dimanche 5 septembre 2010

Décisions tragiques et inertie clinique


De l'inertie clinique au viol éthique

"Nous savons ce qu'il faut faire et nous ne le faisons pas." Cette situation est fréquente en médecine et a été beaucoup analysée dans le domaine des maladies chroniques (diabète, HTA). Elle a été éclairée par le concept d'inertie clinique et concerne tous les champs d'activité de la médecine. La formule est aussi utilisée quand des données probantes relatives à l'organisation des soins ne sont pas mises en oeuvre comme pour l'AVC au Canada (stratégie canadienne de l'AVC).
Mais au delà, l'inertie clinique peut être expliquée par bien des facteurs systémiques dont la double relation d'agence (le patient, les gestionnaires) dans laquelle le managed care et / ou la nouvelle gestion publique place le médecin, autrement dit, "le transfert des choix tragiques" tel qu'il est décrit dans les effets du financement à l'activité des hôpitaux. Ainsi, à Pouvourville réclamant que l'hôpital finance ses malades non rentables par les malades rentables, André Grimaldi répondit aussitôt que pour les médecins, il s'agissait là d'un "viol éthique".

Dans le texte suivant, Frédéric Pierru détaille les mécanismes dévastateurs qui sont à l'origine de la perte de sens pour les professionnels:
Hospital Inc. Le secteur hospitalier à l’épreuve de la gouvernance d’entreprise. Frédéric Pierru

Voici un texte et une vidéo d'Alain François Junod qui explore les parasites de la décision médicale (Schéma des facteurs de la décision médicale)
Modulateurs et parasites de la décision médicale -
En vidéo sur canal U santé - Alain François Junod

Et une présentation du livre de Gérard Reach qui propose "une théorie du soin" dans une exploration passionnante des concepts d'inertie clinique et de duperie de soi. Passant par Aristote pour qui le mal agir peut relever de l'ignorance, de l'incontinence qui regrette mais est soumise à l'akrasie, faiblesse de la volonté, ou de l'intempérance qui ne regrette rien, par le rôle des désirs et des croyances selon Hume, il explicite à travers une réflexion originale fondée sur une analyse brillante de la littérature la plus récente l'impact des concepts d'empathie et de sympathie sur la relation clinique. Une synthèse incontournable pour tenter de réconciler la médecine curative productrice de GHM (cure) et le souci de l'autre (care). Mais attention, comme Aristote, Gérard Reach nous rapelle aussi que le souci de l'autre ne peut se déployer hors du souci de soi. Il faut donc que notre action médicale ait encore un sens et ne soit pas déconnectée de la volonté (de la "conception" en ingénierie).
Un moyen mnémotechnique infaillible: "Dans l'omelette au lard, la poule est sympathique, le cochon est empathique".

Finalement, une question se pose: Gregory House est-il "compétent" et selon quel juge?

Plus sur les heuristiques et le manuel de débricolage cognitif

lundi 9 août 2010

Autopsy of nonsense: petit manuel d'anti-éthiconomie médicale

Petit manuel d'anti-éthiconomie médicale

"One means that is especially effective -- and fun -- is to "autopsy" the nonsense. Treat it as absolutely literal, as they do, but apply precise logic and lay out the result as simply and clearly as possible. If done carefully and well the utter stupidity of it once read cannot be rejected because so obvious. It penetrates." Anonyme sur la toile.

Editorial: "Ethiconomie, quand l'hôpital se fout de la charité"

https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/breviaire-medico-economique-de-la-perte-de-sens/ethconomie-la-nevrose-bureaucratique

Réadaptation et principe de solidarité

La réadaptation se situe par nature à mi-chemin entre fonction sanitaire et sociale, entre maladies et handicap, entre aigu et chronique, entre soins et social. Fortement soutenue par les politiques publiques dans les années soixante, la rupture historique initiée par la loi de 1970 et confirmée par les lois de 1975 a entraîné sa disparition progressive des dispositifs législatifs et réglementaires. Elle se déploie aujourd'hui, sans être reconnue, donc sans être organisée et financée en tant que telle, dans une extraordinaire fragmentation entre un hôpital dédié au soins curatifs et affichant bon gré mal gré la volonté de se débarrasser de la part du social, les SSR, seul secteur où elle reste clairement identifiée, les soins de ville et le secteur médico-social. Réhabiliter la réadaptation suppose un nouveau cadre de référence partagé pour les politiques publiques en terme de solidarité. Les débats actuels sur le "cinquième risque" et autour de la loi HPST sont exemplaires de la collision funeste, avec ses effets désastreux en terme d'accès aux soins, de trois crises interdépendantes:

1 la crise de l'Etat providence et de la conception de la solidarité, avec la rupture historique entre sanitaire et social (lois de 70 et 75)

2 Le divorce consommé entre politique de soins et politique de santé (logiques cliniques et de santé publique)

3 La crise du management public et l'application du managérialisme de la nouvelle gestion publique (NGP) au monde de la santé.

Ainsi empêtré dans le contradictions entre logiques assurantielles, assitantielles et de sécurité sociale (universelle - égalitaire), la France semble aujourd'hui se diriger, selon la typologie d'Esping-Andersen des systèmes de protection sociale, vers un modèle "libéral - résiduel" à l'américaine. La recherche d'indicateurs de production dans la NGP pousse Fetter, dans la cadre du modèle libéral résiduel américain à sa modélisation de la fonction de production de l'hôpital (les GHM). Le modèle de Fetter fournit donc le starter d'un effroyable piège cognitif. Il doit s'appuyer pour masquer le "nonsense" originel de la fonction de production des groupes homogènes de malades (GHM), dans un système purement curatif et prescriptif de plus en plus inadapté à la transition épidémiologique, derrière une novlangue qui n'aura de cesse de modeler les esprits des professionnels comme des managers au bien fondé de la bureaucratie libérale et de ses indicateurs myopes.

Ce piège est la source du préchi-précha éthiconomique et de la novlangue qui tente de modeler nos esprits, congruent dans sa vision du produit hospitalier avec l'évacuation de la dimension sociale que la fragmentation à la française a favorisé. Il est en contradiction complète avec la transition épidémiologique et le poids croissant des maladies et états chroniques handicapants. Foi de clinicien!


Du modèle de Fetter à hôpital 2007: genèse de la bureaucratie libérale. Deux mémoires complémentaires pour comprendre les bricolages cognitifs qui sous-tendent la novlangue de la nouvelle gestion publique et ses erreurs radicales.

