samedi 6 juillet 2019

Généalogie de la pensée managériale de marché


“Dans la philosophie, la religion, l’éthique ou la politique, deux et deux peuvent faire cinq, mais quand le chiffre un désigne un lit, un médecin, une infirmière ou un kinésithérapeute, deux et deux doivent faire quatre”. Adapté de George Orwell, 1984


Lectures d’été - Les origines de la pensée managériale de marché 


Je conseille en premier lieu ce petit livre sur le système américain que je viens de dévorer en deux jours. Trois autres livres complètent utilement la réflexion dans cette sélection d’ubulogie clinique en vacances. 

1. Comprendre la politique de santé aux États-Unis Janvier 2019 Élisa Chelle Marc Smyrl (Préface)


Les questions qui se posent aujourd'hui à notre système de santé, sur l'accès aux soins en termes territorial et financier, sur l'aménagement du territoire, sur la couverture par les assurances santé et sur la régulation de ce qui est plus un patchwork pointilliste qu'un véritable système intégré se sont posées au moment de la réforme Obama. Elles se posent à nouveau quand Trump essaie avec difficulté de revenir sur ses avancées, notamment l'extension incontestable du pourcentage de la population couverte par les assurances. 

Crise des urgences, impasses hospitalières, impasses de l'organisation et du financement en aigu, en SSR, en ville et dans le secteur médico-social, parcours chaotiques, aggravation des inégalités d'accès aux soins et de santé, en particulier pour les personnes atteintes de maladies chroniques, les personnes âgées dépendantes, les personnes requérant de la réadaptation, tout particulièrement quand à ces situations s'ajoute la précarité qui majore le risque vital et le risque de handicap. Même si la fragmentation institutionnelle et financière est différente les problèmes ne sont pas si différents. Il y a plus de convergences que de divergences.


2. LA CASSE DU SIÈCLE À PROPOS DES RÉFORMES DE L’HÔPITAL PUBLIC . Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent.


Ces deux livres complémentaires nous aident à comprendre les méfaits d'un scénario américain tourné par un metteur en scène anglais dans un village gaulois. La genèse de ce qu’André Grimaldi appelle la pensée managériale de marché, d’autres la bureaucratie libérale, tient davantage à des affinités électives entre coalitions d’acteurs confrontés aux contraintes et opportunités de l’ajustement des dépenses de santé qu’à une stratégie coordonnée, même si les organisations internationales et l’économie globalisée jouent un rôle important. Il y a donc une spécificité française.

Ainsi s’est constituée une doxa managérialiste où le mythe de la concurrence efficiente (inhérente à la culture de la régulation américaine) se conjugue à celui de l'organisation technocratique du travail de soins (mise en scène anglaise) et à celui de la régulation par les incitations (jusque dans les comportements à risque ou "nudge"). Ainsi naissent les pseudo-marchés régulés par l'état. Les choix de nos politiques de santé en quête d'ajustement sont présentés comme la solution unique, sans alternative possible. Ils conduisent au rationnement inégal des soins, délétère pour les patients, ubuesque et désespérant de perte de sens pour les professionnels. 

La mise en scène de la concurrence régulée, ou "divin marché" en santé, repose sur la définition de résultats de production myopes, inventés aux USA pour maîtriser les dépenses par un paiement prospectif par cas. La rationalisation des fonctions de production n’a su définir que des résultats court-termismes, insignifiants pour les acteurs. La T2A prospective par cas a du sens pour certaines prestations mais sa construction est trop étiopathogénique et curative. Elle est inadaptée aux nouveaux besoins de santé en modélisant l'hôpital comme usine à soins, ou machine à guérir. Ces modèles de productions simplistes et anachroniques ont pour résultat, par un phénomène de prophétie auto-réalisatrice, de transformer les acteurs en producteurs de GHM, ces groupes homogènes de malades qu'ils sont censés produire. 

Il ne s'agit donc pas ici, contrairement à la rhétorique ​managérialiste ​du changement, de mentalités soignantes résistantes qu'il faudrait changer ​grace à​ l'éducation conçue par les savants "d'en haut" et par la pédagogie des incitations. Il s'agit au contraire de changer les rapports de production qui nous transforment en idiots aux rationalités limitées, conformément aux modèles économiques aussi dominants qu'aliénants de la neuro-économie orthodoxe. Ce modèle s'autojustifie en permanence par infalsifiabilité et vérificationnisme. Tout est toujours expliqué par le modèle. Dans la réalité les soignants font tout ce qui est encore possible pour protéger l'intérêt individuel des patients, ce qui a toujours été leur première motivation intrinsèque, la bête noire des manipulateurs d'incitations qui rêvent d'y substituer des motivations extrinsèques.  

