samedi 10 novembre 2012

Ubu contre Hippocrate : le sophisme Hollande - Touraine


"Entre la paranoïa, la rationalisation et la rationalité, il n'y a pas de frontière nette." Edgar Morin

"La solidarité vécue est la seule chose qui permette l'accroissement de la complexité. Finalement les réseaux informels, les résistances collaboratrices, les autonomies, les désordres sont des ingrédients nécessaires à la vitalité des entreprises." Edgar Morin

Nos fondamentaux: des soins accessibles, solidaires et efficients

Quels  fondamentaux peuvent encore guider la "médecine à visage humain" que Petr Skrabanek appelait de ses voeux? Comment en préserver le professionnalisme face à la marchandisation de la santé et aux contrôles de plus en plus coercitifs, sinon ubuesques,  imposés par les nouvelles sciences de l'action publique? Quels risques engendrent pour les patients les multiples injonctions paradoxales qui pèsent chaque jour sur la décision médicale, toujours plus soumise aux incitations marchandes comme aux "terribles simplificateurs" d'imputabilité - les indicateurs - que les payeurs publics ou privés imposent aux médecins au nom du mythe de la Santé - Bien-être?
Nous ne discuterons  pas ici du triangle proposé par John Maynard Keynes pour résumer les paradoxes en politique: liberté, justice sociale et efficacité économique.
Nous ne reviendrons pas non plus sur les divergences entre médecins sur l'attitude à adopter vis à vis des "réformateurs" du système de santé,  quant à la juste rémunération des médecins, d'un coté les "égalitaires et solidaires" et de l'autre les "libéraux et solidaires". Ces conflits fratricides me désolent (voir le chapitre "blues sur le web"). Ils sont bien entretenus par les experts de la propagande de la "faisabilité politique de l'ajustement", le rationnement "rationalisé" selon la doxa néo-managériale répandue par l'OCDE et non selon la recherche d'une médecine rationnelle , libre, au juste coût de ce qu'elle peut faire de mieux.

Préserver et promouvoir une médecine de service public

(voir les propositions du Mouvement de Défense de l'Hôpital Public)

Je résumerai ainsi sans prétention d'exhaustivité quelques fondamentaux d'une médecine humaniste de service public. Elle se veut complémentaire, non en concurrence d'un secteur privé hospitalier, de soins de ville et d'un secteur de l'action sociale enfin décloisonnés en vue de parcours de soins cohérents. Ce décloisonnement ne peut se concevoir que dans la vision partagée du résultat clinique pour le patient, et respectueuse de ses préférences. La notion de "service public" ne doit pas y être "vaporisée" entre secteur lucratif et non lucratif.
  • "service public non marchand" dans la définition et l'organisation de ses performances, le terme peut-être accepté à condition de le définir hors du modèle de gestion par les "résultats" selon l'OCDE, la LOLF et la RGPP .
  • "solidarité" et "universalité" d'un ensemble de soins considérés comme devant être accessibles pour  tous, définis par des choix politiques et une légitimité juridique de "moyens" et dont l'accès intangible pour tous doit être garanti, pas seulement par des libertés formelles et autres "cache-misère" de l'absence de soins et/ou d'accompagnement réels.
  • "autonomie des médecins"
L'autonomie, qu'il s'agisse de celle du patient ou de celle du professionnel, j'espère qu'elle fait bien partie de nos fondamentaux. Je n'en suis pas toujours sûr, s'agissant de ceux de mes collègues qui ont une confiance aveugle et réflexe envers l'effroyable scientisme socio-sanitaire de l'Etat français. J'en dirai autant de ceux qui font toute confiance à la main invisible du marché.
L'autonomie suppose de pouvoir "danser dans ses chaînes" (Nietzsche). C'est ce nous avons appelé  le "RAP" des "petits" et "grands mandarins" fustigés avec mépris par l'ancien président. Il s'agit du trépied Reconnaissance sociale, Autonomie d'organisation et Participation au processus de décision). Le respect du professionnalisme médical suppose aujourd'hui une critique radicale des notions "d'imputabilité" et "d'impacts" socio-économiques (Bien-être) comme objectifs du système de santé. L'autonomie suppose la vigilance critique et l'ingérence organisationnelle, au nom de notre vision de l'outcome, ce résultat qui compte pour moi et mon patient.
Voir 3 niveaux d'analyse de l'inertie en soins de santé - et - Assez de blues on veut du RAP

Nous souhaitons tous le juste soin au juste coût. Nul ne souhaite gaspiller l'argent public. Il ne s'agit pas, bien entendu, de rejeter toute imputabilité, tout questionnement de la "performance", mais de défendre les fondamentaux de la déontologie médicale face aux dérives de l'utilitarisme pseudo-marchand généralisé par les politiques publiques de tout bords. Ainsi les soignants non médecins doivent aussi "rapper", mais attention, sans être instrumentalisés d'en haut comme arme idéologique et gestionnaire du management contre la vision de la qualité, avec la stratégie que cela implique, selon la communauté médicale. Question d'organisation des hôpitaux publics et privés et des soins de ville!

La boire noire managérialiste et la recherche du grand n'importe quoi par les politiques publiques. Une critique de la performance publique

Médecine et performance publique: approche ubulogique  - Approche 'Pataclinique (lois de décomposition)

La question de la rémunération des médecins ne semble pouvoir se concevoir hors celle de la rhétorique managérialiste officielle sur "l'efficience" du système de soins de santé. Cette rhétorique semble implicitement acceptée dans les termes imposés par les "réformateurs" au sens de Pierru et Belorgey, et aujourd'hui par tous ceux qui acceptent sans broncher l'équation populiste Hollande - Touraine:

Sous-efficience du système de soins  = inégalités d'accès aux soins  = "dépassements"

Comment faire n'importe quoi avec des incantations démagogiques pour bien masquer qu'on ne change rien, ni à la boite noire idéologique de la régulation ni aux mythes qu'elle renferme?

Qui ne peut se navrer de l'accroissement évident des inégalités induites depuis 40 ans au moins par les pompiers pyromanes, à commencer par les désastreux numerus clausus, l'explosion exponentielle des tracasseries technocratiques et leur suspicion méprisante notamment envers les généralistes qui fuient l'installation, la régulation catastrophique presque par les seuls prix déployée par les apprentis sorciers de l''économie de la santé la plus orthodoxe, c'est à dire issue des modèles néo-libéraux américains (yardstick competition, Diagnostic Related Groups de Fetter pour l'hôpital, source de notre T2A). 
Tout cela conduit à renverser le problème qui est de revaloriser d'abord le secteur 1 et la part des soins médicaux remboursés par l'Assurance Maladie Obligatoire. Le travail sur le secteur 2 doit suivre et non l'inverse. C'est le point de vue d'André Grimaldi, un des leaders pourtant pas le plus "libéral" du Mouvement de Défense de l'Hôpital Public, que je partage.
Cela ne se conçoit pas sans augmenter les recettes et réduire de façon raisonnable les dépenses.
Il peut y avoir divergences technique sur les moyens proposés mais pas sur les principes.
Les apprentis sorciers de l'incitation croient pourtant mettre en équations les motivations des médecins et les politiques font semblant de les croire pour promettre plus qu'ils ne peuvent tenir sur la maîtrise des dépenses de santé.
Mais les questions majeures de la qualité des soins , selon les pratiques professionnelles en interaction avec les usagers, et celle de l'efficience organisationnelle, qui dépend de la gouvernance et des systèmes de tarification* sont systématiquement occultées !

En affinant, ajoutons à l'équation et à cette vision du médecin en idiot rationnel calculateur et égoïste, que les autres paramètres sont systématiquement déformés: le recettes du système ne doivent pas être augmentées et pour combler le "trou de la sécu",  quelques experts techniques auto-proclamés fixeront l'ONDAM et il suffira de faire la chasse au "gaspi". Ben voyons! Fustigons donc outre l'appât du gain chez les médecins, les profits toujours diabolisés de l'industrie pharmaceutique, la nullité gestionnaire supposée des directeurs à fliquer d'urgence par l'ANAP, par les misérables guidelines de l'énarchie de santé publique et par les contrats d'agence et enfin l'irresponsabilité supposée "crasse" de patients sus-consommateurs de soins et de consultations inutiles. Ne parlons pas de ces ignares élus locaux qui veulent garder leurs hôpitaux de proximité.

Ah, l'ATIH, l'HAS et l'inénarrable gestion de la qualité et des risques en SSR où l'on a vraiment l'impression qu'on nous prend pour de sombres crétins!

Voilà résumée la petite philosophie des payeurs français.

Rappel des éléments de la boite noire managérialiste: retour aux théories X et Y de Mc Gregor


Le managérialisme promeut des méthodes disparates réunies sous le terme de Nouveau Management Public. Leur application connaît de grande variations internationales notamment sur la place de la privatisation, avec des constantes:
Les présupposés théoriques sont la "théorie des choix publics" et très largement les préceptes non pas libéraux mais néo-libéraux "armés" selon l'Ecole de Chicago. A cet égard l'intervention de l'Etat et des organismes internationaux(FMI, banque mondiale, organisation du commerce international) est très importante. L'idéalisme international "armé" de l'Ecole de Chicago se donne pour mission de promouvoir de façon hyper-activiste et contraignante, car seule source possible  pour elle de l'enrichissement, de la démocratie et du bonheur des peuples, les mécanismes de marché et de lutte contre les subventions des Etats aux services publics (principes de l'ALENA et des nouvelles juridictions européennes, qui appliquent en cela les principes du consensus de Washington). 
D'autre part un autre versant fondamental du NMP, sans lequel on ne pourrait justifier en raison, c'est à dire "rationaliser" au sens d'Edgar Morin, l'imputabilité des acteurs professionnels, notamment médicaux, ainsi que la nouvelle légitimité de leur contrôle bureaucratique, repose sur la croyance dans développement positiviste et scientiste d'une science de l'action publique et du "Bien-être" fondé sur les Big Data et les NTIC. Les services publics ne seront dès lors plus fondés sur un logique "juridique" (rationnelle légale selon Weber) de "moyens" définis politiquement par des assemblées d'élus et une délibération entre parties prenantes, mais selon une science de l'action publique gérée par des experts selon une logique d'ingénieurs (notion omniprésente de ré-ingénierie) et de "résultats".