Un nouveau mode de financement du service public hospitalier en France : le passage à la tarification à l’activité dans le cadre du plan « hôpital 2007 »
http://doc-iep.univ-lyon2.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyberdocs/MFE2005/laffitte_f/Laffite_fmemoire.pdf

Marie Houssel. La tarification à la pathologie en soins de suite et de réadaptation. Mémoire ENSP. 2003
http://ressources.ensp.fr/memoires/2003/edh/houssel.pdf


HPST complète la bureaucratisation du modèle en recentrant le dispositif de la théorie de l'agence sur le mode du "tout incitatif".
Elsa Boubert. L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières
http://www.gestions-hospitalieres.fr/dl/gratuit.php?ref_article=2919&data=2010_74.pdf


Une analyse de Marc Bremond en 2000, dans la revue Adsp:
Organisation, décision et financement du système de soins - Revue ADSP n°33
http://www.hcsp.fr/explore.cgi/adsp?ae=adsp&clef=62&menu=111282

"Politique de soins et politique de santé ont symboliquement entamé leur divorce le 15 novembre 1989, à la suite de la parution d’un article dans Le Monde intitulé «
Non au ministère de la Maladie » signé par cinq experts*, tous médecins."
http://annonc.oxfordjournals.org/content/1/3/160.1.extract

Lire absolument l'analyse incontournable de cet article :
The production of values: the concept of modality in textual discourse analysis - Pekka sulkunen & Jukka Törrönen)
http://www.securite-sanitaire.org/textespdf/SulkunenetTorronen.pdf


"La « médicalisation » de la société, avec l’avènement d’une cléricature de la thérapeutique et la volatilisation de la maladie dans un milieu corrigé, organisé et sans cesse surveillé, constitue, depuis l’avènement des États modernes, les deux modèles extrêmes entre lesquels schématiquement s’organise le débat public sur les politiques de soins (de santé)." Marc Bremond (peut-on parler d'une politique de soins?)


Webographie
Politique de soins la légitimation des décisions.

http://www.hcsp.fr/docspdf/adsp/adsp-33/ad332122.pdf

Non au ministère de la maladie:
http://annonc.oxfordjournals.org/content/1/3/160.1.extract ;
Analyse: The production of values: the concept of modality in textual discourse analysis - Pekka sulkunen & Jukka Törrönen
http://www.securite-sanitaire.org/textespdf/SulkunenetTorronen.pdf

Esping-Andersen
Site de l'auteur ; lien wiki ; les 3 mondes de l'état providence ; le livre ; 3 leçons sur l'Etat providence

« La transition épidémiologique est patente depuis plus de trente ans et les maladies chroniques restent le parent pauvre du système. A quoi sert-il de montrer les inégalités de santé si on ne s’attaque pas aux déterminants qui en sont la cause ? Aujourd’hui si on veut améliorer la santé en France, après les spectaculaires progrès qui ont été accomplis, il importe de faire porter les efforts auprès des populations défavorisées et auprès de personnes atteintes de maladies chroniques et de handicaps physiques et mentaux, de faire prendre en compte l’environnement au travail, dans le cadre de la vie quotidienne (alimentation, habitat). »
Jean-Claude Henrard

Sources complémentaires
- Modèle de fetter pour les nuls
- Théorie de l'agence
- Nouvelle gestion publique
- Protection sociale: vers la fin du paradigme de solidarité?

samedi 17 juillet 2010

Hippocrate contre Machiavel: rencontre avec des ubulogues remarquables


"Il faut bien connaître ses ennemis car on finit toujours par leur ressembler". Nietzsche

Lettre à un collègue souhaitant prendre des responsabilités de gestion dans la nouvelle gouvernance

Cher collègue,

Félicitations! Te voici prêt à prendre des responsabilités de gestion. Tu vas devenir chef de pôle, membre du directoire, président de CME, chargé de mission pour une ARS, chef de projet, directeur de la politique médicale voire être appelé à des responsabilités encore plus près des "ors de la République".
Si tu n'a suivi que les formations françaises habituelles en management hospitalier, tu risques fort d'avoir l'esprit formaté selon l'actuelle doxa qui a été imposée par une poignée d'experts auto-proclamés en santé publique, en organisation des soins et en économie de la santé. Si tu ne connais que ces visions étriquées de l'ingénierie industrielle des soins dans l'hôpital entreprise, de la qualité des soins par contrôle externe et incontinence réglementaire, de la gestion des risques top down par l'ouverture de parapluies, de la planification et du financement des soins, tu es avant tout préparé en enfilant "les habits neufs d'Hippocrate", à adhérer en bon apparatchik aux balivernes déguisant le rationnement des soins en rationalisation qui surfe largement sur l'antimédecine et la démédicalisation. Tu t'apprêtes hélas à trahir la confiance de tes patients, à détruire ce qu'était l'hôpital français, le système de santé, à laisser se dégrader la qualité des soins et à désespérer les soignants, médecins ou non, en les empêchant de travailler, faute d'avoir une assez longue cuiller pour dîner avec le diable de la nouvelle gestion publique qui t'emploie.

Certes tu maîtrises aujourd'hui la novlangue des managers car tu es bon élève et tu as appris à assimiler très vite des notions complexes au cours de tes longues et difficiles études. Grisé par ces veaux d'or, tu risques de tomber sous l'étrange pouvoir de séduction des buzzwords qui ont déjà conquis les managers, si avides de jouer au petit PDG: le portefeuille d'activités cliniques, la production industrielle des soins, la réingénierie sanitaire et sociale, le benchmarking, la performance et ses palmarès, le business process management, le balanced scorecard, le lean management avec la flexibilité , la polyvalence et la mutualisation.
Buzzwords car tu devras apprendre qu'en management tout ce qui n'a pas de contraire, est détourné de son champ d'application d'origine ou est présenté comme modèle unique, est insignifiant et de ce fait aliénant pour les cadres (lire la fatigue des élites de François Dupuy).

Attention, si tu ne te vaccines pas rapidement contre cette fausseté de l'esprit, tu te surprendras vite à justifier devant le regard incrédule des tes pairs te voyant leur raconter un "hôpital du pays des Bisounours", que grâce aux effets scintillants de la sainte gestion on aurait besoin de moins de secrétaires médicales pour accueillir, orienter et accompagner des patients de plus en plus souvent atteints de maladies chroniques de vieillissement pathologique et /ou de handicaps, moins besoin d'aides-soignants pour préserver l'autonomie de malades de plus en plus dépendants, moins besoin de kinésithérapeutes pour lutter contre un risque croissant de précarisation fonctionnelle précoce et moins besoin d'assistantes sociales pour aider à organiser des sorties pertinentes et pérennes pour des patients dont la complexité médico-sociale ne fait que croître. Comment faire pour ne pas en être réduit à la triste alternative de l'exit par la démission ou de devenir Ubu brandissant son bâton à phynances, son couteau à expert et son ciseau à gidouille?

Il te faudra au plus vite sortir de la meute des semi-habiles de l'"éthiconomie" et te prémunir contre la naïveté et l'enthousiasme redoutable des néophytes par lesquels on voit hélas certains collègues oublier tout leur bon sens et leur expérience du fonctionnement réel de la clinique. Il te faudra tout d'abord lire cette lettre d'Henry Mintzberg, Pr. de management à l'université Mc Gill aux nouveaux titulaires d'un MBA. Tu devras comprendre que notre système de soins est avant tout malade de son management, même s'il est vrai que les médecins sont des Gaulois plus prompts à la discorde et la défiance qu'à l'union pour résoudre les problèmes, et que les nouveaux corporatismes paramédicaux, soigneusement cultivés par l'État pour mieux diviser, les ont rejoint dans une illustration parfaite du paradoxe souligné par de Gaulle: "Le désir du privilège et le goût de l'égalité, passions dominantes et contradictoires des Français de toute époque."

Tu devras ensuite te constituer d'urgence une petite bibliothèque idéale du médecin-manager (idéale aussi pour les patients et les élus) si tu souhaites pratiquer la vigilance critique et l'ingérence organisationnelle. Ainsi, malgré le nonsense ambiant, tu constateras qu'une certaine convergence reste possible face aux constats partagés des méfaits dans notre expérience quotidienne de cette counter-evidence based medecine, et qu'il est possible de défendre la logique d'Hippocrate face à celle de Machiavel, le professionnalisme et l'autonomie des médecins, plus largement celle des équipes soignantes et de leurs compétences collectives, face aux défaillances conjuguées de la main invisible du marché et de celle trop visible de la bureaucratie managérialiste.