Appliquer uniformément et partout le paiement à l’acte qui ignore l'épisode de soins et toute activité intellectuelle des soignants, ainsi que la T2A actuelle qui ignore les finalités réelles de soins, respectivement en libéral et à l'hôpital, en aigu, bientôt peut-être au secteur des SSR, secteur post-aigu le plus hétérogène du monde dans ses fonctions avec 26% des lits hospitaliers français, est un déni de santé publique. C'est la maladie infantile, le trouble envahissant du développement des systèmes d'information, de comptabilité, de gestion, de financement et de régulation en santé.

Mieux conçues, fondées sur une fonction de production épousant les finalités d’épisodes de soins pertinents pour les payeurs et signifiants pour les cliniciens, associées à d'autres mécanismes en compensant leurs inévitables faiblesses, les classifications en groupes homogènes de patients peuvent toutefois permettre une allocation des ressources plus juste que le financement à l'étiquette, historique, injuste et souvent contre-performant. Mais il faut une vision d'ensemble et un pilotage politique pour surmonter la société bloquée, la crise de l'intelligence collective, notre mal français.

3. La sociologie des professions Par Florent Champy, 2012


Les sociologues américains face à l’évolution du système de santé ont redéfini la place et la nécessité d’une logique professionnelle dans la régulation des systèmes de santé. A lire absolument.


4. Managing the Myths of Health Care. Henry Mintzberg 2017


Pour interroger les mythes et les échecs prévisibles du nouveau management public appliqué à la santé.

Pour aller plus loin: 15 articles pour s'initier à l'ubulogie clinique
https://sites.google.com/site/ubulogieclinique/quinze-articles-pour-s-initier-a-ubulogie-clinique


samedi 15 juin 2019

La crise des urgences, symptôme de l'immobilisme des politiques de santé



« L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter. » Edgar Faure




Un système à bout de souffle


La crise sans précédent des urgences est le symptôme d’un système à bout de souffle et la partie émergée de la souffrance des professionnels de santé de tous les secteurs. Il est frappant d’entendre les mêmes incantations médico-gestionnaires, redondantes, itératives et monotones, prôner des remèdes qui ont échoué depuis des décennies. La France, dans son superbe isolement, persiste à ignorer les cadres conceptuels internationaux de santé publique. En période d’ajustement et de rationnement des soins il est pourtant essentiel de les appliquer aux pays à haut revenus.

Ces erreurs de gestion ne sont pas nouvelles. Galbraith dans "le nouvel état industriel" dénonçait les méfaits des technostructures et des filières inversées qui asservissent dans une chaîne de production les opérateurs d'aval à la fonction de production de l'amont au détriment des besoins des bénéficiaires. Pas de bonne standardisation sans personnalisation, encore faut-il se demander quels sont les nouveaux déterminants des soins urgents ou non et de l'hébergement hospitalier, voire de nos missions d'assistance publique.

Evolution de la demande et des besoins: fonctions et stratégies de santé


Le vieillissement de la population, les maladies chroniques, les polypathologies et les limitations multifonctionnelles à risque de handicap qui les accompagnent ont conduit l’organisation mondiale de la santé (OMS) à promouvoir cinq stratégies fondamentales de santé : la promotion de la santé, la prévention, le traitement des maladies, la réadaptation et les soins palliatifs. L’OMS définit en particulier la réadaptation dans le rapport mondial sur le handicap de 2011[1] comme « un ensemble de mesures qui aident des personnes présentant ou susceptibles de présenter un handicap à atteindre et maintenir un fonctionnement optimal en interaction avec leur environnement ».

En lien avec ces stratégies le système international des comptes de la santé (ICHA)[2] comporte une classification des prestataires (ICHA-HP), une classification des fonctions (ICHA-HC) et une classification des modèles de financement (ICHA-HF). 

