vendredi 18 mars 2011

Le nouvel esprit d'assistance publique: quand César et Mammon sont dans un bateau

Mammon ou l'Ethos du profit

" Je n'aime pas les communistes, parce qu'ils sont communistes ; je n'aime pas les socialistes, parce qu'ils ne sont pas socialistes ; et je n'aime pas les miens, parce qu'ils aiment trop l'argent ." De Gaulle


Machiavel ne croit jamais à aucun veau d'or. C'est là sa force, il ne connaît que la raison politique. En revanche il sait fort bien utiliser les fausse idoles pour mieux asphyxier ce qu'il a décidé de sacrifier à l'ajustement des dépenses, en l'occurrence, l'hôpital public. Le culte obligé de la main invisible du marché, la voie de Mammon n'a d'égal que celui de la main trop visible du nouveau management public, la voie autoritaire de César, qui ne sait que cultiver la spirale de la défiance des usagers contre Hippocrate pour mieux l'asservir, afin de réduire définitivement toute velléité des médecins, et plus largement de l'ensemble du corps soignant, d'être les avocats de leurs patients.

César et Mammon ont ceci de commun qu'ils veulent transformer les acteurs du soin en exécutants de leur chef d'oeuvre industriel, celui que Bernard Debré et Philippe Even attribuent à "l'énarchie de santé publique" dans un rapport sur l'AFSSAPS qui tombe à pic et dont les conclusions peuvent largement interroger l'ensemble des politiques publiques de santé.

Précisons que les cornes ci-dessus n'impliquent aucune connotation de nature religieuse, ce sont tout au plus celles des cocus de "l'éthiconomie", que l'allusion au veau d'or n'est qu'une métaphore, et que dans son souci de rappeler avec force que Mammon ne peut se substituer à Esculape, votre serviteur n'est véritablement marxiste que dans la tendance Groucho.

Ne négligeons pas cependant l'apport de la théologie politique. La question de savoir si l'enfer est endothermique ou exothermique se pose avec acuité face aux effets des actuelles gesticulations médiatiques des pompiers pyromanes. Je rappelle qu'elle a été brillamment traitée sur le net même si l'université d'origine est controversée. (-:

Mais revenons à nos moutons de Panurge, aux mutins et aux "matons de Panurge" qui trahissent la médecine en la réduisant à la triste industrialisation de "processus", ce buzzword terroriste, ce tueur de la clinique, qui permet de nier les véritables "procédés de travail" des équipes soignantes en reconstruisant la division du travail sur la modélisation de résultats à court terme qui n'ont plus rien à voir avec les résultats clinique que recherchent le soin. Les résultats du petit process boutiquier et comptable de la nouvelle gestion publique et de sa concurrence encadrée des résultats (output du processus en novlangue) n'ont rien à voir avec le résultat clinique de santé à long terme, l'outcome celui que recherchent d'un commun accord le clinicien qui n'omet pas le care à coté du cure et le malade qui lui a fait confiance.

C'est que l'akrasie, la faiblesse extrême de la volonté médicale jointe à l'incontinence réglementaire conduit inévitablement à l'incurie organisationnelle à la paralysie de la décision et du pilotage , bien loin de la dysorganisation décrite par l'idéologie managériale comme une simple réaction corporatiste mandarinale et soignante ou encore sociologique de "l'ordre soignant" face à la rationalité formelle parfaite, toute de prévisibilité et de calculabilité sans faille du nouvel "ordre managérial".

Nous proposons la lecture de ce texte:

Réguler les dépenses de santé : entre César et Mammon
http://www.rees-france.com/IMG/pdf/ART-865_Reguler_les_depenses_de_sante.pdf
Ce texte de 1986 témoigne du dilemme de "l'énarchie de santé publique": à coté de la logique de César et de celle de Mammon, la troisième logique de Freidson, la logique d'Hippocrate, en est l'impensé.

En France, le cadre normatif tissé par les grands corps se confond avec le cadre conceptuel, la carte avec le territoire.

En voici un illustration parfaite dans le rapport Even - Debré sur l'AFSSAPS
Si ce "chef d'oeuvre industriel" a échoué c'est parce qu'il a été conçu et dessiné par "l'énarchie de santé publique, marquée du juridisme des grands corps et très loin de réalités du terrain, les malades et des réalités scientifiques les médicament et produits de santé".
http://www.acteurspublics.com/article/16-03-11/l-afssaps-clouee-au-pilori


L’intégralité du rapporthttp://www.scribd.com/doc/50801924/Rapport-Mediator


Principe de séduction du veau d'or éthiconomique
La transformation idéologique des soignants en simples calculateurs économiques dépourvus de tout souci de l'autre précède nécessairement le culte de la main invisible du pseudo-marché qui permet la justification de la gestion par la concurrence encadrée des "résultats" en médecine.

Ainsi de déploie au risque de tuer la clinique, l'extension généralisée du domaine de la manipulation, l'Ethos de la recherche systématique et rationnelle du profit qui fait du cycle argent - production des soins - argent, l'alpha et l'oméga de l'architecture du nouveau système de santé.