La corruption technocratique de la médecine fondée sur les faits

Notons comme le souligne très bien le récent livre de Gérard Reach, "l'inertie clinique; une critique de la raison médicale" qu'il ne faut surtout pas jeter le bébé de la médecine factuelle, qui repose sur les faits, l'expérience clinique et les préférences du patient, avec l'épouvantable "eau du bain", qu'en font les payeurs coalisés, ce rêve d'actuaires qui seraient à la tête d'un corpus de procédures opposables, numérisables, contrôlables donnant lieu à sanction. Ils en confieraient l’élaboration à quelques nouveaux clercs universitaires bien asservis, pour les déployer en un formidable système de contrôle technocratique, tout de calculabilité et de prévisibilité.

Ainsi espèrent-ils réduire enfin une médecine insupportable d''incertitude, d'imprévisibilité, de complexité des cas individuels et d’ambiguïté à quelques alignements enfin tracés dans les cieux de leurs mythologies. Les politique publiques n'auront plus qu'à en faire la propagande pour justifier le rationnement confié aux pires des semi-habiles, "gestionnaires de filières", "grands aiguilleurs de parcours", et autres "chéficules de réseaux d'agence", tous ceux qui n'ont jamais vu un malade en situation, mais auront été bien formatés aux incitations gestionnaires à la "coopération" et permettront de capter quelques enveloppes fléchées, ces cache-misère de la concurrence par indicateurs myopes.

Un effondrement masqué de la qualité des soins? L'euthanasie bureaucratique de l'Etat prédateur

La qualité des soins est-elle en train de s'effondrer? Par Nicole delépine - Les 3 niveau d'inertie en soins de santé

L'association de la théorie des choix publics, des principes de la yardstick competition et de l'ingénierie de l'action publique sous l'inspiration de la théorie de l'agence, des coûts de transaction et de la concurrence pseudo-marchande par comparaison, va entraîner des principes secondaires désastreux en terme d'efficience organisationnelle et de perte de sens pour les acteurs:
- dissociation des droits de propriété et management (logique des shareholders - source de l'inertie politique). La thèse de la corporate governance repose sur la conviction d’une séparation inéluctable entre propriété et management, car l’importance des capitaux nécessaires à l’entreprise ” moderne ” impliquait, selon ses défenseurs, un actionnariat dispersé incapable d’imposer ses objectifs aux dirigeants.
- dissociation conception / exécution (principes d'ingénierie néo-taylorienne - ou néo - toyotienne: une des princpales sources ee la perte de sens de nos équipes, car "les hôpitaux ne sont pas des chaînes de montage")
- gestion axée sur les résultats définis d'en haut par la stratégie de prétendus "experts" scientifiques sur des enveloppes fermées (LOLF: missions programmes et actions) 
- dérégulation sauvage des conditions de fonctionnement, inhérente à la recherchedela puissance restructurante des paiements à l'activité selon la yardstick competition: tout problème de moyen est non seulement transformé en problème d'organisation (Belorgey) mais littéralement "vaporisé" dans l'invisibilité des mutualisations, flexibilité et poly-compétences. (source de l'inertie organisationnelle)
Voir "dérégulation et gains d'efficience"
Le travail réel doit être rendu suffisamment "invisible" quant à la véritable qualité des soins, pour permettre ce tour de passe-passe ubuesque en santé qui consiste à confondre métier et fonction. Lire Paule Bourret: "prendre soin du travail": un défi pour les cadres à l'hôpital. (sources organisationnelles de "l'inertie clinique")


Le véritable gestionnaire de risques, notamment cliniques, en santé sait qu'il faut avant tout des équipes stables, formées et motivées par une vision partagée des résultats. La sécurité et la qualité reposent sur des "noyaux durs", des coeurs de compétences collectives. Qu'importe! La véritable qualité n'est pas leur problème.

La conséquence la plus tragique est le retour en force de la vieille théorie X de Mc Grégor. Cette logique de la carotte et du bâton est habilement masquée par un discours lénifiant sur le "dialogue social", bien relookée en ingénierie de soi, des attitudes et des comportements. Privilégier les shareholders, les "payeurs" qu'il s'agisse d'actionnaires ou de payeur publics ne pouvait que conduire à exclure de la délibération réelle les parties prenantes à commencer par les professionnels et les usagers. Les usagers seront utilisés comme les "clients" dans le privé, bras armé des actionnaires pour faire pression sur les opérateurs mais surtout sans leur donner les véritables clés de la performance organisationnelle et de l'inertie managériale. Les opérateurs (médecins, autres soignants) sont censés pour nos réformateurs être des ignares en organisation. Il faut donc qu'ils cessent de s'auto-organiser en équipes de soins. Pour cela, la loi Evin Durieux, sous prétexte fallacieux d'émanciper les infirmières, a séparé définitivement la responsabilité des soins techniques médicaux (modèle du cure) de l'organisation des soins (modèle du care) confiée aux contrôleurs de gestion et aux  managers par la chaîne hiérarchique des "directions des soins" (aujourd'hui soins infirmiers de rééducation et médico-techniques). Dissociant irrémédiablement la  poiesis (production) de la praxis action qui porte en elle même sa finalité, la nouvelle division du travail dans le système de soins a fait de tous les médico-soignants des producteurs d'autant plus "désenchantés" (rapport Couanau sur le grand désenchantement hospitalier) qu'ils passent de plus en plus de temps à mettre des croix dans des cases qui n'ont pas de sens pour eux et ont de moins en moins de temps à consacrer à des patients que les populistes de la démocrature sanitaire, qui promettent tout et ne tiennent rien, ne cessent de dresser contre eux pour se dédouaner de leur incurie.
Revenons sur la grande tromperie des usagers avec la complicité de certaines associations compradores qui prétendent les défendre. Souvenons nous bien du soutien de Christian Saout (CISS) à la loi HPST. 
Comment le pouvoirs publics peuvent-ils jouer de la spirale de la défiance entre médecins et usagers? 
Ils ne créent que de la peur de la méfiance réciproque, des renoncements aux soins pour les malades angoissés, et de la "médecine défensive" par omission ou par commission, coûteuse et inefficace à la fois.
Pour les usagers, il faut avant tout pour nos dirigeants successifs les détourner de ce qu'ils devraient savoir: notamment sur les "injonction paradoxales" qui brident les conditions d'autonomie que les les professionnels devraient conserver pour les servir. Ces injonctions violent leur éthique au quotidien mais prenons garde qu'ils ne finissent par l'intérioriser. Personne n'aime la dissonance cognitive, les médecin spas pokus que d'autres,  et rares sont ceux qui la supportent bien longtemps pour pouvoir en dénoncer les origines. On tente d'enfumer le public et les médias par des indicateurs myopes qui ne disent rien de la qualité, respectent scrupuleusement la loi de Goodhart, en ne mesurant plus rien de sérieux dès lors qu'ils deviennent des indicateurs officiels, qui sont profondément contre-productifs, désespérants de non sens pour les acteurs et source bien juteuse d'un nouveau marché des palmarès.

En d'autres termes, les usagers auraient tout intérêt à se demander à quelles injonctions sont soumis les acteurs qui les accompagneront et qui devraient défendre en premier lieu leur intérêt individuel de patient. Ils devraient avant tout se demander avant d'aller dans une structure de soins quelles sont les compétences disponibles en qualité et en quantité, quelles sont les équipements et les installations et sont ils appropriés à leurs besoins de soins au regard de la médecine fondée sur les faits.

Effectifs suffisants = vies sauvées (et handicap évité)
Voilà une équation soignante qui vaut bien celles des apprentis sorciers de la santé

En voici deux autres: en réponse à la théorie X, Mc Grégor met en tension la théorie Y, celle de la motivation et du sens au travail, qu'il est particulièrement invraisemblable et destructeur du système de santé français de nier ainsi pour les professionnels de santé!

L'équation de Descarpentries (1985)

E= MC² 
l'efficience est le produit des motivations par les compétences et la culture de l'organisation

Enfin l'équation d'Anderson (2004)

La performance est le produit des compétences par l'état d'esprit au travail

Pour finir sur une triste équation vécue au quotidien:

PMSI = Programme de Management Infantilisant des Soignants
(en principe programme de "médicalisation", il fallait oser le terme, en pleine démédicalisation de l'organisation des soins, par des systèmes d'information dirigés et rendus inaccessibles par des prêtres de plus en plus byzantins)


Description du sophisme Hollande-Touraine


Quand les politiques publiques de tous bords cultivent la spirale de la défiance entre médecins et usagers.

Majeures:
Les problèmes de notre système de santé se limitent aux "inégalités d'accès aux soins". 
Propagande et rhétorique d'asphyxie: les indicateurs officiels de "performance" sont là pour masquer l'effondrement de la qualité des soins, la dérégulation la plus sauvage des conditions de fonctionnement et les désastreuses conséquences d'une ré-ingénierie toujours plus démédicalisée de l'organisation des soins, comme Nicole Delépine l'explique très bien, un témoignage de plus.
Les médecins sont trop bien rémunérés par rapport au reste de la population (selon l'average wage de l'OCDE), même les généralistes qui pourtant fuient toujours plus l'installation et surtout les "déserts médicaux".
Hypostase par création de novlangue: Les soins médicaux non remboursés seront nommés "dépassements" par les médias et associations compradores. 
Les recettes du système ne peuvent augmenter. 
Le "trou de la sécu" est une réalité construite sur l'idée que nous avons dépensé sans compter de manière irresponsable. Il faut, nous dit-on fermer les enveloppes et jeter en pâture à l'opinion les multiples coupables de ce gaspillage. Les experts du Nouveau Mangement Public y veilleront.

Mineures:
L'inégalité d'accès aux soins est liée essentiellement aux "dépassements".
Ceux-ci sont, avec les "extravagants" érigés en boucs émissaires, l'origine principale du mal socio-sanitaire. On joue ici sur un populisme lié à une mauvaise lecture de Rousseau, la "faute aux élites" en quelque sorte, conjugué à une vision ubuesque du médecin en "idiot rationnel" d'Amartya Sen, à mener d'une part par la carotte des incitations des pseudo-marchés et des paiements à la performance ( P4P), d'autre part le bâton des sanctions.

Conclusion du sophisme:
Il faut bloquer le secteur 2 sans revaloriser le secteur 1.

Avec Roecky, (Van Roeckeghem) les complémentaires et le managed care des réseaux d'assurances attendant en embuscade pour se présenter en sauveurs du système. C'est un peu gros non?


"Le choix de la solidarité, seul remède à notre politique de santé" (titre d'un article de F. Pierru)

Comment sortir de la spirale de la défiance? Nous pouvons faire nôtre ces propositions de Frédéric Pierru dans l'article de libération sous ce lien: "revenir à l’ambition de 1945, celle d’un remboursement à hauteur de 80% des soins courants, tout en conservant la prise en charge à 100% des plus malades et des plus démunis et en supprimant les franchises médicales." (...) Ensuite, il faudra rétablir le service public hospitalier dans son unité, ses missions, ses moyens et en exclure les cliniques commerciales. De même, il faudra convaincre les médecins de ville d’accepter (enfin !) d’aménager les libertés conquises en 1927 pour devenir les composantes clés d’un nouveau service public de médecine de proximité."
Au delà de ces principes, c''est bien la méthode coercitive des politiques publiques, la manipulation des délibérations et la simplification systématique de la réalité par le biais d'une rhétorique mensongère et des pires sophismes de l'anti-médecine qui posent problème.
C''est là une tâche bien difficile pour la profession médicale, repenser les conditions de l'autonomie des médecins, dans ses différents secteurs et modes d'exercice, redéfinir les fondements du libéralisme médical, entre les défaillances de la main invisible du marché et celles trop bien visibles de la bureaucratie de la santé numérique. Que est le niveau de rémunération souhaitables pour les médecins? Comment réguler leur activité sans les détourner du souci premier de l'intérêt de leurs patients? Comment éviter de les soumettre à des injonctions paradoxales, au risque de s'éloigner d'une médecine humaniste et solidaire? 
Les quelques liens suivant illustrent ces difficultés et les causes du désenchantement des médecins.

Blues sur le web

Comment préserver une médecine à visage humain d'un enfer aussi bureaucratique, aussi infantilisant, aussi pavé de bonnes intentions, et ceci dans un contexte de ressources limitées?

Et comment aussi dans le même temps ne pas devenir marchands, quand la médecine est de plus en plus enchâssée dans un nouveau complexe médico-industriel décrit par Paul Redman, mais aussi par Jean-Claude Salomon?

1. « Il est passé minuit, docteur Hollande » : Lettre Ouverte d'un médecin généraliste à un Président que j’appelais de mes vœux
http://enattendanth5n1.20minutes-blogs.fr/archive/2012/11/06/il-est-passe-minuit-docteur-hollande-lettre-ouverte-a-un-pr.html

2. La qualité des hôpitaux français est-elle en train de s’effondrer ?  Par Nicole Delépine

3. M... comme sur le blog de Fluorette   

4. Lettre du Dr Arielle Salon à Marisol Touraine 
5. Médecine: vous reprendrez bien un peu de technocratie?

6. Propositions du Mouvement de Défense de l'Hôpital Public (que j'ai signées)
http://jpdevailly.blogspot.fr/2012/09/propositions-mouvement-de-defense-de.html

7. Les médecins ne sont pas des pigeons: une révolte compréhensible contre le mépris et la défiance
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20121110trib000730103/les-medecins-ne-sont-pas-des-pigeons-les-blouses-blanches-en-colere.html

8. Le blues des médecins s'étend et descend dans la rue
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/11/11/20002-20121111ARTFIG00156-le-blues-des-medecins-s-etend-et-descend-dans-la-rue.php

9. Union française pour une médecin libre: contre une "présentation perverse des faits et une exacerbation artificielle d’épiphénomènes"
http://www.ufml-asso.fr/_ufml-documents/_ufml_ufml/_ufml_documents_federateurs/variations-autour_d_un_sigle-ufml_jcg31_10_2012.pdf

10. Revenus des médecins selon l'OCDE
Health Working Papers OECD HEALTH WORKING PAPERS NO.41 THE REMUNERATION OF GENERAL PRACTITIONERS AND SPECIALISTS IN 14 OECD
COUNTRIES:  WHAT ARE THE FACTORS INFLUENCING VARIATIONS ACROSS COUNTRIES?

Pharmacritique: le professionnalisme médical confronté au marché et aux politiques publiques

Pour changer de nos débats franco-français sur les dépassements, j'ai été faire un tour sur "Pharmacritique". C'est un blog ubulogique incontournable. "Pharmacritique" n'est pas toujours tendre pour les médecins, mais on y est jamais déçu de la qualité des documents et des références, notamment en économie de la santé "hétérodoxe".

Arnold S. Relman: Ethique et valeurs médicales dans un monde marchand où la santé n’est qu’un commerce parmi d’autres
http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/archive/2008/04/18/ethique-et-valeurs-medicales-dans-un-monde-marchandise-ou-la.html
Nous citons un extrait de "Pharmacritique" sur les dangers qui menacent le professionnalisme médical
"Selon Freidson [1], une profession est l’une des trois modalités dont dispose une société moderne pour contrôler et organiser le travail. Les deux autres modalités étant le marché libre et la gestion par des organisations telles le gouvernement ou des entreprises privées. Les conceptions de Freidson impliquent que le travail médical ne se prête pas du tout au contrôle par le marché, par le gouvernement ou les entreprises et que, par conséquent, la médecine ne saurait être pratiquée convenablement qu’en tant que profession.

Selon Freidson [1], une profession est par nature hautement spécialisée et se fonde sur un corpus de connaissances et de compétences qui bénéficient d’un statut particulier au sein des diverses forces de travail. Ses membres sont certifiés au bout d’un programme d’éducation formalisé, contrôlé par la profession, et les membres qualifiés bénéficient d’une juridiction exclusive et d’une position privilégiée sur le marché du travail. Mais la dimension peut-être la plus importante de la profession est son idéologie, qui définit les priorités en plaçant le travail utile et nécessaire au-dessus de la récompense économique et en mettant l’accent sur la qualité et l’utilité sociale du travail exercé par la profession plus que sur sa profitabilité."

(1) Freidson E. Professionalism: The Third Logic. Chicago, IL : University of Chicago Press; 2001

L'article de Paul Redman:
Medical Professionalism in a Commercialized Health Care Market: l'article en  Fulltext
http://www.mc.vanderbilt.edu/root/pdfs/thoracic/Medical_Professionalism_in_a_Commercialized_Health_Care_Market.pdf

Market base failures. Robert Kuttner - Ses articles
En anglais - Traduction en français (par pharmacritique)

Articles de Paul Krugman - Ses articles
Why markets can’t cure healthcare?
Health Care Destruction - Health Reform Myths - Health Care Realities
The Health care racket - Health Care Terror - Health Care Hopes
The Health Care Crisis and What to Do About It
Medicine: Who Decides?
A mettre en relation avec ce petit guide économioque de la rémunération des offreurs, qui hélas servent de prétextes à nos gouvernants à la recherche du "grand n'importe quoi" pour rationner les soins en douce et être réélu.
http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/10-91.pdf

La question n'est plus ici seulement "paiement à l'acte" ou paiement au séjour ou séquence X ou Y de séjour ou de parcours, d'un payeur (actionnaire ou gouvernement /sécu) vers un directeur asphyxié et fliqué qui va salarier un médecin réduit au rôle de simple technicien. Brave new world








* Le système qualité est indissociable de la tarification à l'activité, dans la logique du marché des citrons d'Akerlov. Dans la théorie de l'agence, la "certification" est censée éviter que l'offreur de soins n'offre des "produits pourris", ce à quoi incite les pseudo-marchés bien évidemment (mécanismes de prophétie auto-réalisatrice provoqué par les pseudo-marchés). Exemple: le PMSI actuel MCO et SSR ne peut démontrer que très partiellement que le privé sélectionne les AVC qui récupèrent bien et n'ont guère de complexité bio-psycho-sociale associée (rentabilité et Durées Moyennes de Séjour (DMS courtes).
Aussi notre santé individuelle doit hélas être considérée dans ce modèle d'agence comme une "voiture d'occasion". (George Akerlov "the market of lemons")

jeudi 1 novembre 2012

La fabrique du handicap: l'IGF pour les nuls ou le triomphe de la pensée mutilante


« We can't solve problems by using the same kind of thinking we used when we created them" Albert Einstein

Paradigmes: « principes "supra-logiques" d'organisation de la pensée (...),principes occultes qui gouvernent notre vision du monde et des choses sans que nous en ayons conscience. Edgar Morin


1. Extrait du rapport de l'IGF sur la tarification des soins hospitaliers et des actes médicaux (sous le lien précédent; extrait de la 2ème page de la synthèse)


« Il est en effet possible de sauvegarder la logique tarifaire dans un cadre régulé global. En ce sens la mission s'inspire de l'exemple allemand. Dans le schéma de raisonnement médico-économique qu'elle promeut (note JPD: schéma issu du modèle officiel de performance publique de l'OCDE et de la LOLF) la mission présente un ensemble de mesures cohérentes qui s'appuie sur deux piliers:

Le premier volet repose uniquement sur des outils tarifaires. Ces derniers auraient pour vocation à poursuivre l'objectif d'optimisation du système de production des soins et donc de la répartition équitable des financements; les tarifs seraient conformes aux coûts efficients des établissements sans aucune correction; la CCAM cible serait actualisée pour venir s'inscrire dans une démarche plus globale de la CNAMTS.*

Le second volet repose sur des mécanismes complémentaires aux outils tarifaires orientant davantage le financement vers les besoins . Ils viseraient à financer:
  • Les activités sous-efficientes et justifiées au sein de missions d'intérêt général mieux encadrées. (c'est nous qui soulignons)
  • La restructuration des établissements en finançant transitoirement une sous efficience non justifiée en la mettant sous pression budgétaire 
  • Une politique de qualité de pertinence et de coordination des soins, notamment via un fond d'intervention régionale. »
Avant de lire le "commentaire", ami lecteur, je te conseille vivement de mesurer l'ampleur des dégâts de cette pensée mutilante et unidimensionnelle qui ne pouvait conduire qu'à des actions mutilantes:
Il n'y a pas que l'hôpital: voir le post de Fluorette - et la  Lettre du Dr Arielle Salon à Marisol Touraine
« Plus grave encore est l’absence d’identification du dévoiement actuel de l’Assurance-Maladie. Son directoire issu des assurances privées se cache derrière le masque d’une sécurité sociale solidaire ; il cumule un management libéral contre-productif (chasse truquée aux arrêts de travail, falsification des chiffres, harcèlement des médecins généralistes), avec l’escroquerie intellectuelle généralisée et le gouffre financier que constituent ses programmes d’éducation thérapeutique aussi inutiles que mal évalués. (...) Le « payeur aveugle » des années 80-90 s’est transformé en donneur d’ordre incompétent »


2. Commentaire

Le second volet vise à répondre aux besoins? Ceci voudrait dire que le premier mécanisme ne l'est pas, lui, orienté vers les besoins? Bien curieuse vision de l'économie de la santé ou aveu involontaire de la logique de rationnement des soins que porte en elle cette pauvre conception de l'action publique?

Quelles sont donc "Les activités "sous-efficientes nécessaires et justifiées"?

L'intelligence aveugle du modèle de performance publique, joint à la pensée classificatoire et disjonctive privilégie ce qui est simple, aisé à codifier et à tarifer. Elle ignore par construction même les déterminants de santé complexes, ceux qui explicitent les causes réelles de l'hospitalisation, les situations de rupture des système de soins et d'aide qui font exploser les urgences, les maladies chroniques et le processus de production du handicap. Faire fi à ce point et à contre-évidence de la transition épidémiologie, démographique et sociologique  en amputant d'emblée toute possibilité de repenser les priorités de santé publique dans la perspective de la défragmentation de l'organisation et du financement de l'action publique est une erreur radicale des politiques publiques de santé françaises. Inertie politique avant tout.

La réadaptation: une catégorie perdue de l'action publique


Activités sous efficientes et justifiées? Il s'agit notamment de la réadaptation, la grande oubliée des politiques publiques depuis que les lois de 1970 et 1975 l'ont irrémédiablement dissociée en France des politiques de lutte contre le handicap.
 La réadaptation n'est plus une catégorie de l'action publique en France. Quelle que soit son intensité, sa complexité et les compétences requises, elle n'est plus reconnue comme priorité de santé, tant pour les soins les plus techniques, comme pour la réadaptation après attaque cérébrale, après cérébro-lésions graves, lésions de la moelle épinière, traumatismes complexes, brûlures étendues, amputations ou grands rhumatismes déformants, que pour les savoir-faire étroitement associés, développés pour la réintégration sociale et la promotion de l'autonomie fonctionnelle et sociale. N'étant plus identifiée, la réadaptation ne sera ni organisée, ni graduée en tant que telle, ni financée à hauteur des besoins de soins. L'effondrement des SSR français, l'impasse d'autorisations SSR conçues dans une perspective essentiellement financière pour segmenter les séjours aigus et l'impasse ubuesque du modèle de tarification en SSR pour une ATIH laissée sans pilote politique en sont la triste conséquence. Comment cela a-t-il été possible? Parce que dans le paradigme de "vie autonome" à la française, les abstractions "d'en haut" ont pensé qu'il fallait protéger la personne handicapée et son "projet de vie" de toute démarche intégrative issue du monde médical. Il fallait en même temps, selon le modèle managérialiste triomphant, recentrer l'hôpital et son système d'informations sur ses fonctions de "machine à guérir" pour pouvoir industrialiser les process du nouvel hôpital-entreprise. "L'usine à soins", absurdité inhumaine promue avant tout par les politiques de santé plus que par le modèle "bio-médico-technique" que les pompiers pyromanes imputent aujoud'hui aux seuls médecins, a ainsi abandonné sans filet de sécurité, et sans système d'information pour les rendre visibles, tous ceux qui n'avaient pas les habiletés fonctionnelles et sociales suffisantes pour se mouvoir seuls ou trouver les accompagnements toujours plus raréfiés et cloisonnés dans le labyrinthe créé par les nouvelles failles entre soins et social. Bien pire, cette pensée mutilante et bien de chez nous de l'énarchie de santé publique en est venu à occulter la partie sanitaire de la réadaptation, le terme persistant, dénué de tout sens opérationnel et, là encore à contre-évidence cantonné au post-aigu, dans l'expression Soins de Suite et de Réadaptation (SSR).
Au contraire, la réadaptation est le plus souvent, à l'international, étroitement intriquée aux soins aigus, à l'accompagnement social de la dépendance, à l'intégration sociale et à la promotion de la vie autonome avec les parties prenantes. La réadaptation doit certes viser à s'effacer au fil du temps, activation et empowerment visant à permettre aux personnes de ne plus dépendre, ou le moins possible et en gérant leurs propres choix, des système de soins et d'aides. Ce qui serait raisonnable, ce serait de trouver un équilibre harmonieux au quotidien, dans les territoires, entre les deux approches intégrative et participative du handicap, entre "réadaptation" et "vie autonome". La technocratie française, toute de disjonctions, de réductions et d'abstractions, en est-elle capable?

C'est la grande fragmentation socio-sanitaire qui a créé les "Français du département" et les "Français de l'Etat" et qui a en même temps conçu l'hôpital comme simple "machine à guérir". Elle est devenue fragmentation culturelle, institutionnelle et financière (expression du rapport Larcher, qui avait des constats justes mais de bien mauvaises solutions... mises en oeuvre dans la loi HPST)

Cet effondrement tranquille de la politique de réadaptation française impacte aujourd'hui toutes les maladies et états chroniques handicapants quelle qu'en soit l'étiologie et à n'importe que âge.

L'Organisation des Nations Unies, l'OMS et le conseil de L'Europe (voir 3.10. Ligne d’action n° 10 : Réadaptation) incitent pourtant à ne pas dissocier politiques de réadaptation et de participation des personnes handicapées . Exception ou mal français?

Et par qui seraient-elles encadrées?

Par une assurance maladie obligatoire exsangue et par des assurances complémentaires qui n'ont qu'une idée commune, c'est de les "dé-justifier" en en masquant la nécessité, progressivement, et depuis au moins quatre décennies? Nul doute que partout, la réadaptation, dans tous ses aspects coûteux (ou "sous efficients" car non captés par le modèle), tend à être exclue du panier de soins. Elle dépendra comme aux USA, pour ce "reste à charge" là, d’éventuelles complémentaires inaccessibles à la majorité des patients.

Lire "ces américains soigné par tirage au sort": est-ce cela que nous voulons? Non!

Quel sens donner sinon à l'effroyable fragmentation des enveloppes socio-sanitaires qu'on masque par les incitations gestionnaires et gesticulantes à la coordination de gaps dont on accuse les acteurs? Les agences régionales viendraient, nous dit-on, les résoudre par leurs incitations gestionnaires, leurs "coordinateurs de filières", à moins que ce ne soient des envoyés de la "sécu" chargés d'orienter à la place des inefficients hospitaliers les patients à la sortie de l'hôpital. Comment accepter ce discours alors qu'on a privé nos équipes, par l'effet des variables d'ajustement sous asphyxie financière, de presque tous les moyens médicaux, paramédicaux et sociaux de prévention du handicap évitable et d'intégration des soins pour les maladies chroniques (exemple du PRADO)?

Balivernes! Plus c'est gros plus ça passe?

Vous avez dit coordination?

La coordination, mot problème plus que mot solution, doit émerger du terrain, des acteurs qui connaissent le territoire, ses malades et ses ressources, qui savent y assembler les compétences et en connecter les multiples réseaux. Méfions nous surtout des réseaux à pilotage trop centralisé et descendants et de la course aux enveloppes fléchées, qui ne suscitent que la défiance et la division pour la survie.

« Est-ce que j'ai une gueule d'activité sous-efficiente nécessaire et justifiée?» aurait dit Arletty dans "Hotel du Nord"

Que faire?

Une atmosphère bien délétère assurément. Peut-on améliorer la situation?
Oui, en améliorant l'intelligence collective de la situation, aux différents niveaux de gouvernance. A condition:
Que les usagers, leurs associations, les professionnels et les élus cessent de se laisser abuser par les faux résultats produits pour masquer la réalité de la destruction des soins de santé.
Qu'ils se posent avant d'aller se faire soigner dans une structure libérale ou hospitalière quelques questions simples: 
« Y trouverai-je les compétences (en qualité et quantité), les installations et les équipements dont j'ai besoin au regard des meilleures pratiques? Serai-je informé et associé au programme de soins? »
Ils ne trouveront les réponses ni dans les palmarès du Point, ni dans les indicateurs de la Haute Autorité de Santé, ni sur les sites de la fausse qualité et des indicateurs myopes dont parle Nicole Delépine (exemple site PLATINES).

« Insanity: doing the same thing over and over again and expecting different results. » Albert Einstein 

Note JPD: dans la même logique va se déployer l'ubuesque et si chronophage CSARR, Catalogue Spécifiques des Actes de Rééducation et Réadaptation en SSR; "inoptimisable" pour le public qui n'est pas organisé pour bien coder cette usine à gaz plutôt promue par les gros centres privés non lucratifs, ni pour les petites structures privées


Réadaptation et vie autonome - Gerben DeJong - Texte intégral



samedi 27 octobre 2012

Décès d’un des plus grands ubulogues français, créateur des "Shadoks", Jacques Rouxel

'Patagestion et shadokologie


Jacques Rouxel, un des plus grands ubulogues français, s’est éteint à l’âge de 73 ans. Ceux qui ont connu 68 se souviennent de celui qui est une des plus formidables critiques des politiques publiques et du management. Il décrivait dans de courtes animation servies par la voix de Claude Piéplu, la vie des shadoks et des gibis, sur des planètes imaginaires. 
De grande figures apparaissaient dans la gestion absurde de la société shadok, 
- le roi shadok, maître des « politiques publiques », 
- le professeur Shadoko « l’expert scientifique », 
- le devin plombier, « l’ingénieur des solutions imaginaires »aurait pu dire Alfred Jarry, 
- enfin le marin shadok, « le manager » qui fait ramer les autres. 

La tâche principale des shadoks, on s’en souvient, était pourtant de "pomper" mais sans savoir pourquoi. Pour les shadoks, l’action est irrémédiablement déconnectée de toue finalité, c’est le cœur du message. L’action est poïesis et non praxis, l’exécution est dissociée de sa conception qui dépend des personnages cités plus haut

Rouxel avait fait un passage à HEC. Tout comme Dilbert, comme Chesterton et comme Philip Muray dans un autre genre, il pousse vers des sommets la redoutable heuristique de l’humour, de l’absurde et du nonsense dans son analyse du caractère ubuesque d’une action publique et d’un management déconnectés de toute vision des résultats réels, par ignorance du travail réel et de ce que qui fait sens pour les acteurs au contact du public. "What else?", est-on tenté de dire à l'heure du New Public Management.

Rouxel est donc régulièrement cité par tous ceux qui dénoncent l’impasse du managérialisme actuel notamment pour le système de santé.

Pour ceux qui veulent revoir découvrir les shadoks avec l'inimitable voix de Claude Piéplu http://www.lesshadoks.com/



Citations de Jacques Rouxel

«S’il n’y a pas de solution c’est qu’il n’y a pas de problème.»

« Pour guérir quelque chose qui ne marche pas ou fait trop de bruit, il faut et il suffit de taper dessus avec quelque chose qui marche mieux ou qui fait plus de bruit. » 
Le grand intelligencieur et le docteur shadok (dans la série Meu)

"Avec un escalier prévu pour la montée, on réussit souvent à monter plus bas qu'on serait descendu avec un escalier prévu pour la descente.

«Il vaut mieux pomper même s’il ne se passe rien que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.»

«Pour qu’il y ait le moins de mécontents possibles il faut toujours taper sur les mêmes.»

«Dans la marine on ne fait pas grand-chose mais on le fait de bonne heure.»

«Quand on ne sait pas où l’on va, il faut y aller... Et le plus vite possible.»

«Le passé ne sera jamais pire que l'avenir.»

«La probabilité de réussir la mise sur orbite d'une fusée est d'une chance sur un million. Dépêchons-nous de rater 999.999 lancements !»

«Les ordinateurs, plus on s'en sert moins, moins ça a de chance de mal marcher.»

"C'est encore dans la marine qu'il y a le plus de marins."

«En essayant continuellement on finit par réussir. Donc : plus ça rate, plus on a de chance que ça marche.»

"C'est en forgeant que l'on devient musicien."

Les passoires: exemples des catégories shadoks, à appliquer à l'organisation sanitaire française des "filières"

On appelle passoire tout instrument sur lequel on peut définir 3 sous-ensembles : l'intérieur, l'extérieur, et les trous. L'intérieur est généralement placé au-dessus de l'extérieur, et se compose le plus souvent de nouille, et d'eau. Les trous ne sont pas importants. En effet, une expérience simple permet de se rendre compte que l'on ne change pas notablement les qualités de l'instrument en réduisant de moitié le nombre des trous, puis en réduisant cette moitié de moitié, etc, etc. Et à la limite, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de trou du tout. D'où théorème : la notion de passoire est indépendante de la notion de trou. Et réciproquement. On appelle passoire du 1er ordre les passoires qui ne laissent passer ni les nouilles, ni l'eau. On appelle passoire du 2nd ordre une passoire qui laisse passer et les nouilles, et l'eau. On appelle passoire du 3e ordre, ou passoire complexe, les passoires qui laissent passer quelquefois l'un ou l'autre, et quelque fois pas. Pour qu'une passoire complexe laisse passer l'eau, et pas les nouilles, il faut et il suffit que le diamètre des trous soit notablement inférieur au diamètre des nouilles. Pour qu'une passoire complexe laisse passer les nouilles, et pas l'eau, il faut et il suffit que le diamètre des trous soit notablement inférieur au diamètre de l'eau. Quand aux passoires du premier ordre qui ne laissent passer ni les nouilles, ni l'eau, il y en a de 2 sortes : les passoires qui ne laissent passer ni les nouilles, ni l'eau, ni dans un sens, ni dans l'autre, et celle qui ne laissent passer ni les nouilles, ni l'eau, que dans un sens uniquement. Ces passoires là, on les appelles des casseroles. Il y a 3 sortes decasserole : les casseroles avec la queue à droite, les casseroles avec la queue à gauche, et les casseroles avec pas de queue du tout, mais celles là, on les appelle des autobus. Il y a 3 sortes d'autobus : les autobus qui marchent à droite, les autobus qui marchent à gauche, et les autobus qui ne marchent ni d'un côté, ni de l'autre. Mais ceux là, on les appelle des casseroles

samedi 29 septembre 2012

Propositions du Mouvement de Défense de l'Hôpital Public - E = MC²


1. Message du Pr. Bernard Granger adressé aux médecins des hôpitaux au sujet des nouvelles propositions du MDHP


Chers collègues,

Vous trouverez ci-jointes les propositions du MDHP pour l’hôpital public, signées par un grand nombre d’entre vous, de nombreux collègues des autres CHU, d’hôpitaux généraux ou psychiatriques. Ce texte est à diffuser le plus largement possible.

Nous avons demandé cette semaine un rendez-vous à la ministre des Affaires sociales et de la Santé pour développer devant elle nos arguments.

En voici les principaux points :

- une modulation de la tarification en fonction du type d’établissements,
- une limitation du champ d’application de la tarification à l’activité,
- un objectif national des dépenses d’assurance maladie permettant de répondre aux besoins et d’assurer une qualité des soins satisfaisante, en particulier grâce au maintien des emplois soignants,
- une gestion décentralisée selon un principe de subsidiarité,
- la recherche du juste soin au juste coût,
- le développement des activités ambulatoires,
- la fin de l’empilement actuel d’évaluations procédurales bureaucratiques,
- une rééquilibration de la gouvernance hospitalière (une direction administrative, une direction médicale, et dans les CHU une direction pour l’enseignement et la recherche),
- une organisation hospitalière guidée par la logique soignante et centrée sur les services,
- un effort d’investissement suffisant, sans partenariat public-privé, dont l’expérience a montré la nocivité, pour conserver un système hospitalier digne de notre pays.

Le Parisien du 28 septembre a consacré la une et huit pages de son magazine à cet appel (voir articles ci-joints). Vous lirez avec un intérêt tout particulier les témoignages terribles rapportés en dernière page de ce dossier. Ils montrent à quel point la prise en charge des patients s’est dégradée, à la limite du supportable. Nous sommes loin du monde de Bisounours décrit par la propagande institutionnelle payée à prix d’or auprès d’agences de communication ou autres prestataires extérieurs.

Amitiés et bon courage.

Bernard Granger.

Le Parisien du 28 septembre 

Hôpital: le cri d'alarme
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2. Le Texte et des réactions sur le site de Dominique Dupagne




3. E = MC², ou le pari de la confiance



Nous avons à plusieurs reprise appelé sur ce blog à libérer les hôpitaux et le système de soins français en général de l'infantilisation managériale qui les mine. Elle ne conduit qu'à la paralysie et au désespoir ce tous ceux, médecins, autres soignants, autres professionnels de santé enfin, qui tentent encore de se dévouer aux malades. La réforme de la gouvernance est aujourd'hui une impérieuse nécessité.

Il faut d'urgence redonner aux professionnels, aux élus, aux managers et aux usagers une juste place dans les processus de décision, au niveau de gouvernance où leurs connaissances sont effectivement structurantes. Gardons nous de cette fausse transparence, de cette "démocrature" sanitaire toute d'agences bureucratiques et de concurrence encadrée. Les médecins et les paramédicaux doivent pouvoir de nouveau organiser les soins en équipe, au contact du public, loin des faux ingénieurs de soins qui ne savent que cloisonner les professions et détruire les compétence d'équipes au nom de modèles industriels. Ces modèles inadaptés mais imposés "d'en haut" confondent chaîne de montage et soins à une personne dont l'état et l'évolution sont si souvent marqués par l'imprévisibilité et l'incertitude. Non qu'il n'y ait pas quelques process industriels à identifier à l'hôpital, surtout en terme de logistique, ni un certain nombre de prise en charges simples et standardisables, aisées à codifier et à tarifer. Mais cette différence capitale liée à "l'intrant" humain des activités de soins nécessite réactivité et apprentissage en équipe. Stabilité, compétences collectives et motivations sont la garantie de la qualité et de la sécurité des soins, loin des balivernes des cost-killers et des des sociétés de conseil quand ils ne savent que vanter la flexibilité, la mutualisation et la dé-professionnalisation (poly-compétence). Cessons de cacher la sous information permanente des acteurs dont on écarte les compétences d'organisation des soins derrière la fausse transparence des grand-messes powerpoint et  des simulacres de concertation. Cessons de nommer rationalisation ce qui n'est que le rationnement aveugle le plus souvent maladroit et contre-productif. Cessons de cultiver les gaps dans les parcours de soins, les talents d'incompétences exacerbés par nos organisations en lieu et place des compétences clés, faute de savoir les assembler et d'aggraver chaque jour l'amnésie organisationnelle. Cessons de gaspiller l'argent public en fausse qualité "Bisounours", si chronophage pour des équipes exsangues sommées de mettre les croix dans les cases du contrôle externe. Ce reporting exponentiel qui détourne des soins ce qui reste de"cadres de santé" n'est plus qu'une mascarade destinée à masquer l'absence critique de la mesure d'une vraie qualité des soins. Celle-ci a son prix quand on veut bien ne pas la mépriser et la nier avec une telle arrogance. Ubu c'est bien le pouvoir absurde, sans contre-pouvoir.

Sachons enfin renouveler les réseaux de confiance selon une formule pourtant classique en bon management, le vrai, celui qui fait de l'homme une fin et non un moyen ou une "ressource humaine".

E = MC²: L'efficacité humaine est le produit de la Motivation au travail par les Compétences et la Culture de l'organisation, dont celle de la communication et de la gestion des connaissances.
Anderson donne la véritable formule de la performance, bien différente de celle de l'OCDE et de la LOLF
Ability  level * Mental state = Performance
Reconnaissance au travail , Autonomie des pratiques professionnelles au niveau des collectifs de travail et Participation effective aux processus de décision, sont les éléments essentiels de cette équation dans les organisations soignantes.


Mais nous avons cassé un système de compétences hospitalières lentement acquis au fil des ans pour cette sinistre application française du Nouveau Management Public et ce triste modèle managérial de la carotte des leurres marchand et du bâton des indicateurs myopes.

Pour ceux qui aiment le jazz

E= MC² c'est bien sûr la formule si célèbre d'Einstein, mais c'est aussi le titre d'un merveilleux album de Count Basie. Retrouvons ce chef d'orchestre historique dans cette vidéo:
Le nouveau directeur de la loi HPST, seul "patron de l'hôpital", ce grand architecte des soins et des filières va-t-il disparaître?
Sous cette forme là, bien seul en effet face à ce qui reste de la communauté médicale, nous le regretterions presque...


mardi 4 septembre 2012

Lexique 'pataclinique* des effets pervers de la performance publique en santé


* La ‘Pataclinique est la connaissance systématique des effets des solutions imaginaires en santé.

"Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai falsifiées moi-même" Winston Churchill

" Il y a trois sortes de mensonge, le mensonge, le fieffé mensonge et les statistiques" Benjamin Disraeli (cité par Mark Twain) 


La chaîne de la performance publique (voir aussi les modèles de l'OCDE)




Quelques effets de la "performance publique"

Loi de Goodhart: « toute mesure qui devient un objectif cesse d’être une mesure ». 

Effet Goodhart ou effet « tableau de bord »: l’ inversion des fins et des moyens

L’effet tableau de bord consiste à déplacer l’ensemble des efforts sur les indicateurs mesurés au détriment des dimensions de la qualité qui ne contribuent pas à l’allocation de ressources pour une unité de production ou un acteur. La distinction entre qualité et non qualité ne se fait plus sur ce qui compte pour les professionnels, mais entre ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Exemples : la Durée Moyenne de Séjour (DMS), la mesure de consommation des solutés hydro-alcooliques et pour l’université les g et h factors et le classement de Shanghaï. Le balanced scorecard est supposé limiter ces effets désastreux.

Effet « bidouille »: la spirale de la défiance

C’est la tendance des unités et organisations à arranger les données pour améliorer leur bilan. Cela va de l’optimisation bien conduite à la triche pure et simple, en passant par le surcodage licite ou « agressif ». Cette pratique est aussi vieille que le contrôle de gestion. Exemples le DRG creep ou surcodage en T2A. L’effet bidouille conduit à croissance exponentielle des contrôles externes et du reporting (surveiller et punir).

L'effet  « boite de Pandore » : la division machiavélique

Il consiste pour une coalition politico-médiatique hégémonique à accuser d'un mal qu'elle a produit et dont elle tente de se dédouaner une partie d'une coalition jugée dangereuse pour en faire un bouc émissaire. La coalition visée s'épuise en luttes fratricides et ses défenses seront alors aisément enfoncées par les "réformateurs", sur les sujets qui ne sont pas au devant de la scène médiatique. Exemple: la mise à l'agenda officiel des notions de "déserts médicaux" et les "dépassements d'honoraires" permet de contraindre le débat public à poursuivre le chemin de la coercition incitative dans l'esprit de la loi HPST.
Cette exacerbation permanente par l'Etat des conflits hobbesiens entre juridictions professionnelles est une méthode internationale promue par l'OCDE pour ajuster les dépenses publiques. Elle est toutefois plus qu'ailleurs et pour de nombreux auteurs, une composante majeure du "mal français" et de la "société bloquée". Elle conduit à faire du système de soins un "réseau de défiance" et de concurrence par des leurres marchands dans une chimère faite d'incitation gestionnaire et de coercition technocratique. Elle désintègre toujours plus les soins au lieu de les intégrer.

Effet « mirage »

La production de données construit une représentation de la réalité en boucles autoréférentielles entre la technostructure qui maîtrise l’information et sa diffusion aux acteurs et le sommet stratégique. Il s’agit du mécanisme par lequel le sommet stratégique finit par prendre « la carte pour le territoire », en oubliant les croyances fondatrices et les modèles qui ont sous-tendu la construction du système de données. Le seul moyen de réduire l’effet mirage est d’aplatir la pyramide de l’organisation. Exemples : le PMSI, l’effet des sept niveaux d’organisation de l’AP-HP.

Effet « pharaon »

Les difficultés inhérentes à la gestion par les résultats entraînent le désintérêt du régulateur pour la finalité du service public face à l'obsession des coûts. Il recours alors aux méthodes les plus expéditives notamment la planification budgétaire et la gestion axe sur les résultats court-termistes, renonçant à une réforme partagée avec les parties prenantes. Exemples : expansion de la bureaucratie du « tout incitatif » dans la loi HPST, asphyxie des hôpitaux sous Ondam fermée.

Effet « pont de la rivière Kwaï »

Un groupe d’acteur engagé dans un projet qui lui tient à cœur tend à le mener à terme même s’il s’avère que le projet est inapproprié ou trop coûteux. A rapprocher de l’effet paquebot qui relève des promoteurs Exemples : le catalogue des actes (CSARR) en SSR, la construction de la T2A en psychiatrie.

Effet « paquebot »

Le sommet stratégique ne parvient guère à remettre en cause la poursuite d’un projet quand des investissements importants lui ont été consacrés. Il faut une décision politique pour l’infléchir. Exemples : la certification des établissements de santé, la T2A en SSR, la mobilisation d'acteurs sur la version 2 d’Actipidos, logiciel obsolète et sans doute incompatible avec le nouveau SI à l'AP-HP.

Effet Pygmalion 

Effet qui conduit à l’immobilisme avec l’effet paquebot et l’effet Pont de la rivière Kwaï. La construction d’un système d’évaluation des résultats suscite toujours un amour immodéré et aveugle de la part ses créateurs. Il est donc souvent illusoire de leur demander de l’abandonner pour un autre.

Effet Parkinson

Dérivé de la loi du même nom, il s’agit de la tendance à l’hypertrophie progressive du personnel dédié à l’évaluation au détriment des opérationnels dans les organisations soumises à la gestion par les résultats.

Effet Illitch : "Au-delà d'un certain seuil, l'efficacité humaine décroît, voire devient négative."

La poursuite de résultats trop exigeants produit l’effet inverse de ce qui est désiré. Le managérialisme va ainsi très souvent à rebours des objectifs affichés.

Effet « poudre à éléphant »

Décrit par Paul Watzlawick, il consiste à persister dans l’utilisation d’un indicateur inutile, chronophage et coûteux au prétexte qu’il a empêché un mal hypothétique que personne n’a jamais vu.

Effet « en U »

Dans le cadre d’un paiement des employés et/ou d’unités à la performance (P4P), sont mécontents à la fois les employés les plus « vertueux » mais aussi les moins productifs. Le P4P finit par détériorer la coopération au sein des équipes et entre unités, et ces tensions nuisent à la performance en détériorant l’état d’esprit au travail. Mais bien plus grave est l’effet de prophétie auto-réalisatrice.

Effet de « prophétie auto-réalisatrice » ou effet «rational fool »

C’est un des effets les plus pervers de la gestion par les résultats quand elle prend l’aspect de la concurrence par comparaison. Fondée sur la modélisation par l’économie de la santé des médecins en "idiots rationnels" (Amartya Sen), calculateurs et égoïstes, la concurrence finit par induire les comportements individualistes prévus par la théorie. Ceux-ci nuisent aux comportements coopératifs et altruistes entre soignants et entre unités opérationnelles, indispensables à la qualité des soins.

Effet « papillon » ou « non infaillibilité du système prévisionnel »

L’introduction d’un indicateur, en modifiant les comportements opportunistes non pris en compte, peut entraîner de proche en proche une variation, évoluant comme l'exponentielle du temps écoulé, de l’ensemble du système. Exemple : dans le contexte de la dérégulation systématique des conditions techniques de fonctionnement, censées être remplacées par des indicateurs de performance,  les indicateurs liés au projet de « Libération de surfaces non indispensables au fonctionnement des Groupes Hospitaliers » (AP-HP) entraîne la prédation par effet d'aubaine des locaux de rééducation fonctionnelle, entre autres, ou la promotion sans garde-fous par les directions en mille-feuille de ratios “maltraitants” aux yeux des soignants.

Effet « paratonnerre »

C’est un système d’indicateurs qui permet aux problèmes réels de traverser l’organisation sans laisser de traces quand elle n’a pas de solution tout en montrant qu’elle s’en occupe. Créer une commission ou une nouvelle fonction remplit souvent cette fonction. Exemple : le thème de la « précarité » est l’arbre qui cache la forêt des déterminants psycho-sociaux de la santé, des motifs d'hospitalisation et des nouvelles demandes de soins (maladies chroniques, vieillissement et handicap).

Effet « bouc émissaire » ou fusible

Certaines professions ou fonctions occupent une place de choix, à chaque étage de l’organisation, pour justifier les erreurs radicales des pompiers pyromanes, de la déviance du management et des processus de décision. A l’hôpital c’est l’interne en médecine dans l’unité, pour l’administration c’est le cadre paramédical de pôle, pour la sécurité sociale ce sont les médecins assoiffés d’argent et les malades irresponsables et hyper-consommateurs. Exemple : la construction artificielle du « trou de la sécu ».

Effet Peter et sa variante de Dilbert

Les entreprises nomment souvent les incompétents là où l’on pense qu’ils feront le moins de dégâts. Ils sont souvent affectés aujourd’hui aux postes dédiés à la qualité. Joint aux effets “papillon” et “Parkinson” cet effet explique la dégradation rapide de la performance de nombreuses structures de soins. Pas d’exemple particulier, cette loi est universelle. Mais certains convertis, devenus croyants de la nouvelle doxa, engagent des sommes extravagantes auprès de l'ANAP, ce qui engraisse les cabinets de conseil (voir Canard enchaîné du 29 août). En réalité il semble que l'on ait guère le choix d'échapper à ce racket coordonné par l’État et les ARS. Il y a aussi de faux croyants qui sont des managers de transition, en charge de restructurations à la hache.

Effet Solow

L’informatique est sans doute utile mais l’excès de confiance dans le système d’information conduit à l’hypertrophie exponentielle du reporting et de groupes de travail déconnectés du réel. Cela mène à l’accroissement des effets mirages, à la perte de vue du travail réel et des conditions possibles de l’amélioration de la performance. Ceci conduit à dire qu’on voit les ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité. Exemple les palmarès du Point. Il n'y a pas de domination plus efficace que celle qui peut s’autoriser d’une opinion publique « informée » (au sens de mise en forme) par les croyances que diffusent conjointement médias et pouvoirs publics.

Effet Knock: la confusion des objectifs dans la performance publique

« L'administration par objectif est efficace si vous connaissez les objectifs. Mais 90% du temps vous ne les connaissez pas ».Peter Drucker
Les objectifs doivent être définis avec les parties prenantes dans une vision partagée des résultats. Exemple : en termes de résultats (outcome) vise-t-on l’outcome pour le patient, du point de vue clinique, l’outcome sous forme d’indicateurs jugés pertinents pour une population observée du point de vue de la santé publique, ou encore du point de vue des ‘impacts’ socio-économiques définis par la nouvelle hégémonie des sciences sociales érigée en théorie de la performance publique? L’effet Knock asservit la médecine, qui s’occupe des vrais malades et de ceux qui risquent à coup sûr de le devenir, au mythe de la construction du bien être aseptisé et rationnel qui s’occupe des biens portants. Exemples: les "médicamenteurs", le "trouble dysphorique du lundi matin" et la promotion officielle de la 'patamédecine à l'AP-HP.
Un calcul savant de coûts d'opportunité alors qu'on compte les draps et les seringues dans des unités vides de soignants?

Mise à jour du 29 septembre 2012: retrouvez tous les effets sur:
https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/liste-des-effets-patacliniques

Effet Hobbes - MIntzberg

L'asphyxie des établissements de soins sous Ondam fermée transforme le système en "arène politique" au sens de Mintzberg. Chaque acteur, chaque structure est entraînée dans une lutte pour la survie et l'acquisition des ressources de plus en plus rares. Cette guerre de tous contre tous s'accompagne d'une course au lobbying pour mettre à l'agenda politique des priorités de santé publiques puis récupérer les enveloppes fléchées qui en descendent. Voir la dia jointe.

Effet Granger ou effet "mille-feuille »

L'invisibilité du travail réel et de la qualité des soins croit proportionnellement à l'épaisseur de la pyramide managériale dont les effets brejneviens sont bien décrite par bernard Granger. Quelques dias
Prend son meilleur effet joint à l'effet "boite-à-oeufs" de cloisonement des profession par la gestion des ressources humaines et l'effet "tuyau d'orgue" entre les disciplines médicales et paramédicales.
A du être bien et longtemps travaillé par les crânes d'oeuf pour porter ses fruits dans la décomposition des soins observée dans certaines grandes pyramides des soins de santé, car les professionnels ont spontanément tendance à coopérer dans l'intérêt des patients. Fonctionne en synergie avec l'effet Pierru et l'effet Belorgey : lire l'hôpital en sursis (Granger et Pierru)

Effet Grimaldi ou « viol éthique »

Cet effet décrit par André Grimaldi explicite la rationalisation managériale et pouvourvilienne de l'intériorisation des choix tragiques. Celle-ci enjoint aux "producteurs de soins" de financer les malades non rentables par les malades rentables, conduit à la suppression occulte car non captée par le système d'information des prises en charge de malades "non rentables". Le viol éthique est aussi décrit comme double relation d'agence pour le médecin: dans la théorie de l'agence il est à la fois agent du patient (premier principal)  qui lui a fait confiance et agent de l'administration (second principal) devant qui il est imputable des dépenses et de sa contribution à la santé publique dont le directeur tire sa légitimité. Lié à l'effet Watzlawick. Schéma du portefeuille d'activités cliniques - Double relation d'agence

Effet Galbraith ou effet de "filière inversée" dans les verticalités de groupes


La régulation par les incitatifs incite avant tout les technocratie intermédiaires à s'adapter au modèle de production imposé. Sans garde-fous pourtant prévu par les modèles de yardstick competition, l'optimisation de la fonction de production des GHM conduit à des accords collusifs et des restrictions verticales de circulation des patients (filières internes). Notons au passage que cet effet explique l'impasse actuelle de l'organisation et du financement des Soins de Suite et de Réadaptation (le secteur des soins post-aigus français).

« Celle-ci (la capacité de recomposition) a été parfois mise en avant pour justifier le statut spécifique de l'AP-HP. De fait, le mode d'organisation fédératif est porté par son temps. Il rejoint les perspectives portées par la Fédération Hospitalière de France d'une "stratégie de groupe" pour l'hôpital public alors que les regroupements se généralisent, que ce soit au sein de l’hospitalisation privée à but lucratif (la Générale de Santé...) , des hôpitaux mutualistes (les 51 établissements du groupe hospitalier de la Mutualité française), ou des établissements de soins de suite et d'hébergement médicalisé pour personnes âgées (le groupe Korian et ses 36 établissements en Île-de-France, la Fondation Caisse d'épargne pour la Solidarité). Vont s'y ajouter prochainement les Communautés hospitalières de territoire (CHT) promues par le loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) du 21 juillet 2009 et qui devraient regrouper dans les territoires de santé, en Île-de-France comme ailleurs, les établissements publics de santé.» *"L'AP-HP" par Marc Dupont et Françoise Salaün Ramalho, collection Que sais-je, PUF, page 123 et 124


Effet Pierru ou de prophétie auto-réalisatrice en santé


Si l'on prend le médecin pour un idiot rationnel ou un idiot utile, il finit par se comporter en idiot rationnel qui maximise ses intérêts à la carotte (modèle néo-libéral) ou en idiot utile qu'on mène au bâton et au formatage intellectuel (modèle bureaucratique).


Effet La Boétie- Marcel Aymé - Milgram


Le médecin aime par dessus tout le confort intellectuel, est soumis à l'autorité et sélectionné pour cela, est intolérant à l’ambiguïté et fuit la dissonance cognitive, il adhère donc spontanément au culte des sciences de l'action publique qui le mènent inéluctablement à la servitude volontaire.

La Boétie: discours sur la servitude volontaire
Marcel Aymé: le confort intellectuel
Expérience de Milgram

Effet Belorgey ou « transmutation de la valeur en coût »

Explicite la dissociation entre conception et exécution dans la gestion par les résultats et le blues du clinicien en "technicien supérieur de santé". Cette dissociation managérialiste, clé de la LOLF, sous-tend une dissociation entre prix et valeur du soin: tout problème de moyens centré sur la valeur du soin au sens de sa qualité pour le professionnels est transmuté en problème d'organisation centré sur son coût selon les ingénieurs auto-proclamés du soin. Il faut donc pour le régulateur construire un modèle fictif de résultat porté par l'action publique qui fera le pendant du modèle de paiment pour en masquer le caractère aveugle. Corollaire, tout médecin demandant des moyens sera remplacé par un médecin qui promet des résultats sur des indicateurs myopes. Voir dia sous ce lien

Effet Freidson

Dissociation, décrite par le sociologue américain, de la profession médicale sous l'action du Nouveau Management Public en trois parties: nouvelle configuration négociée pour la médecine scientifique pour l'application d'une EBM totalement dévoyée car vouée à une standardisation industrielle? Celle-ci légitimera les process mis en place par des cadres experts et l'émergence d'un nouvelle élite la médecine gestionnaire liée aux NTIC et cliniciens de base devenus simples exécutants (voir effet Belorgey).

Effet Abbott

Effet utilisé par les réformateurs pour réguler en le manipulant, un marché concurrenciel des "professions de santé". La concurrence porte sur les juridictions professionnelles mais aussi sur le terrain par le contrôle des enveloppes fléchées selon l'effet Hobbes -Mintzberg. Il s'agit d'une concurrence des médecins entre eux d'une part, entre eux, les paramédicaux mais aussi les 'patamédecines non remboursées d'autres part. Le régulateur jour sur "l'inférence" qui correspond à la part implicite la plus procédurale (habiletés et connaissances tacites) des métiers et y applique sa propre rationalisation managériale.

Abbott appuie son analyse des marchés et juridictions professionnelles sur le constat aristotélicien que la nature a horreur du vide, dans l'univers des professions comme ailleurs.
permet de déployer le modèle bisounours du lean appliqué en santé et la ré-ingénierie des professions: flexibilité, mutualisation et déqualification / déprofessionalisation.
La prochaine étape est la fusion de la GRH des médecins et paramédicaux. Rêve de fer.

Effet Shleifer - Pouvourville ou de la concurrence régulée sans garde-fous


Les incitatifs et la concurrence encadrée favorisent l'Intégration verticale d'entreprise sous la forme de "verticalités de groupes" par "ententes collusives", trusts, quasi-trusts et restrictions verticales induites par la T2A. Le régulateur sincère devait se méfier de ces filières orientées production comme de la peste au lieu de les encourager. 
Les restructuration souhaitée par les régulateurs des pseudo-marchés n'a en effet rien à voir avec les modèles d'entreprises intégrées promues par les fédérations de managers de santé pour survivre à la T2A.
La filière "SAU centrée" est aujourd'hui ce qui domine la logique des grands regroupements hospitaliers. Celle-ci est directement issue des préconisations technocratiques de créer des verticalités de groupes dans les hôpitaux publics en cherchant à singer Korian ou la Générale de Santé. Cette filière qui privilégie la fonction de production des GHM et le bed management à courte vue contrarie la logique d'intégration régionale des agences par multiplication des effets pervers non régulés, car ils auraient peut-être pu l'être, de la concurrence régulée (aléa moral et sélection adverse induits par le modèle des contrats incomplets):
  • Sélection de patients, évitement des malades plus lourds (consommation de ressources réelle) n'est pas le plus facile dans le secteur hospitalier public, mais le refus de s'engager vis à vis de l'agence sur certains types de patients (exemple refus de développer des SSR "système nerveux" sans modèle de financement viable) est possible, même si c'est contre performant, d'abord pour la seule "fluidité" sans parler de la "pertinence" des orientations en aval de l'aigu.
  • En revanche segmentation des séjours, baisse de qualité des prestations, transfert de soins et de charge à l'aval, filières centrée sur les besoins de production de l'amont (GHM), trust et restrictions verticales des filières (exemple: l'interdiction au SSR spécialisés d'un GH de prendre les AVC du territoire mais non originaire du GH, au grand dam de l'ARS...)
Effet Korzybski ou quand la carte est prise pour le territoire

Nous décrivons ici les composantes de l'effet mirage pour leur contribution à la construction de la réalité.
La carte se construit à la fois au niveau micro-systémique (clinique) , méso (technocratique)  et macro (politique).
creaming = sur-fourniture de soins pour les patients à bas risques,
dumping = exclusion des patients à hauts risques,
skimping = diminution de l'intensité des soins, sous fourniture de soins
upcoding = codages opportunistes,
collusion = accords contractuels ou absorption / fusion, intégration verticale en vue de monopoles
vertical restraints = intégration verticale amont-aval qui porte pleinement ses fruits en segmentant les
séjours entre aigu et post-aigu (filières de type industriel induites par la régulation et souvent
antagonistes des réseaux réels, une clé pour l'analyse du secteur post-aigu ou SSR tel que "segmenté"
en France).
lobbying = pressions sur les modes d'organisation , de financement et les réglementations, sur la catégorisation des besoins par l'action publique et sur la définition des priorités de santé publique (fléchages mis à l'agenda politique)


“Tout homme bien portant est un malade qui s’ignore.” Jules Romain


Médecine et politique

L'équilibre entre médecine et politique a toujours été précaire. Ces deux arts ont en commun, selon Aristote, qu'ils sont à la recherche de raison (teknè) et que la bonne pratique y est à elle-même sa propre fin (praxis). Face à l'incertitude radicale à laquelle ont confrontées les décisions des "gens de métier", il développe le concept de prudence (phronesis). Les nouveaux sophistes, oubliant toute prudence, ont presque réussi à prendre le contrôle politique de la médecine grâce aux sciences sociales. L'économie de la santé, les nouvelles sciences de gestion et de l'action publique, sont parvenues à faire de la performance publique une théorie du changement social, en vue de la construction de l'homme nouveau et du Bien-être. Cela a été possible par l'extension sans limites de la rationalisation des activités sociales, fondée sur le mythe généralisé de la calculabilité et de la prévisibilité. En d'autres termes la "cage d'acier" de Max Weber se referme aujourd'hui sur la médecine.
Ces sciences inexactes, largement dominées il est vrai par l'économie orthodoxe, ont favorisé l'hégémonie d'une bureaucratie scientiste fondé sur la combinaison chimérique de deux mythes: celui de la gestion par objectifs avec la LOLF, et celui des leurres marchands avec les vertus supposées de la tarification à l'activité.
Avec la mutation de l’État social en État stratège et régulateur, le risque que nous devons affronter est celui d'un effondrement rationalisé, au nom des "coûts d'opportunité", de cette part de la médecine liée à une protection sociale solidaire. Nos patients en pâtissent déjà beaucoup trop. Plus généralement c'est celui du sacrifice sur l'autel de l'utilitarisme d'une médecine humaniste qui fait de l'homme une fin avant d'en faire un moyen, une "ressource humaine", objet d'un "retour sur investissement". Quelle est la fonction de cette nouvelle coalition anti-médicale? Déployer un rideau de fumée et d'imposture scientifique pour favoriser la faisabilité politique de l'ajustement. Machiavel permet au Prince de promettre plus qu'il ne peut tenir. Les ficelles sont grosses; Machiavel n'est plus ce qu'il était. Il mobilise contre nous jusqu'aux charlatans et la 'patamédecine, vieille recette millénaire de l'anti-médecine pratiquée par les sophistes.
Nous avons grand besoin des sciences sociales tout comme de l'histoire et de la philosophie, parce qu'elles nous apportent la "critique sociale". Que ferions nous sans Weber, Bourdieu, Freidson, Castel, Pierru, Belorgey pour interroger nos évidences? Nous savons qu'en matière de santé il y a loin de la carte au territoire. Il faut savoir créer des menaces pour attirer les fonds. La sociologie de l'action publique nous enseigne comment se construisent les problèmes de santé publique, comment ils en viennent à la mise à l'agenda politique sous l'influence de déterminants économiques et sociaux, dans le jeu complexe de coalitions qui tentent de parvenir à l'hégémonie. Il faut dans l'idéal réunir 3 conditions:  un "air du temps", un état favorable du système normatif / prescriptif, une coalition d'acteurs suffisamment unis et enfin une population cible susceptible de se reconnaître et d'appuyer ces acteurs. Celui qui peut dessiner la "carte" se rend maître de l'allocation des ressources. Mais prenons garde aux deux visages des sciences sociales. La science positive de l'action publique détermine aujourd'hui les "coûts d'opportunité" et dit du haut de son expertise ce qui doit être alloué à la santé ou à d'autres secteurs. Halte au constructivisme scientiste des sciences humaines, trop humaines, lorsqu'elles ne savent que développer l'art d'ignorer les malades mal défendus au nom d'un prétendu management rationnel (managed care) au service du rationnement et des fausses promesses!

Webographie



1. Loi de Goodhart


2. Pour en finir avec le P4P

When financial incentives do more good than harm: a checklist BMJ 2012; 345 doi: 10.1136/bmj.e5047 (Published 14 August 2012) Cite this as: BMJ 2012;345:e5047
http://www.bmj.com/content/345/bmj.e5047

3. Médecine et performance publique

4. Les mensonges de l’économie de la santé

5. Guide de décomposition organisationnelle



6. Sociologie de l'action publique