La nomenclature fonctionnelle du système international des comptes de la santé (ICHA.HC) définit les grands objectifs ou fonctions de production transversales aux secteurs institutionnels qui structurent les systèmes de comptabilité nationaux. Ces fonctions sont reliées aux stratégies de l’OMS dans le tableau ci-dessous

Nomenclature fonctionnelle de l’ICHA-HC (OCDE)
Stratégies de santé (OMS)
HC.1 : Services de soins curatifs
Augmentation des maladies chroniques, des patients polypathologiques et des maladies non transmissibles
Soins curatifs
Stratégie curative
HC.2 : Services de soins de réadaptation
Augmentation des limitations fonctionnelles et restrictions d’activités. Intention principale : optimiser les fonctions organiques et les activités
Soins de réadaptation
Stratégie de réadaptation
HC.3 :  Services de soins de longue durée
Augmentation des besoins d’assistance dans les activités de vie quotidienne, élémentaires et instrumentales (ADL et IADL)
Fragilisation des réseaux familiaux et sociaux de soutien
Frontières complexes avec l’action médico-sociale et sociale
Soins d’assistance à la vie quotidienne
Stratégie de soutien
HC.4 : Services de support aux soins de santé
HC.5 : Biens médicaux délivrés à des patients ambulatoires
HC.6 : Services de prévention et de santé publique
Modification des comportements et des facteurs de risques
Prévention
Stratégie préventive
HC.7 : Administration de la santé et assurances santé
Fonction de production composite
Soins palliatifs
Stratégie palliative

Service est entendu au sens économique de production de biens et de services, non au sens institutionnel.

Vers des prestations mieux intégrées


Les malades viennent aux urgences, comme vers les autres prestataires, avec des besoins intriqués au regard de ces finalités fondamentales, mais le modèle de production imposé aux hôpitaux fait d’une finalité curative principale la finalité unique de l’hôpital, incitant à externaliser les autres réponses. Il est source de perte de sens.

1. Les besoins et la demande des patients ont changé de même que les capacités de réponse d’un système de santé sous tension en période d’ajustement budgétaire
  • Les situations aiguës aboutissant à des guérisons sans séquelles après un traitement court sont plus rares (pneumopathie, appendicite, fracture simple...)
  • Les événements aigus inaugurant des conditions chroniques handicapants sont plus fréquents, allongeant la durée des épisodes de soins (AVC, lésions médullaire, infarctus du myocarde, amputation, polytraumatismes …).
  • Les événements aigus compliquant des états chroniques et /ou polypathologiques rendent inopérante une vision en filière hospitalo-centrée des parcours (conditions évolutives ou stabilisées liées à des affections du système nerveux, appareil locomoteur, cardiaques, respiratoires, en santé mentale etc.).
2. Les finalités de soins sont multiples. Les réponses aux besoins doivent être coordonnées et continues, ni cloisonnées en silos institutionnels, ni juxtaposées dans le temps : prévention, soins curatifs, réadaptation, assistance aux AVQ en lien avec le soutien social. Il faut mieux intégrer les dimensions synchroniques et diachroniques.

3. La rareté des ressources et les innovations technologiques imposent un système accessible et gradé. Les patients doivent avoir un accès égal aux soins dans tous les territoires et simultanément doivent pouvoir, dans une logique de pertinence, avoir accès au bon niveau de soins en temps opportun dans tous les secteurs : proximité, recours et référence. Il convient de sortir d’un modèle compassionnel d’accès à tous pour tous, incapable de répondre aux besoins. D'un autre coté il s’agit de s’affranchir d’un modèle de production exclusivement étio-pathogénique et curatif, laissant à la charge de l’aval les autres fonctions de production. La pertinence des prestations devra s’appuyer sur un système d’information identifiant les finalités fondamentales.

Finalité
Système d’information

Fragmentation entre secteur sanitaire et action sociale
Prévention
Facteurs et comportements à risques
Facteurs socio-environnementaux

Besoins de soutien social, d’accompagnement et de compensation du handicap
Soins curatifs (HC.1)
Diagnostics et sévérité, actes et procédures marqueurs
Réadaptation (HC.2)
Statut fonctionnel : capacités selon la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé (CIF), échelles de complexité des besoins ; actes et programmes de soins marqueurs
Assistance AVQ (HC.3)
Statut fonctionnel : capacités selon la CIF

Les finalités de soins aux patients se composent différemment selon les secteurs du système de santé. La planification et la gradation des soins n’épousent pas la même logique de spécialisation des fonctions de production en aigu, en SSR et dans les autres secteurs. En France, le secteur des soins aigus est assimilé à la fonction de production des soins curatifs, tandis que le champ institutionnel post aigu / subaigu des soins de suite de réadaptation (SSR) est confondu avec la fonction de réadaptation. L’intégration de l’aval par l’amont épouse le modèle industriel d’une chaîne de valeur linéaire et trop purement curative des parcours hospitaliers et ambulatoires. Elle conduit à la réduction de la qualité des soins pour les patients et à la destruction des compétences relatives aux autres finalités fondamentales.