"Je suis une partie de cette force qui veut toujours le mal et produit pourtant le bien." Goethe - Faust
Comment comprendre autrement l'imposition de cette idéologie absurde que le calcul égoïste et rationnel en santé produira spontanément par on ne sait quel deus ex machina la bonne organisation, surtout pour ce qui n'est pas rentable, ces malades chroniques dépendants dont nous voyons au quotidien s'effondrer la prise ne charge tandis que nos nouveaux contremaîtres, ceux que César contraint à nous considérer, nous autres soignants, médecins, paramédicaux, mais aussi dans une acception plus large du soin les psychologues, les assistantes sociales, en simple exécutants de process qui nous dépassent, les directeurs, se battent eux-mêmes avec un système de règle du jeu ubuesque dont ils découvrent bien vite qu'il n'est qu'une machine à perdre.

Voilà comment surviennent l'ajustement des dépenses et la fin de la solidarité.

Quand César et Mammon s'emmêlent

Kervasdoué: Etrange "loi Bachelot" qui va à rebours des objectifs affichés
http://www.smpf.info/telecharge/upload/LeMonde130509.pdf

Hospital Inc. Le secteur hospitalier à l’épreuve de la gouvernance d’entreprise. Frédéric Pierru
http://www.inrp.fr/manifestations/2009-2010/education-sante
(source: http://www.inrp.fr/manifestations/formation/territoires-reseaux-et-solidarites )

Elsa Boubert. L’entrée dans le paradigme du «tout-incitatif» en question n° 493 - février 2010 gestions hospitalières


Sur la valeur partagée:
« What Is Value in Health Care? » de Michael Porter - New Engl. J. Med. 2010. 363: 26; 2477-2481
Article cité dans l'épilogue du livre de Laurent Degos: santé pour sortir des crises?
http://healthpolicyandreform.nejm.org/?p=13328
http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMp1011024?ssource=hcrc

L'éthiconomie au service de Mammon

The Worship of Mammon 1909 by Evelyn de Morgan.


Hélas, son adoration étant instrumentalisée par Machiavel, "Le veau d'or est toujours debout" et il commence à faire froid dans le pseudo-marché de santé francilien http://open-shoreditch.blogspot.com/2009/02/mammon-from-superhero-to-sub-zero.html-


Qui ne voit que tout cela ne favorise ni la santé publique, la vraie, celle qui se préoccupe de la réalité des besoins de soins du territoire, ni la bonne gestion du risque économique.

Petit kit de survie en milieu semi-habile

Autonomie et responsabilité professionnelle préservée = vies sauvées

Il y a des évènements indésirables graves dans tous les hôpitaux, dont 85 % ont une origine systémique liée à l'organisation des soins. La France commence à analyser ce type d'indicateurs. Il ne fait aucun doute que le management chaotique de l'actuelle gouvernance, la nouvelle division verticale et horizontale du travail de l'hôpital entreprise, associés aux réductions d'effectifs et de moyens imposées "au doigt mouillé" par les tableaux des emplois rémunérés (TPER), creusant des inégalités de dotations historiques dans l'ignorance volontaire des ratios de personnels qui freineraient les restructurations à la hache, ne peuvent qu'aggraver ces risques.

Chacun peut se taire et attendre que la bombe tombe sur le voisin, en manœuvrant pour privilégier la survie de son activité. Chacun peut aussi juger inacceptable que ce qu'il savait faire, avec son métier, avec le savoir-faire de son équipe de soin, ne soit plus assuré pour la population locale. Il n'y a pas de risque zéro!

Notion de iatrogénie systémique (de la iatrogénie organisationnelle)
http://ecoetsante2010.free.fr/article.php3?id_article=375

Les EIG dans les établissements de santé
http://www.sante.gouv.fr/les-evenements-indesirables-graves-lies-aux-soins-observes-dans-les-etablissements-de-sante-premiers-resultats-d-une-etude-nationale.html

Mutations du travail: la situation des établissements de santé Pierre Lombrail

Qualité de vie au travail et qualité des soins dans les établissements de santé. Séminaire HAS du 21 octobre 2010 Pierre Lombrail, CHU de Nantes
http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2010-11/20101021_diaporama_lombrail.pdf

L’organisation du travail et la santé des hospitaliers : risque ou prévention ? Pierre Lombrail
https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=explorer&chrome=true&srcid=0B5W9SA51Fx-sOWE0N2JiY2EtY2QxYi00NmIxLTg1NDctZWQ3NDhkMDNkODNm&hl=en&authkey=CMuo-5QM

Les hôpitaux magnétiques
http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Les_hopitaux_magnetiques.pdf

Effectifs suffisants = vies sauvées
http://www.anfiide.com/Documents/documents-utiles/kit-JII-2006f.pdf

Sécurité des patients - Association des infirmières et infirmiers du Canada
http://www.cna-nurses.ca/cna/documents/pdf/publications/PS102_Patient_Safety_f.pdf

Qualité au travail = soins de qualité
http://www.sideralsante.fr/repository/pdfs/427_environnements_favorables_a_la_p.pdf


vendredi 11 mars 2011

Brave new world - L'extension du domaine de la manipulation par les textes - la knockisation de la société.

