samedi 15 juin 2013

Quand l'austérité tue - Iatrogenèse managériale et effondrement tranquille de la qualité des soins

"Il n'y a rien de si difficile à distinguer que les nuances qui séparent un malheur immérité d'une infortune que le vice a produit." Tocqueville

Si l'austérité tue, que dire alors des politiques publiques d'ajustement et du bullshit management qui leur est asservi? - David Stuckler, Sanjay Basu, The Body Economic. Why Austerity Kills, Basic Books, 2013.
Injonction d'autonomie et parcours de santé: du Welfare state au "workfare"

Voici un remarquable ouvrage – sorti ce mois – d'un sociologue et d'un épidémiologiste américains sur les effets sanitaires délétères des politiques d'ajustement structurel ou d'"austérité", ou de "rigueur" ou tout autre mot de la novlangue techno-politique. Edifiant. A partir de l'exploitation statistique de données depuis la Crise de 1929 en passant par le collapse de l'URSS jusqu'à la Grèce aujourd'hui, il montre comment des politiques brutales de coupes dans les budgets sociaux et sanitaires laminent la santé publique et enfoncent les pays dans la crise."

1. Quelques analyses du livre sont confrontées à d'autres articles récents sur le site d'ubulogie clinique


Présentation du livre
Politicians have talked endlessly about the seismic economic and social impacts of the recent financial crisis, but many continue to ignore its disastrous effects on human health and have even exacerbated them, by adopting harsh austerity measures and cutting key social programs at a time when constituents need them most. The result, as pioneering public health experts David Stuckler and Sanjay Basu reveal in this provocative book, is that many countries have turned their recessions into veritable epidemics, ruining or extinguishing thousands of lives in a misguided attempt to balance budgets and shore up financial markets. Yet sound alternative policies could instead help improve economies and protect public health at the same time.

In The Body Economic, Stuckler and Basu mine data from around the globe and throughout history to show how government policy becomes a matter of life and death during financial crises. In a series of historical case studies stretching from 1930s America, to Russia and Indonesia in the 1990s, to present-day Greece, Britain, Spain, and the U.S., Stuckler and Basu reveal that governmental mismanagement of financial strife has resulted in a grim array of human tragedies, from suicides to HIV infections. Yet people can and do stay healthy, and even get healthier, during downturns. During the Great Depression, U.S. deaths actually plummeted, and today Iceland, Norway, and Japan are happier and healthier than ever, proof that public wellbeing need not be sacrificed for fiscal health.

Full of shocking and counterintuitive revelations and bold policy recommendations, The Body Economic offers an alternative to austerity—one that will prevent widespread suffering, both now and in the future.


2. Halte aux mensonges politiques sur les systèmes de santé.

Les Britanniques malades de leur système de santé 
(LE MONDE CULTURE ET IDEES - 13.06.2013


3. avant tout, en finir avec les mauvaises co-productions franco-américaines!


Un rapport américain tire un bilan catastrophique des politiques de santé menées outre-Atlantique
U.S. Health in International Perspective: Shorter Lives, Poorer Health  - Le rapport: http://obssr.od.nih.gov/pdf/IOM%20Report.pdf


Halte au bullshit management dans les hôpitaux, en ville, comme dans le secteur social et médico-social!

Vous n'êtes pas encore convaincus? Vous croyez au discours de légitimation de l'asphyxie de la santé par la rationalité des réorganisations gestionnaires?

Le management par l'austérité, on dira en novlangue les "plans d'efficience", se traduisent par la disparition des équipes stables, formées et motivées qui constituaient les noyaux durs des "services" cliniques, que les pompiers pyromanes n'ont de cesse de briser. La loi HPST a fait des directeurs de véritables tyranneaux, tout puissants vers le bas et impuissants vers le haut face aux nouvelles agences. Aucun contre-pouvoir, garde-fou ne vient plus limiter l'infantilisation managériale, la novlangue hallucinée qui tente de nous hypnotiser et d'endormir notre vigilance critique la plus élémentaire, le déploiement du couple infernal intégration - processus cher à François Dupuy, les injonctions paradoxales qui font vivre tous les soignants dans le cauchemar quotidien de l'hyper-rationalisation technocratique.