Perspectives


Le cercle vicieux de nos politiques de santé peut être représenté par la figure présentée au début de cet article[3]. Le rationnement des soins, le modèle de l’usine à soins curatifs, le dogme de la réduction des lits, les difficultés d’adaptation de la médecine ambulatoire et l’abîme entre secteurs sanitaire et secteur de l’action sociale s’y conjuguent dans une synergie négative dont les mythes doivent être questionnés.

Le plan "ma santé 2022" et la loi de santé ont pris la mesure de la fragmentation des parcours et des méfaits d'une organisation en silos dont le financement redouble les incitations à la non coopération. Pour aboutir à une cohérence entre planification, budgétisation, allocation des ressources et contrôle de gestion, elle devra se résoudre à bien identifier les dimensions institutionnelles, fonctionnelles et financières d’un système qu’elle souhaite accessible, solidaire, soutenable, pertinent et adapté aux nouveaux besoins. Il lui faudra relier les finalités fondamentales des soins de santé à l'allocation des ressources tout en favorisant la continuité pour chacune d'entre elles.

S’il vous plait, encore un effort Madame la Ministre!

[1] Rapport mondial sur le Handicap.
URL : https://www.who.int/disabilities/world_report/2011/fr/ Site consulté le 9 mai 2019

[2] OECD, Eurostat, WHO. A System of Health Accounts, OECD Publishing. 2011.
URL: http://www.who.int/health-accounts/documentation/sha2011.pdf?ua=1

[3] Traduit et adapté de : The Coming of Age: Improving Care Services for Older People (National report) – 22 Oct 1997

samedi 9 février 2019

Rationalisation, perte de sens et souffrance dans les hôpitaux


La cage d'acier de la rationalisation


Voici, par Bertrand Pauget et al., une critique de la rationalisation des activités hospitalières qui apporte un éclairage sur la perte de sens et la stupéfiante capacité du système à faire pratiquer des soins de qualité de plus en plus médiocre par de braves gens qui en souffrent. Ne pouvant donner de la voix, ils en sont réduits à une loyauté désabusée et passive ou à l'exit, parfois sous des formes dramatiques.

Cela complète parfaitement l'approche de Mintzberg par les mythes de la santé dans une vision ou il faut voir plus de continuité que de ruptures, ainsi que l'approche de la souffrance au travail de Christophe Dejours, de Vincent de Gaulejac et bien sûr de Frédéric Pierru pour ne citer qu'eux.

La loi Touraine de 2016 et la STSS "Ma santé 2022" poursuivent les mêmes logiques, notamment avec les fusions réalisées par les GHT (merger mania)et l'intégration gestionnaire des soins primaires.

Max Weber décrivait déjà le chemin qui mène vers la cage d'acier de la rationalisation des activités sociales.

Nous voyons ici à l'oeuvre un triple processus de rationalisation: rationalisation des règles de fonctionnement, rationalisation des savoirs médicaux, rationalisation des moyens (vus principalement sous l’angle financier, autrement dit celui des recettes dans un business model).

J'émets juste une réserve sur la "bureaucratie professionnelle" hospitalière qui est une organisation émergente largement construite d'en bas du fait que les opérationnels sont les experts, contrairement aux systèmes de production dits tayloriens où les experts sont dans les bureaux des méthodes (la technostructure). Cette organisation professionnelle est retrouvée dans tous les hôpitaux indépendamment du processus français (Mintzberg).

Nul ne peut s'opposer à la raison vraie, celle que recherchent selon Aristote les médecins, au delà tous les cliniciens, dans leur tekné, leurs pratiques prudentielles (Florent Champy).
Mais rester vigilants face aux mythes gestionnaires, économiques et des politiques publiques de santé qui remplacent trop souvent les sciences exactes, oui, sûrement.

Attention à ce que Alain-Charles Masquelet dénonce comme "le mauvais bout de la raison" en s'inspirant de Rouletabille.

Lectures proposées:


Eléments d’Histoire des réformes hospitalières : 1941-2009

La valeur-utilité dans le secteur de la santé : de l'acceptation à la contestation

The future of the French health care system: towards a Beveridge approach?