A n'en pas douter il s'agit d'une rencontre avec des ubulogues remarquables. Si toutefois tu croyais encore à l'infaillibilité de la technocratie jacobine ou à celle du paradigme entrepreneurial, il faut commencer par "Les décision absurdes" de Christian Morel qui m'avait donné l'idée d'un "kit d'ubulogie clinique".

1 Machiavel et la faisabilité politique de l'ajustement: pour ne pas tomber niaiseux comme disent les Canadiens
2 Mintzberg qui rejoint les sociologues sur l'illusion funeste du primat de l'epistemé sur la tekné dans l'organisation professionnelle , ou celui de la rationalité formelle sur la sagesse pratique (phronesis)
3 Foucault avec d'extraordinaires correspondances avec des concepts bien différents avec Mintzberg dans la généalogie de la structuration de la clinique comme espace de rencontre entre connaissances, usagers et institution, à penser d'abord au niveau microéconomique.
4 D'Iribarne: logique de l'honneur versus idéologie du contrat et tyrannie du "projet"
5 Crozier, incontournable analyste des bureaucraties, des sources du pouvoir, des zones d'incertitude, des marginaux sécants
6 Batifoulier et l'économie des conventions, salutaire pour sortir du modèle unique de l'économie néo-classique, de la théorie du public choice, de la nouvelle gestion publique qui en découle et de tout ce qui s'en suit
7 Christian Morel - Les décisions absurdes

Tu peux accéder à la bibliothèque des ubulogues remarquables

Et si tu préfères pour commencer quelques excellentes synthèses commence par celles-ci:

Armé de cela tu pourras peut-être encore sauver l'essentiel.

Bonne chance,

Jean-Pascal

vendredi 9 juillet 2010

Autonomie des médecins: avis de décès - Naissance de la pataclinique - Résistance à la Counter Evidence Based Medecine


"Tout peut, un jour, arriver, même qu'un acte conforme à l'honneur et à l'honnêteté apparaisse en fin de compte, comme un bon placement politique." Charles De Gaulle

Naissance de la pataclinique

Une campagne de dénigrement sans précédent s'abat sur les hôpitaux publics. Les pires méthodes de désinformation et de propagande sont utilisées. Les médecins sont jetés en pâture à l'opinion et aux associations, présentés tantôt comme des mandarins hautains et avides d'un pouvoir "patrimonial" et "notarial" sur leurs services, au fonctionnement de boutiquier obsolète face aux lendemains scintillants de la ré-ingénierie industrielle et des pseudo-sciences de gestion, tantôt comme des acteurs économiques dominés par l'appât du gain. Les usagers sont présentés comme sur-consommateurs de soins et irresponsables, leur comportements sont considérés comme la cause faussement évidente, avec celui des médecins, de l'inénarrable "trou de la sécu. Les directeurs sont jugés incapables en l'absence d'une hypertrophie du contrôle externe et d'incitations majeures de l'agence de gérer un argent public qui n'est pas le leur et sont accusés de trop pactiser localement avec le corps soignant. Enfin l'ensemble des salariés de l'hôpital, médecins ou non, sont ravalés aux yeux de tous au rang de tâcherons des usines de F. Taylor et H. Ford, jugés paresseux, corporatistes et peu motivés par l'absence, pense-t'on dans la doxa actuelle, d'intéressement aux résultats. Il faut enfin programmer leurs tâches depuis de vrais bureaux des méthodes en s'appuyant sur de solides chaînes de commandement (Minc). L'Evidence Based Medecine EBM et les sciences de gestion y pourvoiront donc. Rapellons toutefois qu'aucune étude controllée en doule aveugle contre placébo, les pires études en médecine à l'exclusion de toutes les autres, n'a démontré l'utilité du parachute pour prévenir les polytraumatismes majeurs.


Médecine factuelle? Pilotage par les résultats? Performance? EPRD par projets? Trajectoires financières? Buzzwords à l'origine de perte de sens parce qu'ils n'ont pas de contraire: qui peut-être contre la qualité, la recherche de preuve, l'allocation optimales de ressources rares? Fadaises qu'il nous faut traquer pour penser à nouveau par nous mêmes, contre cette nouvelle counter evidence based medecine telle que nous l'observons au quotidien, souricières cognitives issues du détournement et de l'instrumentalisation de concepts de leur champ d'application d'origine, répétées jusqu'à la nausée par les auto-experts "ethiconomistes" puisque ce ne sont que des résultats très partiels et à court terme qui en santé ne peuvent en France être aujourd'hui jugés que sur des indicateurs myopes et comptables. Le sens du soin, le souci de l'autre (care) , indissociable de celui du résultat de santé à long terme qui caractérise les professions et établissements de santé, passent à la trappe dans le modèle des intellectuels organiques et experts auto-proclamés qui cheminent au coté des nouveaux Machiavels du rationnement des soins, habilement déguisé en rationalisation.


Derrière ces balivernes gestionnaires soigneusement orchestrées selon l'arrangement des maîtres de la RGPP, et qui surfe habilement sur les différentes sources de l'antimédecine, c'est une démédicalisation sans précédent qui est programmée, tant de la prévention, de l'organisation des soins curatifs que des soins et de l'accompagnement des maladies chroniques, qu'il s'agisse de soins continus et complexes, de lutte contre le vieillissement pathologique et/ou le handicap quel qu'en soit l'origine et à n'importe quel âge.

La production administrative de l'iniquité, des défauts de soins et du handicap

Cette dysjonction délétère et imbécile du cure et du care introduite par le nouveau management hospitalier et si bien dénoncée par Mintzberg, est l'essence même de ce que nous nommerons "la pataclinique". Le paradigme de l'ingénierie industrielle des soins ("l'hôpital entreprise") aggrave toujours plus au quotidien la désagrégation des unités cliniques, de l'apprentissage en équipe, de la production, de la transformation et la transmission en équipe des compétences clés au sein des collectifs soignants.
La perte des savoirs implicites et contextualisés, mécanismes d'autorégulation tacites indispensables à toute organisation, se constate plus particulièrement dans tous les processus de soins qui ne sont pas aisément explicitables, dont les étapes limitantes critiques souvent peu prévisibles et donc peu analysées dans le cadre des modèles des soins programmables, ceux pour lesquels peu de recommandations écrites facilement applicables existent, ceux qui relèvent de compétences transversales, d'expertises de liaison et d'assemblage des compétences.
Il s'agit notamment de tout ce qui concerne les soins multidisciplinaires, continus et/ou complexes, nécessitant suivi et coordination entre plusieurs unités cliniques et médico-techniques. Il peut tout aussi bien s'agir dans le domaine du soin curatif et technique du suivi d'itinéraires cliniques complexes par la multiplicité des unités en interaction, comme une intervention pour prothèse totale de hanche, qui peut aujourd'hui être retardée de plusieurs jours, non sans risques majeurs, de la variabilité des processus lié à l'incertitude du diagnostic, ou bien de soins relativement simples mais pour lesquels toute rupture de la chaîne de soins dans un contexte de complexité médico-psycho-sociale ignoré par une T2A qui pousse à raccourcir les séjours, peut s'avérer dramatique. Il s'agit entre autres de la prévention des complications de décubitus, de l'immobilisation, des pathologies lourdes (escarres, lésions de l'appareil urinaire, rétractions musculaires, perte d'autonomie motrice..) de la précarisation fonctionnelle, finalement de tout ce qui devrait être fait dans le cadre d'une prévention précoce et coordonnée des conséquences des maladeis et états chroniques handicapants.