"Tout homme bien portant est un malade qui s'ignore." Knock - Jules Romain. Vidéo 1 - Vidéo 2

1. Incitations comportementales et environnement - centre d'analyse stratégique

2. Connaissances et compétences - Education le chantier en ruine

3. Promotion de la santé - charte d'Ottawa
"Les facteurs politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux, comportementaux et biologiques peuvent tous intervenir en faveur ou au détriment de la santé. La démarche de promotion delà santé tente de rendre ces conditions
favorables par le biais de la promotion des idées."
"Ceci doit mener à un changement d'attitude et
d'organisation au sein des services de santé, recentrés sur
l'ensemble des besoins de l'individu perçu globalement."

4. Retour au Centre d'Analyse stratégique -
English book : Improving public health prevention with behavioural, cognitive and neuroscience

5. Crise de confiance et crise de vocation - une lecture sociologique de la crise hospitalière. Frédéric Pierru
6. La logique de compétence. Stéphane Haefliger
7. Les enjeux de la logique de compétence. Jean-Pierre Durand
8. De la fabrication des compétences. Richard Wittorski

9. Les paradoxes de la notion de compétence en gestion des ressources humaines. Anne Dietrich
http://www.univ-lille1.fr/bustl-grisemine/pdf/rapports/G2000-172.pdf
10. La performance comme dispositif de gestion ou la construction sociale de l’insignifiance. Jean-Luc Metzger.
en pdf: http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RES_134_0263
http://www.cairn.info/revue-reseaux-2005-6-page-263.htm

11. L’ensorcelante ambiguïté de « savoir, savoir-être et savoir-faire ». Jean-Jacques Guilbert
http://www.pedagogie-medicale.org/10.1051/pmed:2001009

12. Savoir, Savoir-faire et savoir-être repenser les compétences de l'entreprise. Thomas Durand
http://www.strategie-aims.com/montreal/durand.pdf
13. Exigences de qualité et nouvelles formes d'aliénation. Sami dassa, Dominique Maillard

14. Retour à la santé. La "santé équitable" par l'accès aux droits ou de la standardisation des comportements
"Il apparaît que l’exercice de la liberté individuelle et une conscience éclairée sont les leviers d’un nouveau modèle de santé. Synthèse des débats."
"tenter d’atténuer les inégalités de santé résultant de l’application de toute la
justice des lois."
"préparer l'émergence d'un nouveau modèle de la santé, basé sur
«l’empouvoirement» des personnes, pour leur permettre d’adopter un
comportement équitable, c’est-à-dire d’exercer leur liberté et leur responsabilité.

Pauvres de nous, et si Foucault avait raison? Loin de favoriser autonomie et responsabilité, le soleil trompeur de "l'empouvoirement des personnes" promu par les politiques publiques de santé vise l'intériorisation des incitations dans toutes les sphères de la vie publique et privée, rendant inutiles les vieilles formes de la société disciplinaire, tandis qu'on dissimule tranquillement la réduction de l'accès aux soins derrière "l'accès aux droits" et à des libertés purement formelles? L'INPES, la gardienne du temple de la promotion de la santé, justifiant sa prise de pouvoir par l'imposition nécessaire de la "discrimination positive" en santé, veillera à ce qu'elle préside à la construction de l'homme nouveau. La liberté dans la standardisation programmée des attitudes, des comportement et des compétences?
Cette knockisation de la société n'est pas le triomphe de la médecine de Jules Romain mais celui d'une bureaucratie qui vise avant tout à masquer le rationnement des soins et la démédicalisation qu'il suppose derrière l'écran de fumée d'une rationalité qui doit d'autant plus s'appuyer sur l'obscurité d'un système d'infirmation et de nombres de plus en plus inaccessible aux profanes que les méthodes préconisées ne peuvent guère s'appuyer sur l'evidence based management (voir le blog d'Antoine Flahault)
Faux marché, vrais profits et faux résultats de santé, fondés sur ds indicateurs à court terme et essentiellement comptables, parce qu'engendrés par de pseudo-modèles scientifiques (modèle de production de Fetter) construits pour justifier une financiarisation des stratégies et finalement, chez nous, la vente au monde marchand d'une solidarité qu'on se résigne à vendre par appartements parce qu'on a renoncé à en construire un modèle partagé, convenablement organisé et financé.
Le malade qui vient nous voir, angoissé, demande-t-il une restauration de la santé selonla vision de l'OMS, ou plutôt proche de celle de René Leriche reprise par Canguilhem dans "le normal et le pathologique"
"La santé c'est la vie dans le silence des organes."?