lundi 27 décembre 2010

Appel des soignants: c'est l'hôpital qu'on assassine!

O vous qui avez l'entendement sain
Voyez la doctrine qui se cache
Sous le voile des vers étranges"
Dante, L'enfer, chant IX, 61-63.

Appel des soignants

"Qui ne gueule pas la vérité dans un langage brutal quand il sait la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires." Charles Péguy

Le système de soins est malade des réformes imposées par la Nouvelle Gestion Publique et de l'hypertrophie bureaucratique d'un management qui légitime une ingénierie financière de plus en plus absurde. Chacun est incité à garder l'oeil rivé sur les indicateurs d'une rentabilité myope au détriment de l'intérêt des patients. Face à la gestion chaque jour plus ubuesque à laquelle il sont confrontés, les soignants appellent aujourd'hui à sauver l'hôpital public.
Signez l'appel des soignants : "c'est l'hôpital public qu'on assassine" à pourlhopital@yahoo.fr
Appel national et non catégoriel à signer par tout professionnel de santé

Guide de détection de "sophistique managériale"

"Il y eut le temps des Eglises, puis celui des Nations. Nous entrons désormais dans celui des Entreprises". Devise des écoles de commerce des années 1990, citée par Michela Marzano: "extension du domaine de la manipulation"
Hôpitaux démunis d'infirmières, salles privées de soignants, malades chroniques laissés immobilisés au lit sans secours dans le plus grand désarroi des soignants eux-mêmes et livrés à la précarisation fonctionnelle, malades que l'on fait de plus de plus souvent sortir sans l'accompagnement social requis au domicile, locaux dégradés et repoussants faute d'investissements, afflux de toutes les vulnérabilités à l’hôpital face à la dégradation voire la désertification des soins de ville et des alternatives sérieuses à l'hospitalisation, engorgement des urgences alors même que l'on incite, par un pseudo-marché artificiel, chaque maillon de la chaîne de soins d'aval à lutter pour sa propre survie économique, restructurations bureaucratiques absurdes faute de concertation, désenchantement des médecins et de l’ensemble des acteurs de santé, ...
Le constat d'une baisse tendancielle et conjointe de la qualité des soins et du taux de motivation est sévère et appelle à réagir.

Ce produit, pur output industriel représenté par un groupe standardisé de malades auquel sera dès lors appliqué un tarif, ne peut par construction prendre en considération les facteurs de complexité qui interfèrent avec ces prises en charge standard. Ces facteurs, d’autant plus intriqués à la maladie que celle-ci est chronique. Quoique leur prise en compte soit indispensable à l’outcome ou résultat de santé à long terme, ils sont par construction exclus des fonctions réglementaires de l’hôpital réduites à une conception trop étroite des activités diagnostiques et thérapeutiques. Il faut y voir l’effet des lois de 1970 et 1975 de séparation des secteurs sanitaire et social, puis l’aggravation de la fragmentation par les lois de décentralisation, le sanitaire étant déconcentré et le social décentralisé et territorialisé. La fabrique du produit « santé » est de plus en plus segmentée, et l’Etat, malgré les réformes successives de 1996, 2002 et 2005, ne parviendra jamais à réduire la fragmentation institutionnelle, culturelle et financière, qu’il tente de masquer par le cache-misère des réseaux, "machins" peu pérennes et compliqués à mettre en œuvre sur un système défaillant que l’on a renoncé à améliorer. Il est peu probable que l’extravagante bureaucratie autoritaire mise en place par la loi HPST avec les Agences Régionales de Santé y réussira mieux.

Le produit hospitalier est ainsi une pure représentation gestionnaire de plus en plus éloignée de ce que l'action des cliniciens voudrait pouvoir viser pour leurs patients dont ils doivent pouvoir rester les avocats. Mais cette fausse réalité, sans cesse martelée par la "COM" officielle, permet alors ce tour de passe-passe qu'est l'application des principes de la théorie de l'agence et de la concurrence encadrée au système de soins. Le médecin devient alors "agent double" pris entre l'injonction de servir deux "principaux", le gestionnaire qui l'emploie et le patient, qu'on le nomme malade, usager, ou client qui lui a fait confiance. La rhétorique managériale, en confrontant les acteurs de la santé au sentiment quotidien de la perte de sens, par la valorisation d'indicateurs myopes au détriment du résultat de santé à long terme, se fait progressivement "sophistique managériale".
L'objet de ce site est la déconstruction point par point de ce discours mythique qui n'a qu'un objectif, la faisabilité politique de l'ajustement brutal des dépenses de santé au cadre contraignant d'enveloppes budgétaires fermées, en dépit de la complexité croissante des besoins et au détriment de l'accessibilité aux soins.

Des auteurs clés pour la détection de balivernes et de "sophistique managériale" en santé
Michela Marzano - "Extension du domaine de la manipulation"
André Grimaldi - "L'hôpital malade de la rentabilité"
Frédéric Pierru - "Hippocrate malade de ses réformes"
François Dupuy - "La fatigue des élites"
Christian Morel - "Les décisions absurdes"
Henry Mintzberg - "Structure et dynamique des organisations"

lundi 6 décembre 2010

Le système d'information comme volonté et comme représentation

"Tout mécanisme de régulation est une théorie du changement social." Jean de Kervasdoué
On ne lit jamais assez Kervasdoué, le Schopenhauer du système de soins.

Une partie de la résignation des médecins et de leur renoncement à tenir leur place aux différents niveaux du management du système de soins tient dans l'inaccessibilité organisée et hélas acceptée du système d'information. Celui-ci, en l'absence d'accès réel aux données et aux interprétations qui en sont faites, du fait des pyramides et millefeuilles bureaucratiques, des réseaux professionnels de la mécanique gestionnaire, du fait des coûts d'accès exorbitants aux bases de données de santé et d'abonnements aux analyses, est la base d'une réalité "de second ordre", construite, comme l'explique très clairement Kervasdoué par une volonté des politiques publiques. Elle est à l'origine de l'apparition d'une nouvelle cléricature, de nouveaux groupes de pouvoir d'experts de l'information interreliée et de nouveaux marginaux sécants d'une nouvelle santé publique numérique d'Etat.

Bréviaire d'anti-management médical

Tout le monde connaît la célèbre "roue de Deming" mais beaucoup moins ses 14 points qui, assimilés et appliqués, entraîneraient une rénovation majeure de notre management hospitalier jacobin et fondé sur la défiance, et bien au delà de tout ce que nous imaginons aujourd'hui. (voir sous ce lien les 14 points de deming)

Mais restons sur le schéma de la roue que font tourner habituellement tous les semi-habiles formatés à la fausse qualité top down infligée aux victimes des suites de powerpoints itératifs, redondants et monotones qui remplacent si tristement aujourd'hui les assemblées médicales délibératives d'avant la nouvelle gouvernance.

La roue de la perte de sens

"Je ne crois qu'aux statistiques que j'ai falsifiées moi-même." Winston Churchill

1 In the begining was the Plan
C'est un très vieux projet que la budgétisation de l'assurance maladie et la mise sous enveloppes contraintes. Elles ont été plus récemment associées au projet de dépeçage de l'hôpital public "vaporisé" au profit du privé, avec un modèle cible d'hôpital public résiduel pour indigent et pour expertises hospitalo-universitaires de référence. Ces projets supposent la dissimulation bien ordonnée des politique publiques de déconstruction de la solidarité et de l'assurance maladie obligatoire derrière les décisions qu'on peut alors attribuer à des agences prétendument indépendantes et aux nouveaux opérateurs privés ainsi habilement introduits pour brouiller les cartes.