L'effritement des noyaux durs, la perte de l'autonomie qu'avaient les collectifs soignants pour résoudre en leur sein les problèmes prioritaires en situation, en suscitant une polyvalence interne raisonnable et partagée entre ce qui relève du métier de chacun et ce qui est mutualisable, par exemple entre cadre, secrétaire, assistantes sociale et médecin. Cette "polyvalence" liée à l'autonomie et une mutualisation adaptable aux circonstances et aux objectifs de l'unité est remplacé par une mutualisation et une polyvalence "d'en haut", pensées par métier et non par fonction au sein d'activité médicales organisées, où l'on demande quotidiennement à des infirmières de changer d'activité clinique au gré des besoins de remplacements sans tenir compte des compétences réelles qu'elles ont acquis dans telle ou telle activité. Deux conceptions bien différentes de la polyvalence, de la flexibilité et de la mutualisation selon qu'elles sont centrées sur la régulation hiérarchique ou sur l'autonomie des unités.
Paradoxalement la perte programmée des noyaux durs et des coeurs de compétences dans les équipes clniques entraine la disparition des collaborations et automatismes implicites (le bon choix du support anti-escarre à l'entrée du patient, la bonne installation, l'attribution d'aides techniques, la bonne gestion des sondes urinaires, le sentiment qu'il faut alerter précocement les kinésithérapeutes..) faute d'équipes bien rodées, stables, motivées et formées à travailler ensemble? Cette dérive ne peut aboutir qu'à l'inverse de ce qu'on attend de l'actuelle incontinence réglementaire, des contrôles externes et de la captation croissante des cadres des unités opérationnelles vesr les projets de la technostructure: l'accroissement des risques systémiques, l'affaiblissement des défenses en profondeur contre les événements indésirables selon le modèle de Reason et finaleent la baisse tendancielle de la qulité des soins et du taux de motivation.

La fin voulue de l'autocritique et des garde-fous

Cette lente désagrégation de la continuité des soins au sein de l'hôpital, entre ville et hôpital, entre sanitaire et sociail, s'aggrave en France de façon continue depuis les années soixante. A la désintégration des collectifs de soins dont les effets sont désastreux au niveau microéconomique, s'ajoute la suppression de tous les garde-fous à la diminution des effectifs soignants, justifiée dans le modèle justement par une désorganisation qui n'est pas du aux médecins mais leur est largement attribuée. Ils ont perdu depuis longtemps la possibilité de piloter leurs activités, réduits dans la nouvelle gouvernance à la seule animation de l'équipe médicale mais perdant toute possibilité réelle d'action sur les autres ressources humaines, comme un capitaine d'équipe qui s'occuperait des avants sans pouvoir intervenir sur les arrières (Grimaldi).
Paradoxe: la propagande officielle justifie par la dysorganisation hospitalière et ses soi-disant gisements de productivité d'invraissemblables réductions d'effectifs au regard des besoins, qui en viennent paralyser et souvent supprimer des activités indispensables au populations des territoires concernés, et justifie ainsi aux yeux de l'opinion et des élus restructurations et dégraissages alors même que dans le même temps, la gouvernance s'acharne au contraire à aggraver par la caporalisation, les contrôles externes, la concurrence encadrée et la fragmentation ds financments les cloisonnements interprofessionnels, interinstitutionnels et intersectoriels! Ubuesque! Ils sont devenus fous! La production administrative de l'inéquité, des défauts de soins et du handicap est en marche.

Le couple EPRD T2A supprime tout garde-fou. La loi HPST n'est que le couronnement d'un lent mouvement de fond de désintégration du cadre de référence des politiques publiques. Elle s'incrit dans le mouvement de nouvelle gestion publique dont les effets délétères sur l'équité, la qualité des services collectifs, et même l'efficience économique, commencent à être dénoncés partout dans le monde, dans ce que Pierru nomme "le nouvel ordre sanitaire international" et David Giauque "la buraucratie libérale". Le désenchantement des acteurs hospitaliers, médecins ou non et lincompréghension profnde de leurs motivations au travail, naguère dénoncé dans le rapport Couanau est la parfaite illustration de cette machine a produire du nonsense, des soins plus risqués, moins accessibles, moins équitables, et l'empêchement toujours plus marqué en dépit des incantations officielles, de la prévention réelle du vieillissement pathologique et du handicap.

Incités desormais par l'agence dont ils sont les fusibles, faute de réelles possibilités de réorganisation interne qu'aurait pu apporter une réelle décentralisation de la gestion, les directeurs n'ont plus pour seule variable d'ajustement des dépenses que l'effectif soignant. Sommés de faire survivre leur structure avec des contrats d'objectifs trop dépourvus de moyens, débarassé du contrepouvoir médical ainsi discrédité, sans réelle définition des conditions techniques minimales de fonctionnement, et dans le cadre du pseudo-marché d'une concurrence encadrée qui s'acharne à ne pas faire rentrer dans la T2A les surcoûts induits par les misions de service public, quel choix leur reste-t'il?

L'autonomie des médecins - une garantie indispensable pour la qualité des soins

La régulation professionnelle, le professionnalisme des médecins, la vision unique que leur donne leur "métier" conjugué "souci de l'autre", qui reste le fondement de leur art, vision qui préside la décision médicale, doit impérativement équilibrer les régulations managérialistes et marchandes (Freidson). Usagers et élus doivent comprendre le risque majeur d'une gouvernance qui empêche les médecins d'être et de rester les premiers avocats de la santé de leurs patients, d'une gouvernance qui leur demande de l'oublier au profit de la rentabilité et d'un nouveau contrat d'agence. Financer les malades non rentables par les malades rentables? Viol éthique inacceptable auquel ils seront contraints par le bâton des nouveaux contremaîtres pilotés par les nouveaux "ingénieurs des soins" et chefs de projets. Invention invraisemblable en santé quecelle de l'ingénierie des soins, si destructrice de la microéconomie des équipes et collectifs au service et au contact du public, mais promue par de vrais habiles de l'ajustement des dépenses qui président à l'édification du miroir aux alouettes, à la tentative de formatage d'esprits semi-habiles et naïfs dans les nouvelles écoles de management hospitalier, hélas destinée à faire avaler la fable gestionnaire qui préside au rationnement des dépenses, et, hélas, hélas, hélas, la carotte de la rémunération aux "résultats" à courte vue. Production administrative de l'insignifiance.


Faute de cet équilibre Nous assistons aujourd'hui, dans cette mauvaise coproduction franco-américaine associant le pire jacobinisme industriel et bureaucratique à l'application extravagante du néo-libéralisme d'outre atlantique à ce que l'on peut véritablement appeler la "naissance de la pataclinique".