Bringing the Health Care State Back in
Les embarras politiques d’une intégration par fusion : le cas des Agences Régionales de Santé
Frédéric Pierru et Christine Rolland

Esculape vous tienne en joie,

dimanche 27 janvier 2019

Stop au gâchis humain ! Refusons la normalisation technico-financière de nos métiers


Ubulogie clinique: appel à l'action


Vous trouverez dans le lien ci-dessous une pétition lancée hier par l’Appel des appels.
Si vous décidez de la signer, merci de faire circuler de plus largement possible.


La curatelle ou normalisation technico-financière, formule bien trouvée, est un moyen au service de l'ajustement et de la destruction de la solidarité avec pour objectif la promotion d'une protection sociale à trois niveaux selon le bureau international du travail 
1/ non contributif et low cost, un filet de sécurité universel mais très réduit en terme de panier de soins pour les pauvres, les sans emploi, les personnes âgées et handicapées.
2/ contributif et lié au travail et enfin 
3/ facultatif, assurant un niveau de protection maximale pour les plus fortunés). 

La planification, la formation des professionnels, l'organisation et le financement des soins subiront ou subissent déjà une réingénierie adaptée à ce brave new world. Le reste à charge explosera pour ceux qui tentent d'accéder à des soins de qualité, même fondamentaux, comme le traitement des maladies graves ou la réadaptation. Cette stratégie de santé internationale résolument ignorée en France et destinée à prévenir ou réduire les incapacités, est en voie d'effondrement en établissements de soins, en ville et sen secteur médico-social.

Un des dangers est de développer une stratégie en pied de flute de Champagne, la protection low cost des plus pauvres ou "précaires" cache l'effondrement des prestations aux catégories juste au dessus de ces seuils cache-misère, notamment pour les catégories improductives citées plus haut, les plus menacées en période de crise des dépenses de protection sociale.

Comme pour les stratégies de transformation du système de santé, avec l'importation du mythe des "soins primaires" combiné à celui du contrôle de gestion normalisé sous-jacent aux modèles d'organisation de la santé publique d'Alma-Ata et Ottawa, la stratégie d'ajustement conduit à proposer aux pays à fort revenu les modèles appliqués aux pays à faible revenu. 





Le managérialisme le plus primairement néo-taylorien, l'économie néolibérale la plus dogmatique, qui érigent en mythe l'efficience de la compétition régulée sur des agents modélisés en idiots rationnels (Amartya Sen), ont trouvé la complicité soumise d'un appareil idéologique de santé publique prêt à tous les compromis pour accroître sans fin pour son pouvoir d'expertise. C'est le moment de lire le dernier Mintzberg sur les mythes du management de la santé.

Il n'y a sans doute pas de complot, seulement la bêtise et les affinités électives de systèmes de pouvoirs et de coalitions d'intérêt  à courte vue, qui produisent dans un contexte de globalisation,  d'innovations en TIC et de gouvernement à distance par indicateus ce qu'André Grimaldi nomme "pensée managériale de marché", d'autres managérialisme ou "bureaucratie libérale".

Ce qui est certain, c'est que les mauvaises sciences de gestions, la mauvaise économie de la santé et la mauvaise santé publique produisent des modèles de processus, des indicateurs de résultats, des catégories comptables qui n'ont aucun sens pour les acteurs, de plus en plus déconnectés de l'outcome, ce qui compte vraiment, et qui les font souffrir comme jamais, dans un déni de liberté, de fraternité et d'égalité à la fois.
Car les acteurs, usagers, soignants et managers de santé, se rendent de plus en plus compte que ce bullshit management appliqué aux politique publiques est destiné à détruire leur organisation, la protection sociale et le service du public.

Ce sont des méthodes d'anorexie organisationnelle qui ont pour objectif la construction d'un nouveau système de protection sociale; inégalitaire et inhumain, que nous devons sans cesse débusquer et combattre.

C'est bien écrit, juste, et à diffuser, pour une régulation plus humaine et plus démocratique des dépenses, pour une bonne organisation et une bonne comptabilité (il en faut quand même) qui peuvent aussi être source de richesse!

Mintzberg Managing the Myths of Health Care Le livre


Managing the myths of health Care  l'article


Mintzberg dans le florilège des ubulogues


François Dupuy et la faillite de la pensée managériale


Esculape vous tienne en joie