vendredi 11 février 2011

Halte à l'agonie tranquille de la réadaptation hospitalière publique!


"Nous ne raisonnons que sur des modèles." Paul Valéry

L’éditorial de Loïc Capron relatant la CME de l’AP-HP du 8 février 2011 a du style. Il montre que le cadavre de la CME bouge encore. http://www.smhparis.com/

Il fait état d'un point sur la question des "filières" SSR, "ancien moyen séjour" et de longue durée, présenté par Georges Sebbane (CME) et Josiane Holstein (DIM AP-HP). Ce point fort instructif, mais qui témoigne d'une certaine idée de la fonction des SSR au siège, me semble mériter quelques commentaires.

Sans méconnaître les risques liés à la "pathossification" des SLD ni le danger majeur de la perte d'une filière gériatrique intégrée dans une approche court-termiste, on ne peut que regretter que la présentation des SSR non gériatriques y soit comme à l'accoutumée résumée à une simple question de déstockage de l'aigu selon une logique d'intégration verticale de la "filière". Cette vision de la filière restreinte à la chaîne de soin d'aval sous pression de la T2A est alors mécaniquement réduite à une logique d'appareil ou de pathologie ("neurologique, orthopédique, cardiovasculaire, cancérologique, etc."), tout ceci dans l'ignorance navrante mais attendue et habituelle de la logique de réadaptation hospitalière.

Celle-ci était pourtant si évidente dans les années soixante quand les "tâches d'assistance publique" avaient encore un sens et s'inséraient dans une logique de protection sociale cohérente.

La réadaptation nécessite des soins gradués, coordonnés et continus commençant dès le stade aigu, avec des effectifs, des locaux et des équipements convenablement organisés et financés.

La réadaptation hospitalière est bien entendu une part sanitaire essentielle de la prévention du handicap. Elle suppose aussi, outre des activités diagnostiques et thérapeutiques d'autant plus spécifiques que les cas sont complexes, une coordination médico-sociale défragmentée et précoce, d'autant plus forte que la complexité des besoins évolue très vite.

La CME n'ignore sans doute pas l'existence de la collégiale de MPR, ni l'existence de connaissances spécifiques communes en France comme à l'étranger au champ indissociable de la réadaptation locomotrice et neurologique, qui en justifie la graduation spécifique, ni celle des professions de rééducation, ni celle de ses services sociaux, ni encore l'impact des réseaux informels mais bien réels, ou parfois formalisés, dans lesquels ces connaissances s'insèrent, en lien avec les centres de rééducation fonctionnelle franciliens, les autres SSR et leurs alternatives, la ville, le secteur médico-social et le secteur associatif.

Hélas par cet aveuglement numérique et toujours vérifié et qui sépare l'analyse des "filières" d'aval (SSR et alternatives ambulatoires), de la lutte contre le handicap physique et enfin de la réadaptation, trois concepts étroitement intriqués mais qu'elle persiste à séparer dans une erreur aussi persistante qu'absurde, l'AP-HP poursuit ainsi son processus inexorable d'asphyxie de la réadaptation hospitalière, un luxe qui sera toutefois préservé mais réservé aux centres accueillant les malades qui seront dotés d'une bonne complémentaire santé.


Il est temps de réagir. Pour la survie à la T2A, autant que pour la qualité des soins à nos malades. Rejoignons l'évidence internationale qui est que la lutte contre la stagnation délétère des patients à l'hôpital, la réadaptation et la prévention du handicap sont inséparables, qu'on ne peut ainsi continuer, sans une dégradation inéluctable de la qualité des soins et de l'accompagnement, à démédicaliser le social et désocialiser le médical, pour de mauvaises raisons liées à une invraisemblable fragmentation financière, institutionnelle et idéologique, au plus grand mépris de la réalité de l'afflux de toutes les vulnérabilités aux urgences de nos hôpitaux.

Il apparaît de plus en plus clairement que l'absence de toute réflexion autonome sur l'organisation et le financement de la réadaptation en France, s'agissant du champ des déficiences (ou du handicap) physique (s) produit des défauts de soins dont on commence à peine à prendre la mesure. Ces défauts, liés à l’asphyxie de la réadaptation hospitalière publique ne sont pas sans rappeler ce qui est observé aussi dans le champ de la santé mentale et la psychiatrie publique. Il est plus qu'urgent d'y remédier.