L'asphyxie de l'hôpital devait dès lors être habilement masquée par la mise place d'une concurrence par comparaison qui supposait une autonomie financière et une responsabilité des offreurs de soins que le management ne donnera jamais car elle aurait une potentialité trop inflationniste, l 'exemple de l' AP-HP étant caractéristique de cette mécanique infernale, pourtant aisée à comprendre, de conjonction d'un pseudo-marché par la T2A et de plafonnement aveugle d'effectifs, associé au refus de décentralisation des décisions. Ceci interdit, en contradiction flagrante avec les principes mêmes de la T2A, tout effort/effet réel d'optimisation capable de préserver la qualité des soins.

Le simple constat de cette arme de destruction massive de l'hôpital public aurait pu suffire semble-t-il à motiver la démission non moins massive de nos responsables médicaux en CME et ceux des pôles qui s'y étaient engagés. Ils ne l'ont pas fait alors qu'ils ne croient sans doute guère en la possibilité d'une DGère apprivoisée. Poussons donc plus loin l'analyse pour comprendre.

2 Do
Ils'agit de la mise en oeuvre pratique de la guerre de tous contre tous alors que le système d'aval, censé déstocker au plus vite les GHM "produits" en aigu, est lui même rapidement entraîné vers à la même logique de survie sans considération pour les parcours de soins. Dans l’omelette au lard de la restructuration, il faut pousser chacun à espérer être la poule plutôt que le cochon. Chacun croit à l'utilité de son activité, aux besoins de ses patients et veut sauver son équipe. C'est la mécanique psychologique du piège qui se referme sur les médecins hospitaliers. Il y a au moins trois façons de couler une activité en situation de financement prospectif (T2A) : l'inefficacité du responsable médical, la désorganisation des soins et activités support transversales de l'établissement sur laquelle il ne peut quasiment rien, à commencer bien sûr par le manque de personnel, et enfin les effets délétères de superstructure et frais de siège inutiles qui impactent les établissements.

3 Check
Pour que le système de destruction fonctionne sans trop de révolte, il doit s'appuyer sur un renoncement que seule la défiance généralisée peut engendrer. Chacun, dupe ou non, mouton, mutin ou maton de Panurge, doit affecter de jouer le jeu et de croire au système d'information, c'est ici la clé du processus de destruction massive par la spirale de la défiance.
La célèbre phrase de Nietzsche "il n'y a pas de fait, il n'y a que des interprétations" doit être aujourd'hui énoncée sous forme de novlangue gestionnaire si l'on espère extirper le reste de crédulité maladive et d'angélisme exterminateur qui serait en nous et nous permettre de garder un soupçon d'esprit critique:
Le système d'information est au coeur des interprétations relatives à la part de performance ou de non-performance individuelle imputable à l’organisation ou à la superstructure.

4 Act
Vient le temps de la punition des faux coupables. Il se fait selon le vieux principe paraphrasant La Fontaine "selon que vous serez puissant, dépendant d'un pôle protecteur puissant, fléché ou bien "restructurable" les jugements d'audits vous rendront blancs ou noirs."
Après deux ou trois tours de roue de la perte de sens, si vous n'êtes pas "rentable", fléché ou protégé vous êtes morts. Management by decibels et management by lobbying sont alors hélas trop souvent les deux mamelles de la survie en milieu hostile.

Mais le pire, c'est l'assimilation tacite d'un besoin de soin territorial de recours ou régional à la compétence supposée d'un responsable d'une activité clinique dont on supprimerait les prestations parce qu'il a été prétendument défaillant, sans toujours de considération pour les configurations territoriales ou celles de l'établissement. On peut constater dans de trop nombreux cas que la congruence entre un schéma d'organisation sanitaire et un projet d'établissement est une construction dont la dynamique est bien différente des principes affichés.

Une seule solution: le droit d'accès et l'accessibilité réelle, ce qui est bien différent, aux "indicateurs-handicapeurs" aux données et aux interprétations de "Big Data". C'est la conclusion bien évidente de ce que serait un système de connaissances tiré des 14 points de Deming et appliqué au système de soins.
Ou tout au moins, puisqu'il n'y a certes pas de modèle unique, ne nous appartient-il pas de préserver la vigilance critique, le sens du devoir d'ingérence organisationnelle et du refus de l'usage de mots qui nous font penser faux?
N'est-ce pas le seul moyen de préserver la confiance de patients qui ne doivent pas craindre que leur intérêt et leur santé passe pour le médecin après la "relation d'agence" qui le lie au directeur ou à l'ARS?

"Il y a trois sortes de mensonge, le mensonge, le fieffé mensonge et les statistiques."
Mark Twain cité par Disraeli, autre premier ministre anglais.
"Fais que mes patients aient confiance en moi." Prière du médecin de Maimonide

Notes webographiques
La "roue de la perte de sens" est une expression de Christian Morel (les décisions absurdes).

jeudi 25 novembre 2010

Management hospitalier: soins recherchent sens désespérément

La théorie "Z" pour le système de soins?

"Nous n'espérons d'autres avantages que d'être remarqués et considérés, rien que d'être remarqués et considérés, rien que d'être regardés avec attention, avec sympathie et approbation. Il y va de notre vanité, non de nos aises ou de notre plaisir." Adam Smith - cité par Daniel Cohen "La prospérité du vice"

Voilà sans aucun doute pour les nouveaux mandarins la morale supposée des nouveaux tâcherons de l'hôpital, qu'ils soient ou non médecins. Tentons ici un peu de sociologie des organisations dans la suite des théories "X" et "Y" de Mc Gregor et de la théorie "Z" d'Ouchi.

Théorie X:
Il faut restructurer d'urgence selon les règles de survie économique qui nous sont imposées parce qu'elles sont implacables et internationales. Nous savons qu'il faut sacrifier des activités indispensables au territoire mais nous n'avons pas le choix. La T2A est le pire système à l'exclusion de tous les autres et il faut faire la part du feu.
Les statuts de la fonction publique sont devenus un obstacle majeur aux manipulations d'incitatifs pour des agents qui ont perdu l'habitude de travailler.
On sauvera ainsi les soins les plus urgents et vitaux, et ce qu'on pourra de la recherche clinique en préservant des masses critiques suffisantes.
Résultat: le modèle segmenté et concurrentiel de production des soins associé à des indicateurs myopes et à court terme coulent "l'hôpital entreprise" par la baisse de la qualité des "produits" et de la compétitivité.


Théorie Y:
Les acteurs du soin, pour la plupart d'entre eux, aiment avant tout le travail bien fait et qui a du sens, pourvu qu'on leur permette de faire ce qu'ils savent faire.
L'expertise des équipes cliniques s'est construite sur la combinaison de savoirs implicites qui doivent pouvoir se développer sous forme de savoir-faire professionnels, de coeurs de compétences stables et pérennes, avant de pouvoir s'extérioriser en savoirs académiques ou en données factuelles.
Résultat: les contraintes du modèle segmenté et concurrentiel de production des soins, associé au coté "club med" dans un seul pays ou dans une seule institution, coulent "l'hôpital 'entreprise" par la baisse de la qualité des "produits" et de la compétitivité.


Théorie Z: les parties prenantes légitimes, dont les usagers, se mettent autour d'une table, aux différents niveaux de la gouvernance, tombent d'accord sur la nécessité de parler des dysfonctionnements réels de l'hôpital public et essaient de trouver quelque chose qui ne soit ni l'euthanasie bureaucratique de X ni l'angélisme trop souvent exterminateur de Y?