Avis de décès et appel à la résistance

Oraison funèbre - Décret sur les CME - Décrets sur les pôles
- Liens vers les textes et décrets

"Considérez, Messieurs, ces grands et ces petits mandarins que nous regardons de si bas. Pendant que nous tremblons sous leur main, l'Etat les frappe pour nous avertir. Leur contre-pouvoir pourtant si affaibli face à l'ordre gestionnaire en est la cause ; et il les épargne si peu, qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des hommes. Français, ne murmurez pas si l'hôpital a été choisi pour nous donner une telle instruction de réingénierie industrielle et gestionnaire.
Nous devrions être assez convaincus de notre néant et de notre avenir de médecins-tâcherons: mais s'il faut des coups de surprise à nos coeurs encore enchantés d'exercer la médecine et de servir nos patients, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : l'hôpital public se meurt ! l'hôpital public est mort !"

Appel à la résistance des usagers, professionnels et élus - Que s'est il passé, comment cela est-il possible?

"La politique est l'art d'empêcher les gens de s'occuper de ce qui les regarde." Paul Valéry

Version générale

"Un pouvoir insurrectionnel s'est établi sur la politique de santé par un pronunciamento gestionnaire.


Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certains établissements, fédérations et unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population et de certaines associations qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration.

Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de ministres ayant pour doctrine gouvernance d'entreprise, gestion administrative des résultats, et concurrence encadrée. Il a une réalité : un groupe d'économistes, de courtisans, de technocrates et de marchands, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la médecine et la santé que déformés à travers leur frénésie de rationnement des soins. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national.

Car l'immense effort de redressement de la santé et de l'hôpital public, entamé depuis le fond de l'abîme, affermi depuis la réforme de 1958, mené ensuite jusqu'à ce qu'en dépit de tout la victoire sur de nombreuses maladies fût remportée, l'indépendance professionnelle assurée, la solidarité instaurée, notre rang au dehors pour la qualité de notre médecine renforcé, tout cela risque d'être rendu vain, par l'aventure odieuse et stupide des nouveaux apprentis sorciers de la santé. Voici le service public bafoué, la solidarité défiée, notre médecine ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle dans l'organisation des soins, l'enseignement et la recherche compromis. Et par qui ? Hélas ! Hélas ! Par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être, de servir l'intérêt collectif et l'équité de l'accès aux soins"

Médecins, professionnels de santé, usagers, élus ! Voyez où risque d'aller la santé en France, par rapport à ce qu'elle était en train de devenir.

Françaises, Français ! Aidez-nous !

Le second auteur sur les archives INA, n'ayant pas trouvé, à mon grand regret, de vidéos du premier.

Version AP-HP

"Un pouvoir insurrectionnel s'est établi à l'AP-HP par un pronunciamento gestionnaire.

Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certains établissements, fédérations et unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population et de certaines associations qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration.

Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de bureaucrates ayant pour doctrine gouvernance d'entreprise, EPRD par projets, pilotage par les résultats, et concurrence encadrée par une gestion purement comptable. Il a une réalité : un groupe d'économistes, de technocrates, d'apparatchiks et de marchands, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité.
Mais ils ne voient et ne comprennent la médecine et la santé que déformés à travers leur frénésie de rationnement des soins. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre francilien.

Car l'immense effort de redressement de la santé et de l'hôpital public, entamé depuis le fond de l'abîme, affermi depuis la réforme de 1958, mené ensuite jusqu'à ce qu'en dépit de tout la victoire sur de nombreuses maladies fût remportée, l'indépendance professionnelle assurée, la solidarité instaurée, notre rang au dehors pour la qualité de notre médecine renforcé, tout cela risque d'être rendu vain, par l'aventure odieuse et stupide des nouveaux apprentis sorciers de la santé. Voici le service public bafoué, la solidarité défiée, notre médecine ébranlée, notre prestige international abaissé, la place et le rôle de la médecine dans l'organisation des soins, l'enseignement et la recherche compromis. Et par qui ? Hélas ! Hélas ! Par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être, de servir l'intérêt collectif et l'équité de l'accès aux soins"


Médecins, professionnels de santé, usagers, élus ! Voyez où risque d'aller l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris , par rapport à ce qu'elle était en train de devenir.

Franciliennes, Franciliens ! Aidez-nous !


Le second auteur sur les archives INA, n'ayant pas trouvé, à mon grand regret, de vidéos du premier.

jeudi 17 juin 2010

De l'intelligence sanitaire et de l'intégration des parties prenantes

"Le troisième et dernier devoir du souverain est d’entretenir ces ouvrages ou ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou plusieurs particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense." Adam Smith

Les menaces qui planent sur l'autonomie des médecins nécessitent plus que jamais l'union nationale des médecins des hôpitaux pour préserver l'essentiel. Au delà de l'hôpital public, il s'agit de ne pas laisser s'effilocher dans le millefeuille européen et les nouveaux ESPIC (établissements de santé privés d'intérêt collectif) , les contours d'indispensables services non marchands d'intérêt général. Car de nombreux malades ne seront jamais "rentables", nul entrepreneur ne se verra jamais remboursé de la dépense engagée, et les cliniciens sont, encore sans doute pour longtemps, n'en déplaise au nouveau pouvoir épidémiologique et statistique, les mieux à même d'évaluer non seulement la réalité du service médical rendu, mais aussi le meilleur chemin vers l'efficacité au meilleur coût.

La province pense souvent que l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) est surdotée et n'a enfin que ce qu'elle mérite, sans voire l'extraordinaire hétérogénéité des dotations historiques entre établissements, problème majeur qu'on ne peut évacuer dans la question des restructurations.

La plupart des collègues médecins ne croient plus guère hélas aux CME/ CCM, aux "bureaux" auto-experts qui décident sur un coin de table, ayant montré tant de fois leur incapacité à articuler d'une part besoins d'expertise et de recours avec concentration de masses critiques et d'autre part activités de proximité indispensables à un accès gradué, efficace et équitable aux soins, en particulier dans les CHU où les logiques de lobbying sont si complexes.
Tout cela, toutes ces divisions sont habilement utilisées par nos ennemis qui veulent casser le professionnalisme médical pour imposer la rationalisation gestionnaire, avec son inévitable myopie comptable à court terme.

De nombreux médecins hospitaliers, de nombreux membres de ce qu'on apelle les PNM, personnels non médicaux, soignants ou non, des managers, des scientifiques, des élus, soutiennent le Mouvement de Défense de L'Hôpital Public. Ce mouvement cherche à redéfinir avec les parties prenantes un autre cadre de référence pour les politiques publiques de santé. Le MDPH joue aujourd'hui une partie serrée pour son avenir. A coté d'indispensables reconfigurations des divers syndicats de médecins , il lui faut aujourd'hui prendre garde à ne pas apparaître seulement comme une contre-CME parisienne de l'AP-HP, certes porteuse de valeurs médicales et humanistes que beaucoup soutiennent dans hésiter contre les hésitations de la CME officielle, mais.. avec le fonctionnement des CME, du moins celles d'avant les décrets HPST.

Il faut se garder des errances de l'anarchie spontanéiste et le MDHP a fichtrement raison de s'en méfier, mais il faut tout autant se garder d'une bureaucratie mandarinalisée qui tenterait de sauver le modèle de 1958 aujourd'hui obsolète. La question est celle de l'intégration des parties prenantes légitimes au processus de décision face au déploiement d'une gouvernance d'entreprise qui exclue toujours davantage les médecins tout comme l'ensemble professionnels de santé en dévoilant toute l'absurdité de la démédicalisation gestionnaire. Certes masquée derrière le plaisant buzzword de démocratie sanitaire.