Filières d'aval, réadaptation, lutte contre le handicap, même combat!

« Il y a tant de causes possibles ou probables – intellectuelles, sociales, économiques et idéologiques – qui influent sur la spécialisation en médecine que tout effort pour en privilégier une ou l’autre ne peut être qu’une présupposition métaphysique de comment le monde fonctionne ». George Weisz

2 brèves d'humour: les envahisseurs ; Einstein au secours de l'hôpital public

J. Borgstein. Invasion of the managers. LANCET 2003; 362:256

Lexique de novlangue pour les néophytes

CME: commission médicale d'établissement, lieu de la régulation et du contre pouvoir médical face aux logiques gestionnaires et marchandes jusqu'à la loi du 29 juillet 2009 - dite HPST (hôpital, patients santé et territoires)

AP-HP: institution autrefois orientée vers des tâches d'assistance publique, haut lieu de la clinique et de la médecine académique, aujourd'hui minée par la logique du rationnement. Cette logique absurde bénéficie de l'alliance d'une vieille garde médicale frileuse et sans espoir et d'une technocratie implacable. Cette vieille garde dont c'eût été l'honneur et le devoir de défendre les missions de l'hôpital public et cette nouvelle bureaucratie au savoir faire limité et expéditif sont en train de détruire ce qu'était devenu l'AP-HP au fil des décennies et qui contribuait si fortement à la réputation de notre système clinique français.

SSR: soins de suite et de réadaptation, le secteur post-aigu en France, à l'étranger identifie le plus souvent pour mieux l'organiser et le financer un segment commun de réadaptation des affections musculo-squelettique et du système nerveux (rapport du centre fédéral d'expertises belge)

SLD ou USLD soins de longue durée, malades dépendant d'un niveau soin tel qu'ils ne relèvent pas d'un hébergement en médico-social. La coupe Pathos traduit la volonté rationnante de faire déqualifier des malades de SLD pour les faire passer en médico-social où ils bénéficieront selon des critères discutables de beaucoup moins de soins médicaux et paramédicaux. Un des aspects de la guerre extravagante entre les diverses branches fragmentées de la protection sociale et qui contribue à paralyser tout le système d'aval. Guerre, qui va toujours hélas dans le même sens, la réduction des prestations et la maltraitance par défaut de soins au grand désespoir des soignants.

DIM: département d'information médicale ou le système d'information comme volonté et comme représentation de la santé publique numérique. Coeur de tous les lobbyings, donc la meilleure ou la pire des choses en fonction des rapports entre Machiavel et Hippocrate.

T2A: tarification à l'activité, pseuso-marché artificiel et sans garde-fous en France, visant à rationner les soins en produisant sélection des patients, segmentation, incoordination, transferts de soins et de charge dans la concurrence et la confusion, et baisse de la qualité des soins.
Utilisée à 100% en France, sans indicateurs de qualité des résultats clinique, et conjuguée à la gestion militaire et sclérosante des solides chaînes de commandement appelées par Alain Minc pour casser le pouvoir médical, c'est une arme de destruction massive des hôpitaux publics. Pire puisqu'ils n'existent plus officiellement depuis la loi HPST, une arme de déconstruction rapide des missions d'intérêt général et de solidarité non rentables.

MPR Médecine Physique et de Réadaptation une des spécialités du champ de la réadaptation médicale née de la volonté des politique publiques, jusque dans les années soixante, de favoriser une intégration des soins et de l'accompagnement entre soins et social, d'abord pour les grands blessés de guerre, puis, surtout après 1945 dans une logique de solidarité favorisant la réintégration professionnelle et sociale après une maladie ou un accident.
Médecine experte des cascades lésionnelles , fonctionnelles et situationnelles de certaines maladies et états chroniques potentiellement handicapants, comme les para-tétraplégies, les lésions cérébrales en post-aigu, les traumatismes et
l'appareillage orthopédique complexes, les amputations, etc., elle concerne principalement le champ des "déficiences physiques", surtout motrices, mais qu'on ne peut cependant considérer isolément des déficiences éventuellement associées (sensorielles, cognitivo-comportementales, psychiques...).


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