mercredi 10 novembre 2010

Hôpital public à vendre - Apoptose bureaucratique du système de soins - Déconstruction de la solidarité - La Nouvelle Gestion Publique à la française


"Nous allons vous faire aimer l'an 2000" France Telecom

Comment la réforme parvient à être à la fois soviétique et ultralibérale


Les hôpitaux, et beaucoup plus largement le système de soins, ont pour des raisons systémiques une organisation des connaissances en "tuyaux d'orgues". Cette organisation s'est différenciée en fonction des progrès de la médecine, mais le manque de mécanismes d'intégration qui aurait du accompagner cette inévitable différenciation est plus que jamais inadaptée à la formidable pression conjointe de la rationalisation industrielle des soins et de la maîtrise des coûts.
En réalité cette rationalisation taylorienne-toyotienne totalement inadaptée à la santé, qui prétend fabriquer par sa "réingénierie" des nouveaux médecins et soignants chez qui la conception du soin et son sens, pensés par les ingénieurs de la technostructure, sont dissociés de l'exécution par les techniciens, sert de propagande à une redoutable déconstruction à la fois ultra-jacobine et ultra-libérale de la médecine et des soins français pour masquer au public et aux élus la plus sauvage des entreprises de rationnement des systèmes de soins et d'accompagnement.
L'organisation est hélas doublement incapable de s'adapter du fait de la fragmentation financière, institutionnelle et conceptuelle, aggravée par l'usine à gaz de la décentralisation qui met en opposition un système assuranciel "déconcentré" pour les soins et un système assistanciel "décentralisé" pour l'action sociale et médico-sociale. Un abîme, une véritable dérive des continents, a progressivement séparé en France et laissé au managérialisme le plus délétère, au mépris stupéfiant de la transition épidémiologique, les soins curatifs, les questions de prévention, de perte d'autonomie, de maladies chroniques, de difficultés sociales, du vieillissement et du handicap. Chacun y va alors de sa définition de la précarité de la vulnérabilité et des ses remèdes entre des extrêmes qui vont du grand tout médical au grand tout social.
Seuls les meilleurs lobbyistes peuvent faire passer ça et là , et souvent au mépris d'une réponse raisonnable aux besoins réels, tel ou tel sujet politico-médiatique pour une priorité de santé. Il leur faut s'appuyer sur des données bio-statistiques et computationnelles aussi auto-expertes et arrogantes qu'inconsistantes et limitées par des heuristiques de disponibilité: ALD 100%, CMU CMUc, PMSI utilisé comme outils épidémiologiques, sans tenir compte des logiques d'usagers et des professionnels dans les territoires.

Double contrainte et perte de sens
Peu importe l'évaluation des besoins et encore davantage celle des résultats cliniques qui se fait attendre, il faut faire du réseau, encore du réseau, toujours du réseau, pour masquer la politique de rationnement, "buzzword" parce qu'il signifie tout ce qui est coopération entre marché et hiérarchie, et horizon indépassable des réflexions et injonctions paradoxales du management dans un système ou la mise en concurrence des structures pour leur survie est érigée en modèle de gestion. "Double contrainte" schizophrénisante caractéristique et perte de sens assurée.
"Sois autonome." Mais cette vision de l'autonomie est un soleil trompeur comme le montre Michela Marzano.
La concurrence encadrée et la gestion administrative des résultats selon des manipulations d'incitatifs inspirés du monde marchand et d'une économie mainstream qui fait des "acteurs du soin" des calculateurs égoïstes, attaquent frontalement les unités opérationnelles traditionnelles de la "bureaucratie professionnelle" de Mintzberg. Même si celles-ci doivent évoluer vers une meilleure combinaison systémique des connaissances, les unité opérationnelles restent la base micro-économique de la qualité au meilleur coût, des coeurs de compétences d'équipes qui s'acquièrent au contact du public, ces compétences-clés aujourd'hui niées par les balivernes de flexibilité, polyvalence et mutialisation, concepts grossièrement importés en santé par des semi-habiles au savoir faire limité et expéditif et n'ont jamais mis les pieds dans un service de soins, dans la démédicalisation galopante de la régulation publique et son ubuesque vision de la gestion des compétences comme contrôle des attitudes et comportements.