La "théorie Z" est un livre de Wiliam Ouchi qui a décrit un mode de fonctionnement d'entreprises à régulation "clanique" / professionnelle modèle bien adapté aux hôpitaux et universités - ("clanique" n'est pas plus péjoratif que bureaucratie professionnelle en théorie des organisations). Les préconisations sont assez proche des 14 points de Deming.

Bien loin d'une telle démarche qui impliquerait les stakeholders, les parties prenantes de l'hôpital entreprise, le rationnement programmé des soins intimement lié à une budgétisation myope de l'assurance maladie, en conformité aux nouveaux dogmes de la gouvernance par les finances publiques, tente de substituer une bureaucratie au service de ses agences (Nouvelle Gestion Publique et loi HPST du 21 juillet 2009), à ce qui a été considéré un peu trop vite comme une bureaucratie au service de ses agents (Kervasdoué, "l'hôpital vu du lit"). Le système de régulation et de contrôle "top down" qui se déploie aujourd'hui dans l'ensemble du système de soins est une mauvaise coproduction franco-américaine de bureaucratie libérale (David Giauque). "L'émergence d'un Etat gestionnaire libéral" selon Edouard Couty marque "le retour en force de l'Etat dans le contrôle général du système" avec la dénaturation complète de la logique des contrats par une pyramide hiérarchique contraire aux vertus supposées du pseudo-marché créé par la T2A, tandis que "la suppression du service public hospitalier est acté", dans le paradigme déferlant des services économiques d'intérêt général.
Réforme soviétique ou ultra-libérale? A coup sûr une réforme qui va à l'encontre de ses objectifs comme le soulignait Kervasdoué et qui produit déjà dans un rationnement sauvage baisse tendancielle de la qualité des soins, loin de la l'enfumage lénifiant du public par les palmarès d'hôpitaux, destruction administrative des équipes cliniques et de la motivation des soignants, désespérément en quête de sens.
Concluons avec Couty qu'il s'agit de refonder un cadre de référence partagé réaffirmant "les valeurs de solidarité et d'équité qui fondent le service public hospitalier et donnent du sens à l'action des professionnels".

« Le troisième et dernier devoir du souverain est d’entretenir ces ouvrages ou ces établissements publics dont une grande société retire d’immenses avantages, mais sont néanmoins de nature à ne pouvoir être entrepris ou entretenus par un ou plusieurs particuliers, attendu que, pour ceux-ci, le profit ne saurait jamais leur en rembourser la dépense.» Adam Smith, manifestement d'un libéralisme économique ici très modéré et promoteur d'un système non marchand porteur de politiques publiques d'intérêt collectif: un service public?

Hôpital public : le grand virage - Edouard Couty dans:
Les tribunes de la santé - Sève 28, automne 2010 La privatisation de la santé (l'article n'est pas en ligne)

La théorie "Z" - William Ouchi

Schéma théorie X et Y
Théorie X et Y de Mc Gregor
Le paradoxe de l'industriel et de l'artisan

samedi 20 novembre 2010

Médecine défensive et société de défiance - Rencontre avec Michela Marzano

« Tous les hommes politiques appliquent sans le savoir les recommandations d'économistes souvent morts depuis longtemps et dont ils ignorent le nom. » John Maynard Keynes

La lecture du livre de Michela Marzano "le contrat de défiance" ne peut qu'être féconde pour les médecins en quête d'explications relatives à l'effondrement de leur relation de confiance avec les patients, en ville comme dans les établissements de soin. Son livre montre comment le pessimisme radical des moralistes français, Pascal, La Rochefoucauldt, La Bruyère, a à ce point jeté la suspicion sur la sincérité de tout "souci de l'autre", fondement de la pratique clinique, que philosophie et économie classiques se sont combinées pour produire une théorie de la motivation et de l'intérêt collectif, avec Mandeville puis Adam Smith, qui aboutit aujourd'hui à la société de défiance et à la perte de tout crédit dans les rapports sociaux. Initiée avec la chute du système de Law, la première d'une longue série de crises de confiance, la crise du crédit ne concerne pas seulement dans le système bancaire. La société du contrat et de la judiciarisation des rapports sociaux s'en renforce toujours davantage, c'est la spirale de la défiance.

Pire, l'intériorisation de ces théories économiques par les politiques publiques aboutit, par les avatars de la Nouvelle Gestion Publique, à des modèles de management qui transforment les acteurs des organisations "d'intérêt collectif" en "producteurs" censés maximaliser leurs profits au détriment de l'intérêt des usagers, qu'ils soient patients, élèves, justiciables, usagers des banques, de la poste, des autres grandes entreprises publiques, contribuables, victimes, simple clients. Le postulat sur lequel tout repose est bien entendu que l'intérêt général et les "vertus publiques" sortiront toujours de la maximalisation des "vices privés". En médecine les effets pervers de cette théorie démentie chaque jour par les faits et le bon sens , mais par nature infalsifiable et vérificationiste, a été bien résumé par la double relation d'agence, où le médecin doit trahir la confiance de ses patient pour servir le "principal" qui l'incite aux choix tragiques.

La main visible des managers au secours de la main invisible du marché

Seule une rhétorique experte portée par une "com" extrêmement bien structurée peut faire accepter de telles manipulations d'incitations dans les services publics, aujourd'hui dissous dans le concept européen de "service économiques d'intérêt général". Le problème se pose de la même façon pour tous les soignants, médecins ou non. On lira à cet égard avec intérêt le livre précédent de Michela Marzano:"extension du domaine de la manipulation".

« Adam Smith en a rêvé, les DRH l'ont fait ! »

Car dans l'ensemble du système la qualité réelle du "produit" qui gouverne le sens de l'action des professionnels est assez systématiquement la variable d'ajustement des résultats financiers à courte vue, ces résultats dont la "com", à tous les niveaux de gouvernance, a pour but de masquer qu'ils ne sont que des indicateurs myopes de services dont la qualité réelle s'effondre, qu'il s'agisse de services publics ou d'entreprises privées devenues looser, moribondes, incapables par leur management de penser ne serait-ce qu'à moyen terme, de gérer collectivement les hommes et les connaissances.


Médecine défensive et société de défiance

La médecine est malade de l'économie dont le courant "mainstream" (lien sur l'économie des conventions qui est une des théories qui s'en distinguent) fait de chaque acteur un calculateur égoïste. Elle est malade du management, qui tente de réduire les coûts à partir d'une budgétisation aveugle des dépenses maladies qui se traduit paradoxalement dans notre organisation ultra-jacobine par des méthodes de concurrence encadrée directement inspirée de ces postulats sur la motivation et la théorie économique de l'agence.

On connaît bien aujourd'hui les critiques de l'EBM, qui n'est pas la recherche de preuves en médecine mais une méthode de standardisation industrielle fondée sur la supposition de "groupes homogènes de malades" (GHM), concept utile s'il s'approche suffisamment de la nosologie et de la logique médicales mais qui, utilisé à des fins gestionnaires, rejoint le modèle de la fonction de production de l'hôpital de Fetter et la recherche d'une standardisation industrielle non critiquable en soi, mais inconsistante parce que trop rapidement modélisée. C'est ainsi que ce paradigme entrepreuneurial devient générateur d'erreurs radicales et de défauts de soins majeurs, dès qu'il échappe à la logique clinique et la régulation médicale.
"L'art c'est moi, la science c'est nous" de Claude Bernard devient "le producteur c'est toi, la gestion c'est nous" de cette nouvelle alliance entre un scientisme bureaucratique légitimant l'EBM et ce nouvel ordre gestionnaire qui ne vise qu'à rationner et bugdgétiser sommairement la protection sociale derrière la "sophistique managériale".

On connaît peut-être moins les effets de la médecine défensive, par laquelle les politiques qualité surtout quand elles sont aussi top down, de gestion des risques et des systèmes d'information font basculer dans l'organisation des soins le caractère central de la médecine, la recherche de la santé du patient, vers la position d'objectif périphérique alors que la protection contre les malpractice devient centrale dans le dispositif de contrôle.

Defensive medicine
http://en.wikipedia.org/wiki/Defensive_medicinehttp://society.guardian.co.uk/health/comment/0,7894,1450447,00.html

>> plus pour les lecteurs patients

On mettra ces livres en lien avec le merveilleux livre de Gérard Reach qui explore justement du point de vue médical ces notions de "souci de l'autre" et de confiance en soi dans nos relations avec les patients. Le livre de Castiel et Bréchat préfacé par Tabuteau pose la question de l'imposition d'un modèle de production de GHM purement "curatifs" à un système de soins sommé depuis les lois de 1970 et 1975 de se débarasser du "social".

Gérard Reach - Une théorie du soin - Souci et amour face à la maladie
http://www.lesbelleslettres.com/livre/?GCOI=22510100624830&fa=description

Solidarités, précarité et handicap social. Sous la direction de Didier Castiel, Pierre henri bréchat. préface de Didier Tabuteau Couverture - Commande - Plan de l'ouvrage


>>>> et plus encore

"Agence tous risques"

Une brillante introduction à la théorie de l'agence par Elsa Boubert.L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières
http://www.gestions-hospitalieres.fr/dl/gratuit.php?ref_article=2919&data=2010_74.pdf

Regulation and internal controls in hospitals - J.E. Harris
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1807577/pdf/bullnyacadmed00115-0091.pdf

Le médecin comme "agent double"
Can Doctors Serve as Double Agents?
http://www.humanehealthcare.com/Article.asp?art_id=782

The doctor as a double agent
http://healthcare-economist.com/2006/10/11/the-doctor-as-a-double-agent/

Managed Care and Undividing Loyalties
http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=407122

Physicians role in cost containments - Ubel, P, Arnold R. The unbearable rightness of bedside rationing: physician duties in a climate of cost containment.Arch Intern Med. 1995;155:1837-1842.http://virtualmentor.ama-assn.org/2003/11/jdsc1-0311.html

Performance hospitalière: la théorie de l'agence en question
http://www.snphar.com/data/A_la_une/phar50/8-dossier-perf-phar-50.pdf

Contrats incitatifs et asymétrie d'information - le financement des biens et des services médicauxhttp://www.greqam.fr/IMG/working_papers/1998/98C14.pdf

L'érosion de la part gratuite en médecine libérale - discours économique et prophéties autoréalisatrices
http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=RDM_021_0313

mercredi 10 novembre 2010

Hôpital public à vendre - Apoptose bureaucratique du système de soins - Déconstruction de la solidarité - La Nouvelle Gestion Publique à la française


"Nous allons vous faire aimer l'an 2000" France Telecom

Comment la réforme parvient à être à la fois soviétique et ultralibérale


Les hôpitaux, et beaucoup plus largement le système de soins, ont pour des raisons systémiques une organisation des connaissances en "tuyaux d'orgues". Cette organisation s'est différenciée en fonction des progrès de la médecine, mais le manque de mécanismes d'intégration qui aurait du accompagner cette inévitable différenciation est plus que jamais inadaptée à la formidable pression conjointe de la rationalisation industrielle des soins et de la maîtrise des coûts.
En réalité cette rationalisation taylorienne-toyotienne totalement inadaptée à la santé, qui prétend fabriquer par sa "réingénierie" des nouveaux médecins et soignants chez qui la conception du soin et son sens, pensés par les ingénieurs de la technostructure, sont dissociés de l'exécution par les techniciens, sert de propagande à une redoutable déconstruction à la fois ultra-jacobine et ultra-libérale de la médecine et des soins français pour masquer au public et aux élus la plus sauvage des entreprises de rationnement des systèmes de soins et d'accompagnement.
L'organisation est hélas doublement incapable de s'adapter du fait de la fragmentation financière, institutionnelle et conceptuelle, aggravée par l'usine à gaz de la décentralisation qui met en opposition un système assuranciel "déconcentré" pour les soins et un système assistanciel "décentralisé" pour l'action sociale et médico-sociale. Un abîme, une véritable dérive des continents, a progressivement séparé en France et laissé au managérialisme le plus délétère, au mépris stupéfiant de la transition épidémiologique, les soins curatifs, les questions de prévention, de perte d'autonomie, de maladies chroniques, de difficultés sociales, du vieillissement et du handicap. Chacun y va alors de sa définition de la précarité de la vulnérabilité et des ses remèdes entre des extrêmes qui vont du grand tout médical au grand tout social.
Seuls les meilleurs lobbyistes peuvent faire passer ça et là , et souvent au mépris d'une réponse raisonnable aux besoins réels, tel ou tel sujet politico-médiatique pour une priorité de santé. Il leur faut s'appuyer sur des données bio-statistiques et computationnelles aussi auto-expertes et arrogantes qu'inconsistantes et limitées par des heuristiques de disponibilité: ALD 100%, CMU CMUc, PMSI utilisé comme outils épidémiologiques, sans tenir compte des logiques d'usagers et des professionnels dans les territoires.

Double contrainte et perte de sens
Peu importe l'évaluation des besoins et encore davantage celle des résultats cliniques qui se fait attendre, il faut faire du réseau, encore du réseau, toujours du réseau, pour masquer la politique de rationnement, "buzzword" parce qu'il signifie tout ce qui est coopération entre marché et hiérarchie, et horizon indépassable des réflexions et injonctions paradoxales du management dans un système ou la mise en concurrence des structures pour leur survie est érigée en modèle de gestion. "Double contrainte" schizophrénisante caractéristique et perte de sens assurée.
"Sois autonome." Mais cette vision de l'autonomie est un soleil trompeur comme le montre Michela Marzano.
La concurrence encadrée et la gestion administrative des résultats selon des manipulations d'incitatifs inspirés du monde marchand et d'une économie mainstream qui fait des "acteurs du soin" des calculateurs égoïstes, attaquent frontalement les unités opérationnelles traditionnelles de la "bureaucratie professionnelle" de Mintzberg. Même si celles-ci doivent évoluer vers une meilleure combinaison systémique des connaissances, les unité opérationnelles restent la base micro-économique de la qualité au meilleur coût, des coeurs de compétences d'équipes qui s'acquièrent au contact du public, ces compétences-clés aujourd'hui niées par les balivernes de flexibilité, polyvalence et mutialisation, concepts grossièrement importés en santé par des semi-habiles au savoir faire limité et expéditif et n'ont jamais mis les pieds dans un service de soins, dans la démédicalisation galopante de la régulation publique et son ubuesque vision de la gestion des compétences comme contrôle des attitudes et comportements.