La démédicalisation n'est pas celle du management, car on feindra de nous y associer. Voyez certains des nouveaux chefs de pôle jouant avec leur matrice du Boston Consulting Group et leurs portefeuilles d'activités cliniques, tout gonflés de l'enthousiasme du néophyte et de leur nouvel amour pour l'ingénierie industrielle. Non, au delà du formatage des esprits naïfs à la nouvelle "éthiconomie" officielle, il s'agit bien de la démédicalisation des stratégies d'organisation et de financement des soins, aux niveaux micro, méso et macro du système.

Brève généalogie:

1 1958 a été formidable un temps, pour ce que la réforme a apporté aux patients, à l'excellence de nos hôpitaux et à la recherche médicale. Mais avec les lois suivantes, dont celles de 1970 et 1975 qui ont séparé définitivement sanitaire et action sociale, son esprit initial s'est abîmé dans un bureaucratisme scientiste et jacobin qui a progressivement transformé l'hôpital en usine à gaz hospitalo-nombriliste, aveugle aux besoins de soins, atteint d'une véritable agnosie sanitaire, et incapable de s'adapter à la transition épidémiologique. Les pressions financières avec le budget global puis la T2A on fait éclater à nos yeux l'évidence de l'inadaptation du modèle, les bureaucrates l'achèvent en excluant l'hôpital des nouveaux besoins de continuité des soins, qu'il s'agisse du disease management à la française, de la nouvelle promotion de la santé incluant la patamédecine, des divers "machins" mis en place autour des coopérations interprofessionnelles. Jamais soins et social n'ont été si dramatiquement dissociés quand HPST prétend faire le contraire!

2 Hôpital 2007 présentait incontestablement des éléments possibles de débalkanisation du contre-pouvoir médical à condition de respecter les logiques métier des disciplines par une bonne configuration des pôles, de développer la gestion commune PM, PNM et investissements, bref le contraire de ce qu'a fait l'AP-HP où les directeurs n'ont rien lâché de la gestion, et où on a au contraire cloisonné encore plus PM, PNM et administration, à condition donc de jouer vraiment la carte de la décentralisation de la gestion, et de contrats d'objectifs qui ne soient pas comme nous l'avons trop souvent observé dépourvus de moyens, et de moyens réels de gérer les moyens.
L'erreur française tient sans doute dans la peur d'une direction médicale (co-direction avec le directeur administratif) indispensable pour éviter le nouvel effet balkanisant de pôles ayant obtenu un réel pouvoir et devenus de véritables cliniques autonomes dans l'hôpital.

3 La loi HPST est une dérive bureaucratique managérialiste qui repose sur le "tout incitatif" (1) et vend de l'intelligence territoriale alors qu'il ne s'agit que de vendre des pseudo-réseaux conçus "d'en haut" et formalisés par les logiques gestionnaires. Il faut arrêter de se laisser abuser, l'approche territoriale intégrée n'a rien à voir avec l'horreur que nous préparent ces petits technocrates bâtards d'une santé publique arrogante et devenant toute puissante, et des semi-habiles du "Big Data" informationnel, boule de cristal des nouveaux ingénieurs des soins et du social. Bien sûr, le monde marchand guette les dépouilles de cette "bureaucratie libérale".

Ce que je vois se mettre en place dans l'environnement de mon hôpital du 93 c'est une véritable horreur sanitaire et sociale dans laquelle l'hôpital public peut de moins en moins jouer son rôle de proximité, ni développer le moindre rôle sérieux dans un réseau ville hôpital médico-social pour les maladies chroniques / personnes âgées / à risque de handicap. Condamné qu'il est par les modèles de financement à se recentrer toujours plus sur le purement curatif, ce qui est technique, facilement visible à travers les lunettes tarifantes de la myopie gestionnaire, et à très court terme.

Les fléchages politico-médiatiques qui aboutissent à des réseaux thématiques, sont trop souvent des causes d'inégalités majeures d'accès aux soins pour ceux qui posent les mêmes problèmes de santé mais sans la bonne étiquette pathologique.
Ainsi l'AVC sévère, relevant d'une réadaptation lente et de longue durée, dont personne ne veut, exclu qu'il est par construction de tout "bon" portefeuille d'activités cliniques, trouvera-t'il parfois une équipe mobile, un réseau et / ou une filière s'il a la "chance" d'avoir l'étiquette VIH et/ ou "addict" (2)? De qui se moque-t'on? Ubuesque!
Confusion, concurrence, aléatoire et iniquité sont au rendez-vous.

L'hôpital public de demain devra disposer à la fois des expertises curatives et techniques les plus complexes (cure) et constituera aussi une pièce essentielle des continuums d'interventions et de services, des soins continus, complexes et coordonnées (care), entre soins et social, avec des réseaux beaucoup plus polyvalents de retour et maintien au domicile.
Répétons enfin que la "précarité" dont il faut certes s'occuper n'est aujourd'hui qu'un cache misère assez classique (filet de sécurité néo-libéral) de la complexité des déterminants de santé et de leur impact sur de que serait une organisation des soins à la mesure des besoins.

"Il y a trois sortes de mensonge, le mensonge, le fieffé mensonge et les statistiques." Mark Twain, cité par Disraeli, premier ministre de la Reine Victoria.

Notes:

CME: commision médicale d'établissement, représentation élue des médecins des établissements de santé, aujourd'hui dépourvue par les récents décrets de toute fonction garde-fou face aux logiques gestionnaires. Rappelons que sauf dans quelques rares domaines, il n'existe aucune recommandation opposable quant aux conditions techniques de fonctionnement des activités médicales en terme d'effectifs soignants, qui deviennent de ce fait la variable majeure d'ajustement des dépenses dans les mécanismes actuels de financement.

1. Elsa Boubert. L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières
http://www.gestions-hospitalieres.fr/dl/gratuit.php?ref_article=2919&data=2010_74.pdf

2. L’AVC sévère : une forme d’exclusion méconnue, Olivier Petitjean, Jean-Pascal Devailly
In Solidarités, précarité et handicap social. Sous la direction de Didier Castiel, Pierre henri bréchat. préface de Didier Tabuteau

Couverture - Commande - Plan de l'ouvrage

dimanche 30 mai 2010

Agence tout rique: le médecin comme agent double


Abrégé d'éthiconomie à l'usage des professionnels de santé, des usagers et des élus

La place de la théorie de l'agence dans le volet hospitalier de la loi HPST, un des principes fondateurs avec la concurrence encadrée et la gestion administrative des résultats de la RGPP (révision générale des politiques publiques), déclinaison française de la nouvelle gestion publique, mérite d'être finement analysée. L'analyse critique de l'application de la théorie de l'agence en santé est une des bases de l'ubulogie clinique puisqu'elle tente d'y fonder en raison la fin de la régulation professionnelle.