Pour préserver qualité et sécurité des soins au meilleur coût, dans une contexte de ressources rares, rien est plus urgent que de développer les espaces de communication et de capitalisation horizontaux mêlant connaissances médicales expertes et managériales. Les NTIC permettent une expansion rapide de ces nouveaux modes d'apprentissage organisationnel mais les attitudes et comportements de "narrowcasting" habituels, des élites française, qui fonctionnent à la "logique de l'honneur" et qui craignent une perte de contrôle par l'effet agora de ces nouveaux espaces, en limitent fortement le déploiement. Les systèmes d'information des plus grosses structures bureaucratiques de soins favorisent aujourd'hui un mode de communication essentiellement vertical, trop souvent purement descendant, qui au mieux s'arrête au niveau des pôles quand il descend jusque là. Il convient aussi d'éviter les pièges de "Big Data" dénoncés par Danah Boyd et d'autres bloggers. (voir data, data eveywhere dans the economist

Biopolitique des émotions - Et si la peur l'emporte?
La spirale de la défiance, souvent justifiée par les réformes bureaucratiques des décennies précédentes dont les résultats n'ont jamais été évalués, entraîne la peur de mettre en place de nouveaux espaces collaboratifs et le repli sur la décision de ce qu'en terme de réseaux sociaux on nomme des "cliques" très fermées et sélectives dès lors qu'il s'agit de décider du changement et de restructurations.
Certains hôpitaux "magnétiques" parviennent mieux que d'autre à une adaptation aux nouvelles nécessités de communication en réseaux sociaux collaboratifs et capables de transformer des connaissances tacites grâce auxquelles diverses équipes savent mieux s'adapter à la contingence des nouvelles contraintes, en connaissances enfin capitalisables, les rendant d'autant plus attractifs pour les soignants, médecins ou non qu'il sont capables de guérir de l'amnésie organisationnelle induite par les cloisonnements croissants entre médecins, paramédicaux et managers au delà des gadgets incantatoires.
La loi HPST et le déploiement de la Nouvelle Gestion Publique dans sa version française privilégient aujourd'hui l'abandon de pans entier des soins au profit du marché, entérinent un déséquilibre majeur de la régulation traditionnelle du système de soins au détriment de la régulation médicale et au profit de la régulation managériale (HPST) et marchande (NGP)

Pointcasting - narrowcasting et broadcasting
http://www.constellationw.com/fr/les-paliers-culturels


"Il y a une confusion entre «réseau sociaux ouverts, de masse» et « réseaux collaboratifs fermés, électifs et sélectifs». Les intellectuels d'Europe se défient des réseaux sociaux de masse et considèrent les âneries infantiles comme Facebook comme des gagdets sans intérêts. Nous n'avons pas besoin de multiples « amis » et « contacts » aussi vides que futiles, voire dangereux puisqu'une information (vraie ou fausse) glissée dans ces torchons de masse n'est plus effaçable et circule hors de tout contrôle, invitant au mensonge, à la superficialité et au faire-semblant.
Par contre les réseaux coopératifs gagnent chaque jour plus de terrain autour des entreprises, des « think-tanks », des universités, des groupuscules politiques ou spirituels, Ici (en France), la distinction entre le monde élitaire (réseaux collaboratifs fermés) et le monde populaire (réseaux sociaux de masse) est bien plus marquée qu'ailleurs."
"Dans son essai, Extension du domaine de la manipulation, Michela Marzano défend la thèse de l’avènement d’une nouvelle société, en construction depuis les années 1970/80 et caractérisée par le règne de l’ "hyperindividualisme". Trois valeurs centrales seraient désormais portées aux nues et érigées en modèle à suivre pour chaque individu : authenticité, volontarisme et autonomie. Un discours certes séduisant mais en réalité trompeur, ..."