Pour préserver qualité et sécurité des soins au meilleur coût, dans une contexte de ressources rares, rien est plus urgent que de développer les espaces de communication et de capitalisation horizontaux mêlant connaissances médicales expertes et managériales. Les NTIC permettent une expansion rapide de ces nouveaux modes d'apprentissage organisationnel mais les attitudes et comportements de "narrowcasting" habituels, des élites française, qui fonctionnent à la "logique de l'honneur" et qui craignent une perte de contrôle par l'effet agora de ces nouveaux espaces, en limitent fortement le déploiement. Les systèmes d'information des plus grosses structures bureaucratiques de soins favorisent aujourd'hui un mode de communication essentiellement vertical, trop souvent purement descendant, qui au mieux s'arrête au niveau des pôles quand il descend jusque là. Il convient aussi d'éviter les pièges de "Big Data" dénoncés par Danah Boyd et d'autres bloggers. (voir data, data eveywhere dans the economist

Biopolitique des émotions - Et si la peur l'emporte?
La spirale de la défiance, souvent justifiée par les réformes bureaucratiques des décennies précédentes dont les résultats n'ont jamais été évalués, entraîne la peur de mettre en place de nouveaux espaces collaboratifs et le repli sur la décision de ce qu'en terme de réseaux sociaux on nomme des "cliques" très fermées et sélectives dès lors qu'il s'agit de décider du changement et de restructurations.
Certains hôpitaux "magnétiques" parviennent mieux que d'autre à une adaptation aux nouvelles nécessités de communication en réseaux sociaux collaboratifs et capables de transformer des connaissances tacites grâce auxquelles diverses équipes savent mieux s'adapter à la contingence des nouvelles contraintes, en connaissances enfin capitalisables, les rendant d'autant plus attractifs pour les soignants, médecins ou non qu'il sont capables de guérir de l'amnésie organisationnelle induite par les cloisonnements croissants entre médecins, paramédicaux et managers au delà des gadgets incantatoires.
La loi HPST et le déploiement de la Nouvelle Gestion Publique dans sa version française privilégient aujourd'hui l'abandon de pans entier des soins au profit du marché, entérinent un déséquilibre majeur de la régulation traditionnelle du système de soins au détriment de la régulation médicale et au profit de la régulation managériale (HPST) et marchande (NGP)

Pointcasting - narrowcasting et broadcasting
http://www.constellationw.com/fr/les-paliers-culturels


"Il y a une confusion entre «réseau sociaux ouverts, de masse» et « réseaux collaboratifs fermés, électifs et sélectifs». Les intellectuels d'Europe se défient des réseaux sociaux de masse et considèrent les âneries infantiles comme Facebook comme des gagdets sans intérêts. Nous n'avons pas besoin de multiples « amis » et « contacts » aussi vides que futiles, voire dangereux puisqu'une information (vraie ou fausse) glissée dans ces torchons de masse n'est plus effaçable et circule hors de tout contrôle, invitant au mensonge, à la superficialité et au faire-semblant.
Par contre les réseaux coopératifs gagnent chaque jour plus de terrain autour des entreprises, des « think-tanks », des universités, des groupuscules politiques ou spirituels, Ici (en France), la distinction entre le monde élitaire (réseaux collaboratifs fermés) et le monde populaire (réseaux sociaux de masse) est bien plus marquée qu'ailleurs."
"Dans son essai, Extension du domaine de la manipulation, Michela Marzano défend la thèse de l’avènement d’une nouvelle société, en construction depuis les années 1970/80 et caractérisée par le règne de l’ "hyperindividualisme". Trois valeurs centrales seraient désormais portées aux nues et érigées en modèle à suivre pour chaque individu : authenticité, volontarisme et autonomie. Un discours certes séduisant mais en réalité trompeur, ..."

Manifeste pour un boycott des manuels de management

Extension du domaine de la manipulation De l'entreprise à la vie privée Parution : 20/10/2008Auteur(s) : Michela Marzano Editeur : Grasset 284 pages

Les maladies de l’Hôpital Public - Dr Jean-Martin Cohen-Solal, directeur général de la Mutualité Française.- Jean Léonetti, député UMP des Alpes-Maritimes, président de la Fédération Hospitalière de France.- Pr André Grimaldi, diabétologue à l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière.
PODCASTS : http://www.rfi.fr/emission/20101028-1-maladies-hopital-public
PODCAST : http://www.rfi.fr/emission/20101028-2-maladies-hopital-public

Faire payer les vieux. C Trivalle

Podcast pour écouter André Grimaldi et Frédéric Pierru sur France Culture - L'hôpital, une réforme difficile

Hôpital public à vendre - Anne gervais et André Grimaldi
Cliquer ici

La désocialisation de la santé en France. Un choix politique inégalitaire. Philippe Batifoulier Maître de conférences en économie EconomiX, Université Paris Ouest
Source : http://www.ies-salariat.org/IMG/pdf/Notes_IES_16-2.pdf
Chacun a pu faire l’expérience, quand il a rencontré un problème de santé, du renchérissement du coût des soins. Les individus sont mis de plus en plus à contribution pour le financement de leurs propres dépenses de santé sous l’effet de l’intensification des tickets modérateurs et du développement des franchises et forfaits. Pourtant, le gouvernement français ne cesse de brandir, chiffres à l’appui, le faible taux d’effort demandé au patient français par comparaison à d’autres pays où le « reste à charge » pour les ménages est beaucoup plus important. Ainsi la désocialisation de la santé en France est partout sauf dans les statistiques. Cette note vise à montrer que cette désocialisation est bien présente si on tient compte du coût réel des soins (partie 1). Elle en isole les justifications politiques (partie 2) et en dresse un bilan (partie 3).
Autres textes en ligne de Batifoulier

Clinique vs Santé publique - Politique de soins et politique de santé
Une analyse de Marc Bremond en 2000, dans la revue Adsp: Organisation, décision et financement du système de soins - Revue ADSP n°33
"Politique de soins et politique de santé ont symboliquement entamé leur divorce le 15 novembre 1989, à la suite de la parution d’un article dans Le Monde intitulé « Non au ministère de la Maladie » signé par cinq experts*, tous médecins." (une analyse incontournable de cet article)
"La « médicalisation » de la société, avec l’avènement d’une cléricature de la thérapeutique et la volatilisation de la maladie dans un milieu corrigé, organisé et sans cesse surveillé, constitue, depuis l’avènement des États modernes, les deux modèles extrêmes entre lesquels schématiquement s’organise le débat public sur les politiques de soins (de santé)." Marc Bremond (peut-on parler d'une politique de soins?)

Quelques liens sur la régulation
Une critique des modes managérialistes dans la gestion des organisations de services humains complexes de santé et de services sociaux Alain Dupuis, Téluq UQAM et Cergo Luc Farinas, Cergo 2009

Le nouveau management public et la bureaucratie professionnelle Florence GANGLOFF Doctorante Université Montpellier 1- ERFI - ISEM
http://www.iae.univ-poitiers.fr/afc09/PDF/p177.pdf

Management par objectifs, financiarisation des stratégies et perte des réalités, par Aurélien Acquier


La nouvelle gestion publique en action +++
http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RIPC_112_0177
Tiré de Revue internationale de politique comparée Volume 11 –2004/2
"La nouvelle gestion publique"
http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2004-2.htm

The Balance between Professional Self-Regulation and Accountability for Monitoring and Improving Quality of Care

vendredi 29 octobre 2010

T2A et méthode Coué - La nouvelle gestion publique "en action"


"J'ai des questions à toutes vos réponses." Woody Allen

1 La méthode d'Emile Coué pour convaincre les parlementaires ou l'art de leur cacher les effets de la nouvelle gestion publique en santé: lire le rapport T2A 2010 sur http://martaa.free.fr/

Antidote: la nouvelle gestion publique "en action" - comprendre pourquoi et comment nous sommes soumis aux méthodes de concurrence par comparaison inspirées par les règles du marché privé: théorie de l'agence, gestion administrative des résultats nécessitant une modélisation industrielle préalable des fonctions de production (Fetter) pour la définition d'objectifs quantitatifs, et la focalisation sur ce qu'on croit pouvoir analyser comme prestations fournies plutôt que sur la procédure à suivre, trop implicite aux yeux des logiques managériales.
http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2004-2-page-177.htm tiré de:
La nouvelle gestion publique - Revue internationale de politique comparée Volume 11, 2004/2

Voir aussi les textes de Frédéric Pierru et un florilège sur la NGP

2 L'erreur persistante ou l'art de noyer le poisson de la fragmentation. Le déni de la question des maladies chroniques eu égard aux limites intrinsèques de la conception des GHM c'est de ramener en permanence la question de l'intrication du médical et du social à la seule "précarité".

Extraits p. 70 - Les chantiers déjà engagés seront poursuivis :

"en ce qui concerne la prise en charge de populations précaires en milieu hospitalier, le secrétariat général du Comité d’évaluation de la T2A s’est inspiré de la méthode de repérage des patients précaires développée dans le rapport d’Iris Conseil pour préparer le recueil de l’information dans les établissements de l’ENCC qui permettra d’alimenter l’étude quantitative. Plusieurs codes Z ont été retenus pour chacune des quatre dimensions de la précarité (isolement, qualité du logement, niveau de revenu, et accès aux droits). Un tri a été effectué, à partir d’une étude de l’ATIH, pour ne retenir que les codes Z qui semblent exercer une influence importante sur les durées moyennes de séjour. Le recueil des données au niveau des établissements de l’ENCC a été effectué par l’ATIH en novembre et décembre 2008. Les premiers résultats portant sur l’impact de la précarité sur la durée moyenne de séjours devraient être disponibles vers la fin du 1er semestre 2009. Le troisième rapport annuel du Comité d’évaluation de la T2A (2009-2010) rendra compte de l’état d’avancement de cette étude"

en ce qui concerne l’impact de la T2A sur la productivité au sein des établissements de santé, le Comité d’évaluation a confié en 2006 au CRESGE, un centre de recherche en économie, la réalisation d’une étude méthodologique et statistique centrée sur la mesure de la productivité. Cette étude a été rendue publique à la séance plénière du Comité d’évaluation de la T2A du 5 février 2008. Cette étude a apporté une revue de la littérature intéressante qui souligne bien que les indicateurs de productivité partielle fournissent une vision biaisée de la performance des établissements de santé. Dans ce cadre, le secrétariat général du Comité d’évaluation de la T2A envisage, dans les premiers mois de 2009, de confier à un groupe de travail associant la DREES et l’INSEE (CREST) la réalisation d’une nouvelle étude, plus académique, qui s’inspirerait des approches en termes de fonction de production. Ce groupe de travail aura à définir la méthodologie de l’étude et modéliser la fonction de production des établissements de santé. L’intérêt de cette approche est de proposer un modèle économique à partir duquel il est possible de décliner des indicateurs de productivité globale robustes. Cette étude, qui représente un investissement méthodologique important, s’inscrit dans un calendrier long qui pourrait s’étendre sur deux années"

Ces rapports sont manifestement des entreprises de propagande qui ignorent systématiquement la littérature internationale sur les financements prospectifs, les comportements opportunistes qu'ils induisent sur les acteurs mis en concurrence pour la survie de leurs structures (sélection des patients dans le cadre des activités de soins affichées vis à vis des agences, baisse non évaluée de qualité des prestations, transferts de soins et de charges vers d'autres secteurs, sélection adverse c'est à dire refus de développer certains types d'activités non rentables) , question cruciale du choix des épisodes de soins à financer, évaluation de l'impact de ces financements sur la qualité et la sécurité des soins, garde-fous etc.

Guide de désintoxication rapide au sujet du financement prospectif: https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/genealogie-de-la-loi-hpst#TOC-Financement-des-h-pitaux

Conclusion: la T2A est, ni plus ni moins que les autres, un très mauvais système de financement. Toutefois ce financement prospectif s'inscrivant dans les mécanismes quasi-marchands inspirés de la NGP ne suffit pas à lui seul à détruire les hôpitaux publics. Il faut impérativement y adjoindre:

1 Une enveloppe financière contrainte, l'ONDAM qui oblige à la baisse inéluctable de tous les tarifs et donc à l'extinction d'activités territoriales indispensables par le biais de restructurations fondées sur des indicateurs volontairement myopes (non sens de la "bureaucratie libérale" de Giauque).
2 Un management hyper-bureaucratique (HPST est une réforme "soviétique" selon Kervasdoué) qui ne laisse aux promoteurs d'activités cliniques, pôles et/ou unités opérationnelles, ni véritable autonomie ni responsabilité, en pratique ni le "chéquier" ni la latitude nécessaire sur les ressources humaines et les équipements
3 Une propagande et une gestion top-down d'une pseudo-qualité et des risques qui masque systématiquement les effets pervers en terme de qualité et sécurité des soins voire de maltraitance, et empêche le développements de classiques mécanismes compensateurs palliant la faible consistance du "modèle de production" et des "groupes homogènes de malades"

On parvient ainsi à cumuler les pires effets délétères de la dotation globale, du financement à l'activité et de la pire bureaucratie weberienne. Mais le succès est-il aussi assuré pour ceux qui ont convaincu Machiavel de la faisabilité politique de cet ajustement sauvage des dépenses face à Hippocrate?



La dictature c'est "ferme ta gueule", la démocratie c'est "cause toujours". Woody Allen




samedi 23 octobre 2010

Euthanasie bureaucratique de l'hôpital public - Essai de généalogie et de typologie murayienne des médecins hospitaliers



"Je ne crois qu'aux statistiques que j'ai falsifiées moi-même". Winston Churchill

Qu'on ne s'y trompe pas, les promoteurs de la loi HPST savent très bien ce qu'ils font. Ils ont bel et bien programmé l'asphyxie des hôpitaux publics, bien au-delà des restructurations que pourraient justifier des comparaisons internationales d'équipement en lits et une nécessaire optimisation des organisations. Les mécanismes de convergence intra et intersectorielles si justement dénoncés par le MDHP, par de nombreux syndicats de médecins ou de directeurs, s'accélèrent alors que plus que jamais un financement prospectif sans garde-fou (T2A) conduit les structures luttant pour leur survie à des comportement opportunistes de sélection des patients, de réduction des prestations, de transferts de soins et de charges vers d'autres secteurs, au mépris de l'accessibilité, de la continuité et de la sécurité de soins. Si les territoires hébergeant les populations les plus vulnérables sont les premières victimes de cette politique myope, avec l'effet de double peine d'être aussi des départements disposant de moins de moyens pour les relais sociaux et médico-sociaux dont la responsabilité a été "décentralisée" quand le secteur sanitaire n'est que "déconcentré", tous sont frappés par cette gestion délétère. Mais on reste stupéfait de la facilité avec laquelle les collègues médecins hospitaliers se laissent transformer en exécutants dociles, progressivement démunis de tout ce qui faisait le sens de leur action, pour eux et leurs équipes, soit par renoncement et résignation, soit parce que sans aucun espoir de restructurations intelligentes ils ne luttent plus que pour préserver leur activité en attendant que l'orage passe, soit parce qu'ils se sont laissés formater l'esprit pas la doxa gestionnaire sans en comprendre le projet pourtant assez limpide.