Une brillante introduction à la théorie de l'agence par Elsa Boubert.
L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières

http://www.gestions-hospitalieres.fr/dl/gratuit.php?ref_article=2919&data=2010_74.pdf

Une explication de la théorie de l'agence
http://egocognito.over-blog.com/article-5137509.html

Plus sur: 2000 Coase Lecture: Eric Posner, "Agency Models in Law and Economics"
http://www.law.uchicago.edu/node/1294
http://www.law.uchicago.edu/files/files/92.EAP_.Agency_0.pdf

La relation d'agence - relation principal agent
http://economiesante.com/2010/03/05/theorie-de-l%E2%80%99agence-la-relation-principal-agent/

GA Akerlof. "The Market for "Lemons" : Quality Uncertainty and the Market Mechanism" (voir message précédent sur le blog)
http://www.riekert-online.de/riekert-online/Transfer/0-154.pdf

Regulation and internal controls in hospitals - J.E. Harris
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1807577/pdf/bullnyacadmed00115-0091.pdf

Le médecin comme "agent double"

Can Doctors Serve as Double Agents?
http://www.humanehealthcare.com/Article.asp?art_id=782

The doctor as a double agent
http://healthcare-economist.com/2006/10/11/the-doctor-as-a-double-agent/

Managed Care and Undividing Loyalties
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=407122

Diaporama: la théorie de l'agence comprendre les raisons de la perte de sens pour l'agent "producteur de soins"
http://www.webssa.net/files/cours_1-la_theorie_de_lAgence.pdf

Génèse de la perte de sens - vers la myopie de l'indicatocratie des outputs à court terme en santé: Droits de propriétés (ou de gestion des fonds publics) et relation d'agence: "Les managers « pillent » les actionnaires"

Physicians role in cost containments - Ubel, P, Arnold R. The unbearable rightness of bedside rationing: physician duties in a climate of cost containment.Arch Intern Med. 1995;155:1837-1842.
http://virtualmentor.ama-assn.org/2003/11/jdsc1-0311.html

Performance hospitalière: la théorie de l'agence en question
http://www.snphar.com/data/A_la_une/phar50/8-dossier-perf-phar-50.pdf

Contrats incitatifs et asymétrie d'information - le financement des biens et des services médicaux
http://www.greqam.fr/IMG/working_papers/1998/98C14.pdf

L'érosion de la part gratuite en médecine libérale - discours économique et prophéties autoréalisatrices
http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=RDM_021_0313

Eric Posner
http://www.ericposner.com/

Théories institutionnelles et gouvernance
Théories institutionnelles et gouvernance
http://gouvernance.canalblog.com/archives/2005/03/06/362064.html




dimanche 16 mai 2010

Editorial en liberté: les quatre cavaliers du nouvel ordre sanitaire international

"La décadence ne peut trouver d'agents que lorsqu'elle porte le masque du progrès." GB Shaw

Préambule

Je ferai en préambule deux concessions afin de parer quelques objections habituelles.

- La première, faite à Gérard Vincent, est qu'il est en effet souhaitable de réformer les statuts de la fonction publique. Le rapport Couanau sur le "désenchantement hospitalier" marquait déjà l'importance de la reconnaissance du travail bien fait. Mais pourquoi la FHF a-t'elle persisté dans son projet funeste de faire du directeur le seul patron de l'hôpital? La bureaucratisation de l'hôpital par la multiplication des "assistantes publiques régionales" dirigés par des "préfets sanitaires" était en effet un scénario catastrophe possible et redouté par ce même rapport Couanau!

- La seconde faite à ceux qui fustigent la désunion médicale et l'ingéniosité de certains d'entre nous, tant à fournir des caricatures que les réformateurs peuvent aisément jeter en pâture à l'opinion, qu'à y adhérer eux-mêmes en pensant que celui qui est motivé par l'appât du gain, ou le pur chercheur dénué de tout altruisme, ou le paresseux salarié, c'est toujours l'autre, celui du secteur que l'on ne connaît pas et que l'on s'acharne à mépriser. L'exercice altruiste de la médecine est toujours le sien, l'autre, le libéral assoiffé d'argent, le mandarin méprisant, le salarié paresseux qui se la coule douce, toujours le bouc émissaire qui nous détourne par paresse de l'esprit de la réflexion sur les dysfonctionnements systémiques. Spirale de la défiance, recherche des coupables, mal bien de chez nous.

Généalogie de l'amoral

Tenter une généalogie de la loi HPST est un exercice bien périlleux puisque l'imprudent qui s'y aventurerait risque d'être rapidement tenté de choisir parmi les grands courants idéologiques du moment, qui sont autant de modèles mentaux ou de paradigmes qui en limiteraient la portée. Frédéric Pierru et André Grimaldi sont parmi les plus remarquables des généalogistes français d'une "bureaucratie libérale" qui évacue aujourd'hui, à travers les nouveaux décrets relatifs aux commissions médicales d'établissement (CME), toute régulation médicale dans l'organisation des soins.La médecine, en ville ou à l'hôpital, est devenu un des terrains de de recherche favori pour les sciences humaines. Ainsi l'économie, la théorie des organisations, la sociologie et l'anthropologie nous apportent-elles le pire comme le meilleur selon que nous avons affaire à des semi-habiles ou aux rares vrais habiles qui nous donnent le sentiment, au delà d'un simple exercice universitaire d'explication (erklären) qui le plus souvent ne comprend rien, d'avoir réellement compris (verstehen de Max Weber) quelque chose de partageable sur ce qu'est le monde de la "clinique". Un parcours de la littérature internationale sur le sujet permet de proposer une brève liste de principes fondateurs des nouvelles réformes, au delà des clivages idéologiques traditionnels. Il s'agit en particulier d'échapper aux pièges de la configuration française de notre "société de défiance". Nous tentons ici une brève description de ces quatre cavaliers de la politique d'ajustement des coûts dans les systèmes de soins.

1 Le modèle de la réingénierie industrielle des soins, qui prône l'application des principes de l'Organisation Scientifique du Travail (OST) au systèmes de soins. Le très médiatique Alain MInc et son discret complice Raymond Soubie en sont les plus exemplaires représentants. Le modèle est décrit dans "les habits neufs d'Hippocrate" de Claude Le Pen. La version gestionnaire de l'Evidence Based Medecine est indispensable à crédibilité du modèle puisqu'une bureaucratie mécaniste (standardisation des procédures) doit remplacer la logique des collectifs professionnels et de l'autonomie de la décision dans la relation soignant-soigné. ces modes de régulation professionnelle sont aujourd'hui jugés dispendieux, obsolètes, inefficaces et contraire à la "rationalisation" managérialiste de la production des soins. Les meilleures antidotes intellectuelles à ce constructivisme à la fois scientiste et mécaniste, sont encore Hayek et Mintzberg.Pour ceux qui préfèreraient la critique marxiste de l'idéologie, je rappelle avec Jacques Juillard ("la faute aux élites") qu'Hayek et Marx se donnent souvent la main malgré les apparences pour faire la généalogie de l'aliénation, leur obsession commune. Par ailleurs l'excellent site de Claude Rochet montre comment ces mécanismes conduisent à l'effondrement des services publics. Il met l'accent sur les conditions du développement des comportements coopératifs et la recherche du "bien commun".