Henry Mintzberg a parfaitement décrit comment le fait de placer des MBA à la tête d'une introuvable ré-ingénierie des soins, alors qu'ils ne connaissent pas intimement les procédés de travail, conduit au triste jeu de chaises musicales entre managers d'hôpitaux. "Tout est contrôlé et rien n'est sous contrôle." (F. Dupuy)

Les lois et textes de 1991, 1996, Mattéï et Bachelot n'ont eu de cesse transformer la "bureaucratie professionnelle" en un hybride de bureaucratie à la fois mécaniste (les processus, résultats affichés de la prétendue ouverture des "boites noires" que la fonction de production pourra dès lors "intégrer") et divisionnelle (les pôles et les contrats), centrée sur des résultats définis et évalués d'en haut par le sommet stratégique. Réduits au simple rôle d'exécutants de politiques de santé conçues ailleurs, tout comme les médecins hospitaliers, le droit de dire les besoins et la planification sanitaire ayant été transférée aux SROS, les directions ne savent ne savent que fermer les robinets financiers, en feignant d'organiser des "filières de soins" qui ne sont guidées que par des logiques de survie ou d'expansion. Mais n'est-ce pas après tout ce que leur demande le New Public Management, le rôle qui leur est assigné pour la performance publique?
En réalité, communautés médicales d'établissements et directions d'établissements n'ont plus rien à dire sur la réponse aux besoins de soins dans leur territoire. La "démocratie sanitaire" n'est alors que la légitimation gestionnaire de la dépossession démocratique et du déni de citoyenneté. Jamais les professionnels n'ont à ce point été écarté des sources d'information, de la gestion, des processus de décision. Jamais ils n'ont eu si peu d'autonomie dans des décisions cliniques chaque jour plus polluées par des choix tragiques imposés. "Sois rentable" dit-on au producteur,  mais "travaille en réseau dans l'intérêt patient" dit-on à l'acteur.

"Aie confiance, souris et sois complice" nous demandent-ils, à nous autres médecins et autres soignants, devenus petits "producteurs" de soins au service de logiques économiques et sociales de santé publique qui sont censées nous échapper. Voir "la performance publique pur les nuls".


Plus encore... avec le Kit d'ubulogie clinique

L'effondrement tranquille de la qualité des soins

Iatrogenèse managériale

Le grand désenchantement de la médecine

Opinions et croyances en économie de la santé

Oui, il existe un bon management, quand il n'est pas asservi à un ajustement inconséquent:

Gérer autrement l'organisation et sa performance
(Site de Marcel JB Tardif)

"A mesure que le mouvement actuel de la civilisation se continuera, on verra croître les jouissances du plus grand nombre ; la société deviendra plus perfectionnée, plus savante ; l'existence sera plus aisée, plus douce, plus ornée, plus longue ; mais en même temps, sachons le prévoir, le nombre de ceux qui auront besoin de recourir à l'appui de leurs semblables pour recueillir une faible part de ces biens, le nombre de ceux là s'accroîtra sans cesse. On pourra ralentir ce double mouvement : les circonstances particulières dans lesquelles les différents peuples sont placés précipiteront ou suspendront son cours ; mais il n'est donné à personne de l'arrêter. Hâtons-nous donc de chercher les moyens d'atténuer les maux inévitables qu'il est déjà facile de prévoir ". Tocqueville


Webographie sur le "Bullshit management"

Mortel management
http://www.mortelmanagement.com/mortel-management/

"Faits et foutaises en management." Jeffrey Pfeffer ET Robert Sutton
http://faitsetfoutaises.blogspot.fr/

Faits et foutaises dans le management est paru aux Etats-Unis sous le titre "Hard Facts, Dangerous Half-Truths and Total Nonsense", en 2006. Jeff Pfeffer et Bob Sutton l'ont donc écrit avant la rédaction d'Objectif Zéro-sale-con par Sutton.
Les incitations financières affaiblissent la motivation
http://www.journaldunet.com/management/0711/faits-foutaises-management-sutton-pfeffer/5.shtml


Attention ce ne sont peut-être que des "transgresseurs contrôlés" ou des "mutins de Panurge" prêts à nous vendre d'autres balivernes. Il faut regarder ce qu'il racontent sur leur site d'evidence based management
http://evidence-basedmanagement.com/

Voir aussi "Bullshit management" (Jos Verveen)
http://www.financemanagement.be/le-management-cest-bullshit/

Bullshit generator (étonnant...)
http://cbsg.sourceforge.net/cgi-bin/live

Et bien sur De Gaulejac: Management, les maux pour le dire
http://www.ceras-projet.org/index.php?id=5261

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