Voici une typologie murayienne des médecins hospitaliers et une proposition d'un exercice de généalogie collective

Bien sûr il y a les appatchiks, les "matons de Panurge" qui tiennent un discours auquel ils ne croient guère, pour les moins naïfs, et qui tirent avantage de leur position pour mieux promouvoir leurs projets ou par simple peur que ceux des autres fassent obstacle aux leurs s'ils ne tiennent plus les rennes. Certains hôpitaux sont ainsi paralysés par la peur et par leurs réseaux informels, ces "cliques" qui ne parviennent plus à sortir d'elles même. Il se déroulera alors de surréalistes réunions de CME /CCM (pour l'AP-HP, futurs CMEL ou Comités de Mise En Liquidation de la régulation médicale) qui deviendront de tristes successions de powerpoint célébrant le thème du "tout va très bien madame la Marquise". Voici venu le temps de l'ouverture du bal des indicateurs à courte vue et de la myopie gestionnaire, comme la consommation des litres de soluté hydroalcoolique (type même de l'indicateur absurde selon Christian Morel).
Nous verrons alors pontifier dans ces tristes grand-messes où se préfigure déjà la caporalisation des responsables médicaux, les doctes Diafoirus du management hospitalier, les Trissotins de la performance et des portefeuilles d'activités faire l'exégèse de notre situation dans le palmarès du Point à travers une succession de diaporamas soporifiques relatifs
- aux résultats T2A, qu'on s'empressera bien de surtout ne pas rapporter ni aux lits qu'on peut laisser ouverts sans danger pour les patients, ni aux effectifs médicaux et non médicaux,
- aux taux d'infection nosocomiales camembérisées en couleurs sans se demander si on a assez d'infirmières pour enlever les sondes à demeure infectantes et les remplacer par des sondages intermittents,
- à divers laius sur les nouveaux systèmes d'information en novlangue incompréhensible
- avant le dernier audit externe qui aura coûté une fortune pour dire au directeur ce qu'il voulait entendre en n'utilisant surtout pas les compétences locales.
Entre ces projections, les plus courageux des présents encore en éveil oseront peut-être encore évoquer l'existence de quelques petits dysfonctionnements qui pourraient faire l'objet (comble d'audace) de concertation avec les parties prenantes légitimes (là, on frise l'insurrection culturelle).

Il y a les "mutins de Panurge", les rebellocrates, ceux qui condamnent les équipes aux commandes et leurs restructurations brouillonnes et expéditives pour appliquer dès qu'ils le pourront la même logique suicidaire au service d'intérêts catégoriels ou à courte vue, parfois au nom des paradigmes les archaïques ou au contraire les plus grossièrement gestionnaires qui soient.

Il y a les "montons de Panurge", les vaches à lait de la médecine, les tâcherons chargés d'exécuter des programmes de soins fictifs, élaborés par une technostructure qui nous raconte à longueur de rapports, formations et de réunions abrutissantes, bien loin de la réalité des unités de soins un "pays des Bisounours", un "hôpital numérique" dans une représentation autant virtuelle qu'inconsistante de la qualité version contrôle externe, des processus, de la sécurité, des indicateurs myopes, de la participation et de la transparence, de l'innovation, de la performance etc.

Il y a peut-être de véritables résistants à la chienlit gestionnaire qui nous accable et dégrade la qualité et la sécurité des soins au quotidien. Mais qui peut prétendre être assez visionnaire? Nous pensons toutefois que la vigilance critique et l'ingérence organisationnelle sont aujourd'hui le devoir et l'honneur de la médecine. De nombreux et talentueux collègues nous montrent la voie pour rester les avocats des patients que nous servons. Y-a-t-il aujourd'hui un Londres de l'hôpital public, ou une résistance de l'intérieur encore possible?

Généalogie du projet
La vérité est que le projet, le "vrai" projet, celui d'en haut, ne parlons pas de ces petits projets régionaux de santé, de territoire, d'établissement, de service, de soins, de sortie, de vie, que l'incontinence réglementaire nous enjoint de formaliser dans la culture du plus pur nonsense chestertonien, parlons du grand projet de l'architecte, celui de Machiavel ingénieur du système de soins, cette grande entreprise de constructivisme holistique sanitaire et social, promue par les semi-habiles des statistiques de santé publique et des nouvelles sciences computationnelles. Ce grand projet, c'est bien l'asphyxie programmée de l'hôpital, son euthanasie bureaucratique qui sont parfaitement orchestrés. Les activités de soins vont tomber une à une sans considération aucune pour leur utilité territoriale malgré les incantations des ARS. Sans doute laissera-ton un lieu d'accueil pour les indigents, car comment faire quand l"'hôpital devient ça et là le généraliste des pauvres? Mais l'indigent, la personne en perte d'autonomie relèvent non des services déconcentrés de l'Etat mais des collectivités décentralisées. L'abîme entre soins et social se creuse toujours davantage contre toute logique de véritable santé publique à commencer par celle de la simple intelligence économique. Sans doute laissera t-on aussi quelques lieux de médecine de référence liés à la recherche mais peu accessibles faute d'avoir su construire des soins gradués.

Au coeur de la propagande
On peut ainsi résumer le modèle surmédiatisé par nos nouveaux ingénieurs mondains et les hauts commis de l'Etat qu'ils ont convaincu de l'efficacité de leur machine infernale:
1 L'hôpital coûte trop cher!
2 Il n'a aucunement fait les preuves de son efficacité!
3 Il est très mal géré mais seulement "administré", dit-on, par des directeurs qui ne se soucient pas d'un l'argent public qui n'est pas le leur, par des mandarins égoïstes, notariaux, patrimoniaux et paternalistes, avec des agents de la fonction publique qui ne sont pas incités à travailler par des statuts surprotecteurs, tout ce petit monde servant des usagers dont bien entendu le seul souci est de surconsommer et gaspiller l'argent de la protection sociale.
Bien entendu le même raisonnement est tenu pour la médecine de ville.
Si les points 1 et 3 sont habituellement débattus dans le champ politique, au regard du choix d'un modèle de protection sociale, de la gestion des grands équilibres, de ce que les Français sont prêts ou non à dépenser pour leur santé, et de la gouvernance de l'hôpital prise dans l'ouragan du new public management le plus jacobin qui soit, c'est bien le point 2 qui doit nous inquiéter, point très rarement mis en avant, sauf par les connaisseurs de l'idéologie qui sous-tend cette mise à mort de l'hôpital et au delà, de la médecine curative s'exerçant dans le cadre de soins solidaires et accessibles à tous. Le transfert des dépenses sociales aux collectivités locales crée des dysfonctionnements ubuesques vu d'en bas comme si il y avait des "français de L'Etat" et des "français du département". Schizophrénie institutionnelle!

Résistance intellectuelle
Il importe donc de citer les auteurs et les think-tanks qui véhiculent en permanence le seul argument qui vaille pour les adversaires de l'hôpital public, et au delà de la médecine curative, son inefficacité globale même si l'Evidence Based Medicine et autres données factuelles vise à en sauver pour les apparences quelques pans bien industrialisés. Le reste sera laissé en pâture à la régulation marchande et à la patamédecine non remboursée en dehors de mutuelles. La question de la démédicalisation et de l'antimédecine ne peut se ramener à un simple débat droite gauche puisque qu'entre autres, Jean de Kervasdoué défenseur des systèmes socio-démocrates de protection sociale fait partie des auteurs concernés. De plus est-il besoin de rappeler que c'est la révolution française qui avait créé les officiers de santé. Foucault et Freidson se sont interrogés sur le retour triomphal de la médecine en France après cet épisode. De l'autre coté Milton Friedman de l'école de Chicago prône une libéralisation totale avec suppression des juridictions professionnelles et de toute reconnaissance par l'Etat, avec la seule loi de l'offre et de la demande pour prodiguer des soins.
On peut donc espérer qu'encore une fois Hippocrate survivra aux sophistes et à la bureaucratie à la fois soviétique et néo-libérale qui s'annonce.

Voici quelques textes symptomatiques de cette mouvance, merci de compléter cette généalogie salutaire.

Kervasdoué à l'IFRAP
http://www.ifrap.org/J-etais-deja-critique-a-l-egard-du-systeme-j-ai-ressenti-que-je-ne-l-etais-pas-assez,555.html

On peut être en désaccord avec Jean de Kervasdoué, mais c'est une auteur incontournable. Il faut lire "très cher santé", ouvrage extrêmement riche d'idées et d'analyses. On peut lire en ligne "l'hôpital vu du lit" et "la santé intouchable"

Extraits de "Très cher santé"
"La France se classe au cinquième rang mondial pour l'espérance de vie après Andorre, le Japon, Singapour, et le Canada..."...
"Non seulement les différences sont importantes, plus de deux années entre les Etats-Unis et la France mais elles se creusent (5 mois en 1960, 2,8 années en 2004) en dépit du fait que es Américains dépensent 2 fois et demi plus que les Japonais et presque deux fois plus (1,88) que les Français."
...
"Quand la croissance de l'espérance de vie elle a d'abord tenu à la qualité de l'eau, à la vaccination, à l'hygiène, à la qualité des produits alimentaires (frais en toutes saisons) , à la qualité de l'air (la pollution atmosphérique décroît dans toutes les villes occidentales grâce au contrôle des effluents industriels et domestiques - le chauffage au bois ou au charbon - et à l'énergie nucléaire notamment en France), aux progrès des installations industrielles , aux évolutions des habitude alimentaires..."

Extrait de "la santé intouchable":
"Or, il est faux de prétendre que la médecine curative a, seule, un impact sur les indicateurs de santé. Il est en effet estimé à 15% environ. 85% de l'amélioration de l'espérance de vie est donc expliquée par d'autres facteurs (héritage génétique, mode de vie, organisation sociale). On pourrait prétendre que c'est peu. C'est en fait considérable, l'institut de Médecine de l'Académie des Sciences des Etats-Unis remarquait qu'il était quasiment nul jusqu'en 1930, passer de 0 à 15% en 60 ans est donc une véritable prouesse. Nous connaissons tous des gens qui vivent ou simplement vivent mieux grâce à ces découvertes médicales, mais cette extraordinaire réussite ne doit pas occulter les autres facteurs responsables de l'augmentation moyenne de la durée et de la qualité de vie et le fait que la médecine a un autre rôle que de soigner : celui d'accompagner, de prendre en charge ceux dont la vie se termine "

Quelle est la justification scientifique des pourcentages avancés par l'auteur? On ne peut qu'approuver son souhait de réconcilier en France médecine curative et accompagnement, cure et care, en conflit conjugal depuis les lois de 1970 et de 1975, conflits aggravés par les cloisonnement interprofessionnels introduits par les réformes suivantes. Mais n'oublions pas que c'est largement la logique gestionnaire et les politiques publiques qui sont responsables de cette fragmentation institutionnelle culturelle et financière. Aussi est-il extravagant de voir les incendiaires crier au feu et fustiger la médecine curative prisonnière des cloisons qu'ils ont créé autour de l'épouvantail du fameux "modèle bio-médical" dont on attend que le veau d'or holistique vienne à bout. Mais si aujourd'hui "l'hôpital se fout de la charité", à qui la faute sinon au modèle de production qu'on lui applique avec tant d'arrogance?

Anasys et George Borges Da Silva.
Le clan des statisticiens de la démédicalisation à outrance des soins curatifs est bien représenté dans ce texte édifiant. Lire aussi ce type de thèses dans "Très cher santé" de Kervasdoué. Borges Da Silva décrit ainsi la "quatrième grande blessure narcissique" à l'origine du désenchantement du monde hospitalier qui semble à peine commencer:
"L’immense effort financier que l’homme consacre à ses soins curatifs ne lui permet pas d’obtenir les résultats qu’il escompte. Il est maintenant admis que le système de soins profite largement d’une imposture : l’amélioration de l’état sanitaire de la population doit plus à l’amélioration des conditions de vie qu’au système de soins. Cette blessure est si mal cicatrisée que les moyens qu’il accorde à la santé publique restent bien en deçà de ses propres nécessités. L’Homo medicus serait toujours enclin à un sentiment de prééminence sans partage, expliquant ses difficultés à revoir de façon sereine et rationnelle son système de santé."
Extrait de:
Propositions d'orientation pour Anasys - Cela a le mérite d'être clair!
http://anasys.org/spip.php?article33

Georges Borgès Da Silva est rédacteur en chef de l'excellente revue "Pratiques et organisation des soins" dont voici quelques articles importants -



Mariane pose assez bien le problème, mais ne donne pas les méthodes pour les indispensables restructurations: on peut et on doit faire des économies à l'hôpital
http://www.marianne2.fr/On-peut-et-on-doit-faire-des-economies-a-l-hopital_a189974.html

La médecine? c'est comme l'aviation! Un peu de ré-ingénierie et de gestion des risques par des pros, et ces artisans, ces "petits magiciens" de l'ère préindustrielle n'ont qu'à bien se tenir...
Ensemble améliorons la qualité en santé: Présentation de René Amalberti (chargé de mission HAS)
Les méthodes de gestion des risques sont fort bonnes de soi convenons-en. Mais de quoi servent-elles si l'on en vient à oublier les risques cliniques tels que les voient les médecins et les paramédicaux, à court, moyen ou long terme, si ce qui est périphérique, mais qui se voit, se juge, rapporte ou évite des dépenses aisées à évaluer, tout en nécessitant la plus extrême vigilance, devient central au détriment de ce qu'attendent nos patients: ne pas mourir si la médecine peut l'éviter, réduire au minimum les séquelles fonctionnelles, ne pas souffrir, et être informé au mieux pour participer à la décision et aux soins. La gestion de ces risques là ne s'industrialise pas comme dans l'aviation.

Voilà pourquoi il faut s'unir pour préserver à la fois la médecine curative et la médecine sociale, en pont entre l'aigu et le chronique, les soins et la solidarité, le cure et le care, menacés avant tout par une politique d'ajustement sauvage des dépenses cachée derrière le masque trompeur de la rationalisation industrielle et financière.

Contre ces techniques grossières de gouvernement par les nombres, merci de participer à cet exercice de généalogie collective et de nous faire partager la connaissance d'écrits, think tanks, blogs qui iraient dans le même sens. appelons au contraire à une véritable logique ascendante de la construction de la qualité dans une système devenu incapable de s'écouter, de la gestion des risques, de restructurations du système de soins favorisant la qualité et adapté à des ressources rares.

Cela s'appelle intelligence économique et sociale ou recherche du bien commun, au choix, cela suppose un cadre de référence partagé pour la solidarité et la protection sociale, cela se développe dans les territoires avec les parties prenantes légitimes et cela doit s'articuler avec les logiques descendantes à travers les niveaux de gouvernance micro-méso et macro économiques.
En santé cela suppose surtout une dé - frag - men - ta - tion qui ne se limite pas aux incantations, aux incitatifs et aux formalisations managérialistes qui démédicalisent la gestion du système de soins depuis au moins 30 à 40 ans, pour les plus optimistes.

"Il y a trois sortes de mensonges, le mensonge, le fieffé mensonge et les statistiques" Mark Twain cité par Disraeli (Ah ces premiers ministres anglais!)

La langue et la verve de Philip Muray: Cliquer ici