Manifeste pour un boycott des manuels de management

Extension du domaine de la manipulation De l'entreprise à la vie privée Parution : 20/10/2008Auteur(s) : Michela Marzano Editeur : Grasset 284 pages

Les maladies de l’Hôpital Public - Dr Jean-Martin Cohen-Solal, directeur général de la Mutualité Française.- Jean Léonetti, député UMP des Alpes-Maritimes, président de la Fédération Hospitalière de France.- Pr André Grimaldi, diabétologue à l’Hôpital de la Pitié-Salpétrière.
PODCASTS : http://www.rfi.fr/emission/20101028-1-maladies-hopital-public
PODCAST : http://www.rfi.fr/emission/20101028-2-maladies-hopital-public

Faire payer les vieux. C Trivalle

Podcast pour écouter André Grimaldi et Frédéric Pierru sur France Culture - L'hôpital, une réforme difficile

Hôpital public à vendre - Anne gervais et André Grimaldi
Cliquer ici

La désocialisation de la santé en France. Un choix politique inégalitaire. Philippe Batifoulier Maître de conférences en économie EconomiX, Université Paris Ouest
Source : http://www.ies-salariat.org/IMG/pdf/Notes_IES_16-2.pdf
Chacun a pu faire l’expérience, quand il a rencontré un problème de santé, du renchérissement du coût des soins. Les individus sont mis de plus en plus à contribution pour le financement de leurs propres dépenses de santé sous l’effet de l’intensification des tickets modérateurs et du développement des franchises et forfaits. Pourtant, le gouvernement français ne cesse de brandir, chiffres à l’appui, le faible taux d’effort demandé au patient français par comparaison à d’autres pays où le « reste à charge » pour les ménages est beaucoup plus important. Ainsi la désocialisation de la santé en France est partout sauf dans les statistiques. Cette note vise à montrer que cette désocialisation est bien présente si on tient compte du coût réel des soins (partie 1). Elle en isole les justifications politiques (partie 2) et en dresse un bilan (partie 3).
Autres textes en ligne de Batifoulier

Clinique vs Santé publique - Politique de soins et politique de santé
Une analyse de Marc Bremond en 2000, dans la revue Adsp: Organisation, décision et financement du système de soins - Revue ADSP n°33
"Politique de soins et politique de santé ont symboliquement entamé leur divorce le 15 novembre 1989, à la suite de la parution d’un article dans Le Monde intitulé « Non au ministère de la Maladie » signé par cinq experts*, tous médecins." (une analyse incontournable de cet article)
"La « médicalisation » de la société, avec l’avènement d’une cléricature de la thérapeutique et la volatilisation de la maladie dans un milieu corrigé, organisé et sans cesse surveillé, constitue, depuis l’avènement des États modernes, les deux modèles extrêmes entre lesquels schématiquement s’organise le débat public sur les politiques de soins (de santé)." Marc Bremond (peut-on parler d'une politique de soins?)

Quelques liens sur la régulation
Une critique des modes managérialistes dans la gestion des organisations de services humains complexes de santé et de services sociaux Alain Dupuis, Téluq UQAM et Cergo Luc Farinas, Cergo 2009

Le nouveau management public et la bureaucratie professionnelle Florence GANGLOFF Doctorante Université Montpellier 1- ERFI - ISEM
http://www.iae.univ-poitiers.fr/afc09/PDF/p177.pdf

Management par objectifs, financiarisation des stratégies et perte des réalités, par Aurélien Acquier


La nouvelle gestion publique en action +++
http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RIPC_112_0177
Tiré de Revue internationale de politique comparée Volume 11 –2004/2
"La nouvelle gestion publique"
http://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2004-2.htm

The Balance between Professional Self-Regulation and Accountability for Monitoring and Improving Quality of Care

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire