"Les facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux, comportementaux et biologiques peuvent tous intervenir en faveur ou au détriment de la santé. La démarche de promotion delà santé tente de rendre ces conditions
favorables par le biais de la promotion des idées."
"Ceci doit mener à un changement d'attitude et
d'organisation au sein des services de santé, recentrés sur
l'ensemble des besoins de l'individu perçu globalement."

4. Retour au Centre d'Analyse stratégique -
English book : Improving public health prevention with behavioural, cognitive and neuroscience

5. Crise de confiance et crise de vocation - une lecture sociologique de la crise hospitalière. Frédéric Pierru
6. La logique de compétence. Stéphane Haefliger
7. Les enjeux de la logique de compétence. Jean-Pierre Durand
8. De la fabrication des compétences. Richard Wittorski

9. Les paradoxes de la notion de compétence en gestion des ressources humaines. Anne Dietrich
http://www.univ-lille1.fr/bustl-grisemine/pdf/rapports/G2000-172.pdf
10. La performance comme dispositif de gestion ou la construction sociale de l’insignifiance. Jean-Luc Metzger.
en pdf: http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RES_134_0263
http://www.cairn.info/revue-reseaux-2005-6-page-263.htm

11. L’ensorcelante ambiguïté de « savoir, savoir-être et savoir-faire ». Jean-Jacques Guilbert
http://www.pedagogie-medicale.org/10.1051/pmed:2001009

12. Savoir, Savoir-faire et savoir-être repenser les compétences de l'entreprise. Thomas Durand
http://www.strategie-aims.com/montreal/durand.pdf
13. Exigences de qualité et nouvelles formes d'aliénation. Sami dassa, Dominique Maillard

14. Retour à la santé. La "santé équitable" par l'accès aux droits ou de la standardisation des comportements
"Il apparaît que l’exercice de la liberté individuelle et une conscience éclairée sont les leviers d’un nouveau modèle de santé. Synthèse des débats."
"tenter d’atténuer les inégalités de santé résultant de l’application de toute la
justice des lois."
"préparer l'émergence d'un nouveau modèle de la santé, basé sur
«l’empouvoirement» des personnes, pour leur permettre d’adopter un
comportement équitable, c’est-à-dire d’exercer leur liberté et leur responsabilité.

Pauvres de nous, et si Foucault avait raison? Loin de favoriser autonomie et responsabilité, le soleil trompeur de "l'empouvoirement des personnes" promu par les politiques publiques de santé vise l'intériorisation des incitations dans toutes les sphères de la vie publique et privée, rendant inutiles les vieilles formes de la société disciplinaire, tandis qu'on dissimule tranquillement la réduction de l'accès aux soins derrière "l'accès aux droits" et à des libertés purement formelles? L'INPES, la gardienne du temple de la promotion de la santé, justifiant sa prise de pouvoir par l'imposition nécessaire de la "discrimination positive" en santé, veillera à ce qu'elle préside à la construction de l'homme nouveau. La liberté dans la standardisation programmée des attitudes, des comportement et des compétences?
Cette knockisation de la société n'est pas le triomphe de la médecine de Jules Romain mais celui d'une bureaucratie qui vise avant tout à masquer le rationnement des soins et la démédicalisation qu'il suppose derrière l'écran de fumée d'une rationalité qui doit d'autant plus s'appuyer sur l'obscurité d'un système d'infirmation et de nombres de plus en plus inaccessible aux profanes que les méthodes préconisées ne peuvent guère s'appuyer sur l'evidence based management (voir le blog d'Antoine Flahault)
Faux marché, vrais profits et faux résultats de santé, fondés sur ds indicateurs à court terme et essentiellement comptables, parce qu'engendrés par de pseudo-modèles scientifiques (modèle de production de Fetter) construits pour justifier une financiarisation des stratégies et finalement, chez nous, la vente au monde marchand d'une solidarité qu'on se résigne à vendre par appartements parce qu'on a renoncé à en construire un modèle partagé, convenablement organisé et financé.
Le malade qui vient nous voir, angoissé, demande-t-il une restauration de la santé selonla vision de l'OMS, ou plutôt proche de celle de René Leriche reprise par Canguilhem dans "le normal et le pathologique"
"La santé c'est la vie dans le silence des organes."?

vendredi 11 février 2011

Halte à l'agonie tranquille de la réadaptation hospitalière publique!


"Nous ne raisonnons que sur des modèles." Paul Valéry

L’éditorial de Loïc Capron relatant la CME de l’AP-HP du 8 février 2011 a du style. Il montre que le cadavre de la CME bouge encore. http://www.smhparis.com/

Il fait état d'un point sur la question des "filières" SSR, "ancien moyen séjour" et de longue durée, présenté par Georges Sebbane (CME) et Josiane Holstein (DIM AP-HP). Ce point fort instructif, mais qui témoigne d'une certaine idée de la fonction des SSR au siège, me semble mériter quelques commentaires.

Sans méconnaître les risques liés à la "pathossification" des SLD ni le danger majeur de la perte d'une filière gériatrique intégrée dans une approche court-termiste, on ne peut que regretter que la présentation des SSR non gériatriques y soit comme à l'accoutumée résumée à une simple question de déstockage de l'aigu selon une logique d'intégration verticale de la "filière". Cette vision de la filière restreinte à la chaîne de soin d'aval sous pression de la T2A est alors mécaniquement réduite à une logique d'appareil ou de pathologie ("neurologique, orthopédique, cardiovasculaire, cancérologique, etc."), tout ceci dans l'ignorance navrante mais attendue et habituelle de la logique de réadaptation hospitalière.

Celle-ci était pourtant si évidente dans les années soixante quand les "tâches d'assistance publique" avaient encore un sens et s'inséraient dans une logique de protection sociale cohérente.

La réadaptation nécessite des soins gradués, coordonnés et continus commençant dès le stade aigu, avec des effectifs, des locaux et des équipements convenablement organisés et financés.

La réadaptation hospitalière est bien entendu une part sanitaire essentielle de la prévention du handicap. Elle suppose aussi, outre des activités diagnostiques et thérapeutiques d'autant plus spécifiques que les cas sont complexes, une coordination médico-sociale défragmentée et précoce, d'autant plus forte que la complexité des besoins évolue très vite.

La CME n'ignore sans doute pas l'existence de la collégiale de MPR, ni l'existence de connaissances spécifiques communes en France comme à l'étranger au champ indissociable de la réadaptation locomotrice et neurologique, qui en justifie la graduation spécifique, ni celle des professions de rééducation, ni celle de ses services sociaux, ni encore l'impact des réseaux informels mais bien réels, ou parfois formalisés, dans lesquels ces connaissances s'insèrent, en lien avec les centres de rééducation fonctionnelle franciliens, les autres SSR et leurs alternatives, la ville, le secteur médico-social et le secteur associatif.

Hélas par cet aveuglement numérique et toujours vérifié et qui sépare l'analyse des "filières" d'aval (SSR et alternatives ambulatoires), de la lutte contre le handicap physique et enfin de la réadaptation, trois concepts étroitement intriqués mais qu'elle persiste à séparer dans une erreur aussi persistante qu'absurde, l'AP-HP poursuit ainsi son processus inexorable d'asphyxie de la réadaptation hospitalière, un luxe qui sera toutefois préservé mais réservé aux centres accueillant les malades qui seront dotés d'une bonne complémentaire santé.


Il est temps de réagir. Pour la survie à la T2A, autant que pour la qualité des soins à nos malades. Rejoignons l'évidence internationale qui est que la lutte contre la stagnation délétère des patients à l'hôpital, la réadaptation et la prévention du handicap sont inséparables, qu'on ne peut ainsi continuer, sans une dégradation inéluctable de la qualité des soins et de l'accompagnement, à démédicaliser le social et désocialiser le médical, pour de mauvaises raisons liées à une invraisemblable fragmentation financière, institutionnelle et idéologique, au plus grand mépris de la réalité de l'afflux de toutes les vulnérabilités aux urgences de nos hôpitaux.

Il apparaît de plus en plus clairement que l'absence de toute réflexion autonome sur l'organisation et le financement de la réadaptation en France, s'agissant du champ des déficiences (ou du handicap) physique (s) produit des défauts de soins dont on commence à peine à prendre la mesure. Ces défauts, liés à l’asphyxie de la réadaptation hospitalière publique ne sont pas sans rappeler ce qui est observé aussi dans le champ de la santé mentale et la psychiatrie publique. Il est plus qu'urgent d'y remédier.

Filières d'aval, réadaptation, lutte contre le handicap, même combat!

« Il y a tant de causes possibles ou probables – intellectuelles, sociales, économiques et idéologiques – qui influent sur la spécialisation en médecine que tout effort pour en privilégier une ou l’autre ne peut être qu’une présupposition métaphysique de comment le monde fonctionne ». George Weisz

2 brèves d'humour: les envahisseurs ; Einstein au secours de l'hôpital public

J. Borgstein. Invasion of the managers. LANCET 2003; 362:256

Lexique de novlangue pour les néophytes

CME: commission médicale d'établissement, lieu de la régulation et du contre pouvoir médical face aux logiques gestionnaires et marchandes jusqu'à la loi du 29 juillet 2009 - dite HPST (hôpital, patients santé et territoires)

AP-HP: institution autrefois orientée vers des tâches d'assistance publique, haut lieu de la clinique et de la médecine académique, aujourd'hui minée par la logique du rationnement. Cette logique absurde bénéficie de l'alliance d'une vieille garde médicale frileuse et sans espoir et d'une technocratie implacable. Cette vieille garde dont c'eût été l'honneur et le devoir de défendre les missions de l'hôpital public et cette nouvelle bureaucratie au savoir faire limité et expéditif sont en train de détruire ce qu'était devenu l'AP-HP au fil des décennies et qui contribuait si fortement à la réputation de notre système clinique français.

SSR: soins de suite et de réadaptation, le secteur post-aigu en France, à l'étranger identifie le plus souvent pour mieux l'organiser et le financer un segment commun de réadaptation des affections musculo-squelettique et du système nerveux (rapport du centre fédéral d'expertises belge)

SLD ou USLD soins de longue durée, malades dépendant d'un niveau soin tel qu'ils ne relèvent pas d'un hébergement en médico-social. La coupe Pathos traduit la volonté rationnante de faire déqualifier des malades de SLD pour les faire passer en médico-social où ils bénéficieront selon des critères discutables de beaucoup moins de soins médicaux et paramédicaux. Un des aspects de la guerre extravagante entre les diverses branches fragmentées de la protection sociale et qui contribue à paralyser tout le système d'aval. Guerre, qui va toujours hélas dans le même sens, la réduction des prestations et la maltraitance par défaut de soins au grand désespoir des soignants.

DIM: département d'information médicale ou le système d'information comme volonté et comme représentation de la santé publique numérique. Coeur de tous les lobbyings, donc la meilleure ou la pire des choses en fonction des rapports entre Machiavel et Hippocrate.

T2A: tarification à l'activité, pseuso-marché artificiel et sans garde-fous en France, visant à rationner les soins en produisant sélection des patients, segmentation, incoordination, transferts de soins et de charge dans la concurrence et la confusion, et baisse de la qualité des soins.
Utilisée à 100% en France, sans indicateurs de qualité des résultats clinique, et conjuguée à la gestion militaire et sclérosante des solides chaînes de commandement appelées par Alain Minc pour casser le pouvoir médical, c'est une arme de destruction massive des hôpitaux publics. Pire puisqu'ils n'existent plus officiellement depuis la loi HPST, une arme de déconstruction rapide des missions d'intérêt général et de solidarité non rentables.

MPR Médecine Physique et de Réadaptation une des spécialités du champ de la réadaptation médicale née de la volonté des politique publiques, jusque dans les années soixante, de favoriser une intégration des soins et de l'accompagnement entre soins et social, d'abord pour les grands blessés de guerre, puis, surtout après 1945 dans une logique de solidarité favorisant la réintégration professionnelle et sociale après une maladie ou un accident.
Médecine experte des cascades lésionnelles , fonctionnelles et situationnelles de certaines maladies et états chroniques potentiellement handicapants, comme les para-tétraplégies, les lésions cérébrales en post-aigu, les traumatismes et
l'appareillage orthopédique complexes, les amputations, etc., elle concerne principalement le champ des "déficiences physiques", surtout motrices, mais qu'on ne peut cependant considérer isolément des déficiences éventuellement associées (sensorielles, cognitivo-comportementales, psychiques...).