2 Le constructivisme holistique (holys TICs?) des nouveaux "entrepreneurs de morale" (Howard Becker*). Combiné à la théorie du public choice dans l'actuel paradigme post-moderne, il constitue ce curieux constructivisme néolibéral, monstre improbable issu d’Hayek, de l'holisme new-age et du centralisme jacobin. Une nouvelle spiritualité holistique à la recherche d'un supplément d'âme dans l'écotechnie ou l'éthiconomie se joint alors au socio-constructivisme qui semble miner notre système éducatif depuis des décennies. L'éducation nationale, aujourd'hui la nouvelle éducation pour la santé, l'inquiétante version française du disease management qui s'annonce, vise à construire un homme nouveau optimisant non plus seulement la "cohésion sociale" au regard des canons de la déviance qu'il faut éviter, mais aujourd'hui la standardisation de la totalité des comportements sociaux selon les nouveaux canons de la biopolitique.Extraordinaires "directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale". Y-a-t'il plus bel exemple de l'ingénierie de l'homme nouveau par l'union de l'hygiénisme et de la construction du lien social (police médicale et des moeurs à la fois?). après "Machiavel pédagogue", voici venu Machiavel hygiéniste.

Personne n'est dupe en haut lieu. Quel que soit l'intérêt incontestable de la promotion de la santé, au delà du buzzword qui nous enfume l'esprit, elle ne pourrait se déployer efficacement que dans un système décloisonné. Il s'agit ici seulement de réduire l'explosion des dépenses du "soin curatif". Celui-ci est assimilé tant à la médecine hospitalière qu'à la médecine libérale, ne nous y trompons pas, en le disqualifiant par une propagande bien orchestrée mettant en doute son efficacité au profit de tout ce qui est moins coûteux pour l'argent public (les nouveaux entraîneurs de salles de sport et leur préchi-précha pseudo médical, les "alicaments", les nouveaux hygiénistes et les médecines alternatives (ou médecine dites "holistiques", tiens curieux..). Comment expliquer autrement la récente et extravagante promotion, qui pourrait paraître invraisemblable face au discours dominant sur l'EBM, de l'ostéopathie non remboursée (et au delà de la création d'Andrew Taylor Still qui se présentait comme le nouvel Hippocrate, toute l'explosion bien commode de la "patamédecine" selon l'expression chère à Marcel Francis Kahn) .

3 La concurrence encadrée repose sur les théories de la motivation et de la décision issues de l'économie néo-classique. Jointe au modèle d'ingénierie industrielle elle contitue le paradigme entrepreneurial qui contribue à l'euthanasie bureaucratique de l'Etat.Plutôt que sur les vertus du "marché", un social-démocrate comme Kervasdoué mettra davantage l'accent sur la régulation par le "système d'information". Ne nous y trompons pas, le clivage n'est pas un clivage droite / gauche, comme en témoigne l'accord fondamental des partis de gouvernement pour casser le professionnalisme médical selon la doxa du "tout incitatif" mise en place par l'actuelle RGPP. Le modèle du médecin "agent double" en est bien décrit dans un récent Gestions Hospitalières par Elsa Boubert.

4 "Big Data", source de données interconnectées et censées être interopérationnelles qui supporte la légitimation d'une gouvernance par les nouveaux "initiés" qui s'en arrogent la maîtrise et l'auto-expertise (droit d'accès, de requêtes et d'interprétation).Ces initiés de la santé seront issus du métissage de la médecine et des sciences humaines dont les heuristiques de disponibilité de "Big Data" entraîne déjà l'essor pour dire la messe de la planification, de l'organisation et du financement sanitaire et social. Un débat sur la démocratisation de l'accès à "Big Data" (pensons simplement à un véritable accès aux données du PMSI anonymisées) est essentiel à notre participation réelle aux politiques publiques..

Le sociologue Eliot Freidson laisse craindre à partir de ce qui s'est passé chez le "cancre américain", qu'à coté des nouveaux médecins tacherons (dissociation de la conception et de l'exécution dans la bureaucratie mécaniste) persistent deux types de nouveaux mandarins, indissociables alliés de ce modèle de bureaucratie libérale (Giauque): les scientifiques producteurs d'EBM et les médecins gestionnaires de "santé publique". Il promeut l'idée d'un renouveau du professionnalisme médical comme troisième logique en contre pouvoir aux logiques marchandes et managérialistes. (Pierru "Hippocrate malade de ses réformes").

Logiques d'interventions individuelles (cliniques) et collectives (santé publiques) reconfigurent leur éternelle tension mais dans un "nouvel ordre sanitaire international" (Pierru).

Il faut à cet égard relire "Naissance de la clinique" pour voir que les débats qui se sont ouvert sur la "reconstruction" (sic) de la médecine par l'Etat républicain naissant pendant la révolution française se reposent aujourd'hui quasiment à l'identique dans la nouvelle ingénierie des professions de santé dans le sillage de la LOLF. Avec en plus la transition épidémiologique, technologique et "Big Data" qui change tout.
S'agissant de la répartition des postes entre disciplines universitaires, la bataille pour la reconfiguration de la galette commence à peine (lien).

La médecine doit interroger ses évidences pour s'unir, loin de la spirale de la défiance que le Prince, quel que soit ses orientations politiques sait attiser pour diviser les différentes formes d'exercice de notre art.. toujours à la recherche depuis le corpus hippocratique de preuves bien sûr.La construction d'un nouveau cadre de référence pour les politiques publiques ne peut se satisfaire de l'actuel hochet démagogique des luttes contre l'exclusion et la discrimination, axes certes fort louables convenons-en, sauf quand ils servent à masquer la simple mise ne place du filet de sécurité néo-libéral.
Les cours de Foucault au collège de France sur l'ordolibéralisme et la naissance de la biopolitique sont des plus clairs à ce sujet. Il faudrait attendre que les "joueurs", soumis à l'injonction paradoxale d'autonomie, soient devenus totalement incapables de rester sur le terrain (les "exclus"), terrain ou l'Etat n'est plus que le garant des règles, pour que l'on consente à s'en préoccuper. D'où l'usage immodéré de ces buzzwords comme la précarité (définition?) et des différents secrétariats d'Etat aux fléchages politico-médiatiques qui permettent d'évacuer tranquillement toute l'intrication des dimensions bio-psycho-sociales de la santé pendant qu'on prétend le contraire en créant d'abominables inégalités d'accès aux soins.

*Note: Howard Becker est aussi pianiste de jazz.


Quelques liens sur Big Data

Des données, des données , encore des données:
http://blogs.rsd.com/corporate/2010/03/des-donnees-des-donnees-encore-des-donnees-.html
Le 25 février dernier, The Economist publiait un article sur la gestion de l'information illustré par des exemples qui permettent de mieux comprendre l'ampleur du problème, s'il en est !http://blogs.rsd.com/corporate/2010/03/des-donnees-des-donnees-encore-des-donnees-.html

Nature news
http://www.nature.com/news/specials/bigdata/index.html"Privacy and Publicity in the Context of Big Data" Danah Boyd - Blog de Danah Boyd http://www.zephoria.org/thoughts/http://www.danah.org/papers/talks/2010/WWW2010.html

Quelques liens sur le constructivisme

Systémique et constructivisme
http://epistemologie-systemique.blogspot.com/

Systémique - Claude Rochet
http://pagesperso-orange.fr/claude.rochet/systemique.html

Constructivisme en politique (Hayek)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Constructivisme_(politique)

Epistémologie constructivistes - Jean-Louis Lemoigne
http://visionarymarketing.com/_repository/wanadoo/epistemo.pdf

Constructivisme épistémologique: une bonne mise au point
http://esprit-critique.over-blog.fr/article-14393975.html

Constructivisme et sciences de l'organisation
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2004_num_139_1_3249